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Quelques exemples d’utilisation de la DIC en géomécanique

Grace à la simplicité des montages expérimentaux et à la bonne précision de la mesure, le nombre d’applications s’appuyant sur les techniques de la DIC a littéralement explosé au cours des trois dernières décades. Les applications en mécanique ont trois objectifs principaux :

• la visualisation des champs de déplacement et de déformation sur différents types de matériaux (métalliques, composites, polymères,...) soumis à une sollicitation mécanique, thermique ou à d’autres types de chargements ;

l’obtention de paramètres du matériau (e.g., le module d’Young, le coefficient de Poisson) [Hild et Roux, 2006 ; Avril et al., 2008], le facteur d’intensité de contrainte [Réthoré et al., 2005; Roux et Hild, 2006; Yoneyama et al., 2007], le coefficient de dilatation thermique [Pan et al., (2009)], des paramètres associés à la plasticité [Pottier et al., 2007 ; Haddadi et al., 2005] ;

• la validation des simulations de mise en forme des matériaux par comparaison des champs théoriques et expérimentaux [Pottier et al., 2007] ;

Ces techniques expérimentales se sont révélées très efficaces pour les études en mécanique des sols (e.g., sables, argiles). Guler et al. (1999) ont analysé des images pour mesurer le mouvement de particules de sols granulaires ; Liu et Iskander (2004) et White et al., (2003) ont employé ces approches pour étudier la déformation des sols. Dans l’étude de la localisation des déformations en bandes de cisaillement, la technique DIC est très efficace à caractériser l’hétérogénéité des champs de déformation [Rechenmacher et Finno, 2004].

Dans la suite, nous présentons deux exemples de l’utilisation de la technique DIC dans l’étude de la localisation des déformations qui ont été réalisés dans notre laboratoire sur une marne de Beaucaire et sur une argilite « Quick clay » Norvégienne.

La Figure 2.8 montre un exemple d’évolution des bandes de cisaillement sur de la marne de Beaucaire observée lors d’un essai de compression en déformation plane par Viggiani et Desrues (2004) en utilisant deux techniques de mesure de déformation. Les détails de l’appareil expérimental (machine Biaxial) sont donnés dans Désrues (1984). La Figure 2.8 (haut) présente le résultat obtenu

par la méthode de stéréophotogrammétrie de faux relief (False Relief Stereophotogrammetry-FRS) (une présentation complète de cette technique se trouve dans Desrues et Viggiani (2004) la

Figure 2.8 (bas) montre le résultat obtenu par la technique DIC et le logiciel 7D utilisé dans cette thèse. Les auteurs ont remarqué qu’autour du pic de la charge axiale, plusieurs zones parallèles conjuguées de localisation des déformations se formaient dans la partie inférieure de l'échantillon. En comparant les résultats obtenus par ces deux techniques de mesure, il est clair que l’approche par la corrélation fournit des informations beaucoup plus détaillées de la localisation de la déformation que la méthode FRS. Plus de bandes de cisaillement peuvent être identifiées, y compris les bandes mineures conjuguées au dernier incrément qui ne sont pas visibles avec la FRS.

Figure 2.8. Champs incrémentaux de l'intensité de la déformation de cisaillement évalués par FRS (en haut) et DIC (en bas) obtenus sur la marne de Beaucaire [Viggiani et Desrues, 2004].

Thakur et al. (2007) ont également employé la méthode DIC (logiciel DAVIS 6.0) pour suivre la formation des bandes de cisaillement sur une argile norvégienne (Quick Clay) en utilisant l’appareil de compression en déformation plane au laboratoire 3SR. La vitesse de chargement est lente (0.36%/h). L’analyse des images indique que la première bande de cisaillement émerge bien avant le pic (images 574-579). Ce phénomène est interprété par les auteurs comme associé à une hétérogénéité du matériau à l’intérieur de l’échantillon. La deuxième bande de cisaillement apparaît dans la direction perpendiculaire à la première lorsque le premier pic est passé. Finalement, l’échantillon se sépare en de multiples blocs par les bandes de cisaillement et la force appliquée diminue.

Figure 2.9. Evolution de la localisation de la déformation relevée par technique DIC à différents incréments pendant toute la durée d'un essai de déformation plane sur une argile norvégienne

[Thakur, 2007].

Notons que les échantillons dans les deux exemples cités en dessus, ont été enveloppés dans les membranes, qui suivent la déformation des échantillons. Inévitablement, l'épaisseur des bandes de déformation localisées mesurées est probablement plus large que celle en réalité. Par conséquent, les fissures de cisaillement peuvent apparaitre dans les résultats de DIC comme étant les bandes de cisaillement avec les épaisseurs importantes.

Dans l’étude sur la fissuration dans les roches, Ferrero et al. (2008) ont utilisé la technique DIC pour étudier la rupture de la marne de Beaucaire et de la marne de Farina d’Olmi. La Figure 2.10 présente les résultats issus d’un essai de compression uniaxiale sur la marne de Farina d’Olmi. Dans cette figure, des cartes de déformations verticales (εy) et horizontales (εx) obtenues à différents niveaux de charge ainsi que les photos de l'échantillon sont présentées. Les déformations sont homogènes à faible charge appliquée. Elles montrent ensuite les ruptures localisées lorsque les charges sont plus élevées. Sur la partie droite de l'échantillon, une fissure identifiée par les auteurs comme étant probablement due à une imperfection locale au cours de la préparation des échantillons est clairement identifiée (B). La fissure principale se forme sur un coin et s'écarte au cours de la propagation des fissures jusqu'à une rupture axiale classique.

Figure 2.10. Cartes des déformations verticales (εy) et horizontales (εx) et photos de l'échantillon, obtenues par une méthode de photogrammétrie à différents niveaux de charge sur un échantillon de

marne de Farina d’Olmi [Ferrero et al., 2008].

De Sanctis (2005) a réalisé une campagne expérimentale pour étudier la propagation de fissures et leurs coalescences dans le Tuf de Naples (voir Hall et al., 2006 et de Sanctis, 2005) qui est également l’un des matériaux dans notre étude. Les échantillons prismatiques entaillés (dimension 100x50x35 mm3) ont été chargés en compression uniaxiale en déformation plane avec une vitesse de déformation axiale constante. Des photographies de la face principale de ces échantillons ont été acquises en cours de chargement, ce qui a permis de capturer le moment et le lieu de l'initiation des fissures et de suivre leur propagation. Hall et al. (2007) ont analysé l’un de ces essais en utilisant la méthode DIC (logiciel PhotoWarp), le résultat est donné dans la Figure 2.11. Dans cet exemple, en examinant les déformations de cisaillement maximum (εs-max), les auteurs ont observé que les fissures s’initient aux quatre pointes des entailles, mais les wing cracks externes (Wexterne) se propagent plus rapidement que les wing cracks internes (Winterne). Lorsque les wing cracks externes se propagent de manière significative vers les limites de l'échantillon, les entailles coalescent à travers le pont de roche et conduisent à la rupture finale de l'échantillon.

Figure 2.11. Déformations de cisaillement maximum obtenues pour différents incréments dans un essai de compression en déformation plane sur un échantillon parallélépipédique entaillé de Tuf [Hall

et al., 2007].

Remarques

Les exemples présentés dans les paragraphes précédents montrent la capacité des techniques DIC à suivre l’évolution de l’endommagement à la surface des échantillons. Les phénomènes observés en surface ne reflètent le comportement interne du matériau qu’à la condition d’homogénéité du comportement dans l’épaisseur. Les analyses RX montreront que cette hypothèse d’homogénéité dans l’épaisseur ne peut pas être assurée pour les roches. Pour mieux interpréter l’endommagement dans les roches, il est donc nécessaire de combiner ces techniques d’analyse en surface avec d’autres techniques de mesure de champs (i.e., l’émission acoustique et la tomographie RX) qui seront présentées dans la suite.