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Quels accompagnateurs pour quels accompagnements ?

II.2 Un vécu du dispositif difficile mais fertile

II.2.4 Les motivations nouvelles et la projection dans le futur

II.2.4.3 Quels accompagnateurs pour quels accompagnements ?

Pour certains, accompagner, c’est s’adapter et comprendre la situation du collègue, le faire réfléchir, le poser dans une logique de réflexivité, de praticien réflexif (Schön, 1994 & 1996), en lui donnant des outils, des ressources, des méthodes. L’accompagnement est présenté comme un posture en position « méta » qui démarre par l’analyse de la situation initiale jusqu’à la mise en œuvre de l’innovation. Cette posture s’exprime dans une succession de phases s’appuyant sur l’écoute,

« Être à l’écoute, être « neutre », ne pas donner des solutions mais les accompagner... Je veux dire marcher avec, pas tirer vers l’avant »

Doivent suivre l’échange, les discussions, le partage de pratiques. Pour certains il ne s’agit pas de former, parce qu’ils ne se sentent pas légitimes pour le faire, pour d’autres la phase formative est utile parce qu’elle contribue à légitimer certaines pratiques par des apports théoriques. Accompagner c’est entrer dans une logique adaptative car chaque situation est différente.

« Je pense que l’enjeu, en tant qu’accompagnateur, c’est plutôt aider quelqu’un …. Je le prends par la main et je l’accompagne, ce n’est pas forcément lui donner la solution, mais c’est peut-être lui donner les ressources de trouver lui-même, peut-être pas la solution, en tous cas les dosages. »

4 En psychologie, lorsque les croyances d’efficacité sont négatives, ce type d’état psychologique est décrit par les expressions de résignation ou d’impuissance apprise ou acquise (Lieury & Fenouillet, 1996).

« Il faut que l’équipe pédagogique, ou en tous cas le collègue, puisse se réapproprier les choses et l’adapter (...) L’adapter pour, justement, qu’il ait un peu ce plaisir de dire : « Tiens, j’ai fait quelque chose d’un peu nouveau ». »

Les accompagnateurs sont tous convaincus que chaque situation est spécifique et que l’accompagnement ne consiste pas à déployer des modèles, mais peut-être à entrer dans une dynamique d’essais-erreurs.

« Je ne suis pas convaincu du copier-coller. »

Il est nécessaire pour eux d’analyser le contexte pédagogique, le profil de l’enseignant et ses pratiques actuelles, plutôt que de plaquer des outils pédagogiques à tout prix. Il leur revient également de dédramatiser les erreurs, de montrer que l’innovation introduit parfois de l’incertitude et que le processus nouveau ne fonctionne pas toujours immédiatement, nécessitant d’entrer davantage dans une dynamique d’amélioration permanente ou d’essais/erreurs/évolutions. Nous pourrions appeler cela une position de vigilance protectrice. Les accompagnateurs se voient en position réflexive par rapport au collègue et en situation de le stimuler dans cette réflexivité. Il s’agit en quelque sorte de jouer le rôle de miroir, sans pour autant suppléer le collègue.

« Je me sens capable de proposer à quelqu'un de prendre un peu de recul, de lui proposer différentes méthodes pédagogiques, d'analyser... »

« La réflexivité, je pense que c'est important. C’est important d'aider les gens en leur disant de temps en temps :« Bon, stop, on analyse un petit peu ce qu'on a fait, et puis on essaye de ré-évoluer derrière. » »

« On n’a pas à avoir une position intrusive, ni à expliquer. On est là surtout pour favoriser la réflexion. »

Ces éléments se rapprochent de la vision de Carl Rogers concernant la relation d'aide qui, selon lui, est une des formes de relation interpersonnelle ayant pour vocation de favoriser chez l'autre la croissance, la maturité, une plus grande capacité à affronter la vie, en mobilisant ses propres ressources, en utilisant fortement l’écoute active dans une attitude non directive (Rogers, 2001).

L’accompagnement nécessite une adaptation au contexte de l’enseignant, des étudiants et de ce fait d’« avoir

une posture évolutive, dynamique ». Les éléments théoriques sont en appui pour expliciter les méthodes et

deviennent ainsi des atouts dans la relation avec l’accompagné.

« Avoir des arguments pour leur dire : « Si on change un peu, c’est pour cette raison-là, parce que telles études ont montré qu’effectivement c’était plus favorable. »

La vision que les accompagnateurs ont d’eux-mêmes a beaucoup évolué au cours de la formation : il y a d’abord eu un glissement d’une centration sur la question des savoirs et savoir-faire pédagogiques à une centration sur la question de l’accompagnement. En cela, on voit l’impact positif du travail plus théorique (et bien décrié par ailleurs) initié dans la période septembre-décembre 2017.

Concernant la question de l’accompagnement, une évolution se fait sentir également dans la mesure où, au départ, les accompagnateurs ont questionné leurs pratiques et leurs outils pour, peu à peu, en venir à se questionner eux-mêmes, leurs représentations et leur personnalité. En quelque sorte, il y a une vision plus complète, plus systémique de ce qui se joue dans la relation d’accompagnement. Et, au final, la dimension pédagogique passe au second plan, derrière la dimensions accompagnateur, et la technique derrière l’humain. L’accompagnateur selon les interviewés se rapproche de la vision qu’ils ont de l’enseignant :

• Il n’est pas celui qui fait mais celui qui aide ses collègues.

• Il a un bagage théorique en pédagogie mais ce n’est pas un expert (au sens de « sachant »), c’est un pair qui a de la méthodologie de changement.

• Il part des besoins des collègues qu’il accompagne : c’est un métier de la relation qui nécessite une posture d’écoute et d’empathie (d’où l’importance que, eux-mêmes, aient vécu de l’intérieur la transformation de leur pédagogie, les doutes que cela occasionne...)

• Il occasionne et/ou accompagne des prises de conscience : il provoque un changement de posture bien plus qu’un changement de pratique.

• Il n’est pas un individu isolé (contrairement au sentiment souvent évoqué par les innovateurs) car il s’inscrit dans des réseaux : réseau des accompagnateurs (selon des modalités à inventer), réseaux des composantes, des disciplines, etc.

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