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B. LE PUBLIC « CIBLE » DES EMPLOIS D’AVENIR

2. La question de l’ouverture dérogatoire aux jeunes plus qualifiés en zone

Si le dispositif des emplois d’avenir est principalement destiné aux jeunes sans qualification ou peu qualifiés, qui rencontrent d’évidence les plus grandes difficultés d’accès à l’emploi, il n’a pas vocation à exclure des jeunes confrontés à des difficultés parfois tout aussi importantes d’accès à l’emploi sous prétexte qu’ils sont un peu plus qualifiés. On sait que dans certaines zones du territoire national, un jeune bachelier et même un jeune titulaire d’une licence peuvent rencontrer des obstacles aussi importants pour accéder à un emploi qu’un jeune n’ayant pas obtenu le baccalauréat dans un bassin d’emploi où les tensions sont moins fortes.

C’est pourquoi la gradation déjà évoquée a été retenue, qui consiste à rendre éligible sans aucune condition supplémentaire un jeune sans diplôme, à soumettre des jeunes titulaires d’un CAP/BEP à une condition d’antécédence de recherche d’emploi de six mois dans les douze derniers mois, et, « à titre exceptionnel, après validation par l’unité territoriale » de la DIRECCTE, à ouvrir le dispositif aux jeunes bacheliers, et même aux jeunes jusqu’au niveau du premier cycle de l’enseignement supérieur (Bac+3 validé) dans ces zones prioritaires, sous condition d’une antécédence de recherche d’emploi d’au moins douze mois dans les dix-huit derniers mois.

La DGEFP a d’ores et déjà procédé à des instructions d’assouplissement de l’appréciation de la durée de recherche d’emploi exigée tant pour les jeunes de niveau V (BEP/CAP) que pour les jeunes en zone tendue de niveau IV ou plus : les « questions-réponses » mises à disposition des opérateurs par la DGEFP sont en effet venues préciser qu’« il peut être pertinent d’attribuer un emploi d’avenir à un jeune de niveau IV ou plus, dès lors qu’il réside en ZUS, ZRR ou dans les DOM, mais qui ne totalise pas une durée de douze mois de recherche d’emploi au vu de ses difficultés d’accès à l’emploi (y compris en termes d’insertion sociale), anticipant que l’emploi d’avenir restera la seule solution pour lui avec douze mois de recherche ». Il s’agit donc bien d’apprécier individuellement la situation de

chacun de ces jeunes, afin notamment de ne pas conduire les conseillers des missions locales à purement et simplement demander à un jeune d’attendre quelques mois sous prétexte qu’il n’est pas en contact avec la mission locale depuis une durée suffisamment longue pour pouvoir prétendre à un emploi d’avenir.

Ainsi, la durée de recherche d’emploi exigée peut inclure certaines périodes d’activité réduite telles que les périodes passées en service civique pendant lesquelles le jeune peut être amené à rester en contact régulier avec son conseiller en mission locale. Les périodes pendant lesquelles les jeunes ont eu une activité d’une durée inférieure à soixante-dix-huit heures par mois (dans le cadre de CDD de courte durée, d’une mission d’intérim ou encore d’un CDI à temps très partiel) peuvent être globalement prises en compte, dès lors que les jeunes en question sont restés en contact régulier avec un opérateur du service public de l’emploi. Il s’agit en effet de ne pas pénaliser un jeune qui serait en recherche d’emploi depuis une assez longue durée, mais qui aurait par exemple décroché un CDD pendant un mois au cours de cette période et qui est donc objectivement en recherche structurelle d’emploi. Ces souplesses sont indispensables, et la mission se réjouit du fait qu’elles existent.

S’agissant de l’ouverture dérogatoire du dispositif aux jeunes un peu plus qualifiés en zone prioritaire, la mission a constaté, dans le cadre des déplacements qu’elle a effectués sur le territoire, que, dans les faits, ces dérogations étaient systématiquement accordées dans certains départements et, au contraire, de manière exceptionnelle dans d’autres. Considérant que la réussite du dispositif dépend en partie de sa souplesse, la mission juge qu’il est indispensable que l’ensemble des souplesses prévues par le dispositif législatif lui-même doivent être actionnées. Les décisions doivent être rapides – vingt-quatre heures en Midi-Pyrénées – et le seul critère qui doit fonder la décision doit être le niveau de formation requis pour occuper le poste, afin d’éviter à la fois les effets d’éviction des jeunes les moins qualifiés, et de déclassement des plus diplômés.

Proposition n° 8 : Homogénéiser et fluidifier les décisions de dérogations relatives aux diplômés en ZUS, en s’alignant sur les pratiques les plus souples : décisions prises sous vingt-quatre heures et fondées sur le seul critère de l’adéquation du poste au niveau de formation initiale.

Au cours de ces mêmes déplacements, a été évoquée l’éventualité de rendre éligibles aux emplois d’avenir les jeunes de niveau IV, c’est-à-dire de niveau baccalauréat validé, sans condition de résidence dans une zone difficile (ZUS, ZRR ou outre-mer) : en effet, la sanction du diplôme d’un baccalauréat général n’est pas nécessairement synonyme d’une insertion professionnelle plus aisée qu’un diplôme de niveau V (CAP/BEP) ; c’est même parfois l’inverse qui est constaté.

On peut également s’interroger sur l’opportunité d’ouvrir le dispositif à des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur au-delà de la licence, à partir du moment où ceux-ci, résidant en ZUS, en ZRR ou dans l’outre-mer, rencontreraient des difficultés particulières d’accès à l’emploi : une condition d’antécédence de recherche d’emploi encore plus importante pourrait dès lors être exigée (par exemple, dix-huit mois au moins dans les vingt-quatre derniers mois). Une telle extension supposerait une modification législative.

Les membres de la mission se sont interrogés sur un potentiel effet d’éviction des jeunes les moins diplômés par des jeunes plus diplômés dans ces zones prioritaires, qui pourrait être accru dans le cas d’une extension à des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur du bénéfice des emplois d’avenir. De telles craintes doivent être relativisées au regard des prescriptions constatées sur le terrain par la mission : ainsi, la mission locale de Clichy ne recense que 2 % de contrats « dérogatoires », c’est-à-dire conclus avec des jeunes de niveau IV ou plus résidant en ZUS.

Une option défendue par votre Rapporteur, qui passerait également par une modification de la loi, consisterait à ouvrir le dispositif à l’ensemble des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté d’accès à l’emploi, en conservant le ciblage prioritaire sur les jeunes issus de quartiers défavorisés, en modulant l’aide financière en fonction du niveau de diplôme. L’aide de l’État serait ainsi dégressive avec l’élévation de la qualification du jeune. L’absence totale de diplôme et de qualification donnerait lieu à une prise en charge financière maximale pour l’employeur ; en revanche, plus le niveau de qualification du jeune augmenterait, plus l’ancienneté au chômage exigée serait élevée et plus l’aide financière diminuerait.

Proposition n° 9 : Au-delà des emplois d’avenir, afin d’éviter les effets de seuil et les sentiments d’injustice, réfléchir à des systèmes d’aides financières à l’emploi qui évoluent de manière décroissante avec les difficultés d’accès à l’emploi, potentielles (diplôme) ou effectives (ancienneté au chômage).

Pour les emplois d’avenir, afin de ne pas perturber la montée en charge par un changement des règles, la mission privilégie une autre approche consistant à attribuer aux prescripteurs une enveloppe de contrats – limitée à quelques milliers au plan national pour ne pas perdre de vue la cible initiale – pour régler au cas par cas ce type de situation ainsi que toutes celles qui concernent des publics relevant de l’esprit de la loi, sans rentrer strictement dans les catégories administratives limitativement fixées par celle-ci.

En effet, le dispositif des emplois d’avenir se distingue principalement par le choix de son public cible : les jeunes peu ou pas qualifiés, en particulier ceux issus de quartiers prioritaires, où les difficultés d’accès à l’emploi sont les plus importantes. La réussite du dispositif suppose qu’il soit appliqué de manière souple, afin de limiter au maximum les effets couperets qui auraient des conséquences désastreuses. Or, la mission a pu constater au cours de ses

déplacements que les missions locales se trouvaient souvent confrontées à des cas limites, auxquels, par souci de rigueur, elles peuvent être amenées à opposer un refus de prescription d’un emploi d’avenir : un jeune en demande d’insertion issu d’un quartier défavorisé mais qui se situe malheureusement hors ZUS ; un jeune en situation de handicap mais ne bénéficiant pas de la reconnaissance de travailleur handicapé car se trouvant dans cette situation de manière très récente ; un jeune diplômé au chômage depuis une longue période, un jeune bachelier qui ne réside pas en zone prioritaire, etc. Ces cas sont aujourd’hui totalement exclus du dispositif. Afin de répondre à ce que l’on ne peut que considérer comme une anomalie, la mission souhaite qu’une souplesse puisse être apportée au dispositif, par le biais de la fixation d’une enveloppe limitée à 5 % des contrats prescrits, et qui pourrait bénéficier à des jeunes dans la même fourchette d’âge, dont les difficultés d’accès à l’emploi sont tout aussi réelles. La définition d’une telle exception exigerait une modification législative.

Proposition n° 10 : À des fins d’équité, autoriser les prescripteurs à recourir aux emplois d’avenir pour régler des situations qui ne rentrent pas strictement dans les catégories administratives prévues en faveur de jeunes qui rencontrent des difficultés analogues d’accès à l’emploi, dans la limite d’un volant de 5 % de leur enveloppe.