2.6 Borne inf´erieure pour l’accessibilit´e quantique
3.1.1 Quelques d´efinitions
Nous nous int´eressons dans ce chapitre `a la notion de “compl´ementation locale” (voir D´efinition 1.6).
Deux graphes G et G′ sont dits “localement ´equivalents” lorsqu’il est possible d’obtenir le graphe G′ `a partir de G en effectuant une suite de compl´ementations locales par rapports aux sommets de G :
D´efinition 3.1. Soit G et G′ deux graphes.
G≡LC G′ ⇐⇒ ∃{u1,· · · , uk} ⊆ V (G) t.q. G′ = G∗ u1∗ · · · ∗ uk (3.1)
On remarquera que cette relation est une relation d’´equivalence (car (G∗ u) ∗ u = G), et les graphes sont donc partitionn´es en classes par rapport `a cette relation.
La question de la distinction de ces classes `a ´et´e trait´ee par Bouchet [Bou87, Bou91] : il donne un algorithme polynomial qui d´ecide si deux graphes donn´es appartiennent `a la mˆeme classe d’´equivalence. Nous nous int´eressons ici `a la valeur du degr´e minimal des graphes d’une classe donn´ee, appel´e “degr´e minimal par compl´ementation locale” : D´efinition 3.2. Soit G un graphe.
δloc(G) = minδ(G′) G≡LC G′ (3.2) o`u δ(G′) d´enote le degr´e minimum de G′.
Pour tout graphe G, la quantit´e δloc(G) est caract´eris´ee graphiquement [HMP06] en utili-sant les voisinages impairs de certains sous-ensembles des sommets de G (voir D´efinition 1.4). Le degr´e minimum par compl´ementation locale est directement li´e `a la taille du plus petit ensemble de la forme D∪ Odd(D) :
Propri´et´e 3.1 ([HMP06]). Soit G un graphe.
δloc(G) = min |D ∪ Odd(D)| D6= ∅, D ⊆ V (G) − 1 (3.3)
Cette propri´et´e pr´esente notamment l’avantage de pouvoir caract´eriser le degr´e mi-nimum par compl´ementation locale d’une classe `a partir de n’importe lequel de ses repr´esentants.
Une autre notion essentielle de ce chapitre est la “domination impaire faible” (WOD : Weak Odd Domination). Elle se formalise ainsi :
D´efinition 3.3. Soit G = (V, E) un graphe. Un ensemble de sommets B ⊆ V est dit “WOD” lorsqu’il existe un ensemble C ⊆ V \ B tel que
B ⊆ Odd(C) (3.4)
Tout comme l’´enonce le Th´eor`eme 2.7 avec les ensembles `a noyau impair et les ensembles domin´es modulo 2, nous avons ici une caract´erisation des ensembles non-WOD : Propri´et´e 3.2. Soit G = (V, E) un graphe. Si un ensemble B ⊆ V de sommets n’est pas WOD (non-WOD), alors il existe D⊆ B avec |D| = 1 mod 2 tel que
Odd(D)⊆ B (3.5)
On remarque que les sous-ensembles des ensembles WOD sont ´egalement WOD. Ainsi, nous introduisons les quantit´es qui correspondent `a la taille du plus grand ensemble WOD et celle du plus petit non-WOD :
D´efinition 3.4. Pour tout graphe G,
κ(G) = max
B WOD|B| (3.6) κ′(G) = min
B non-WOD|B| (3.7) Cette notion co¨ıncide avec les ensembles “domin´es modulo 2” d´efinis dans le Chapitre 2 (D´efinition 2.4) dans le cas d’un graphe avec un dealer universel. De mˆeme, les ensembles non-WOD co¨ıncident avec les ensembles “`a noyau impair”. De cette fa¸con, la quantit´e κ′(G) est la taille du plus petit ensemble de joueurs capables d’acc´eder `a un secret classique dans un protocole construit `a partir d’´etats graphes (voir Chapitre 2, protocoles cQSS). De mˆeme, κ(G) est la taille du plus grand ensemble qui n’a pas acc`es au secret dans ces protocoles.
Illustrons cette d´efinition par le calcul de ces valeurs pour la famille des graphes Gp,q pr´ec´edemment introduits en 2.5.1. Pour tout p, q ∈ N∗ o`u q ≥ 2, le graphe Gp,q est le graphe d’ordre pq q-parti complet dont chaque stable est de taille p. On d´ecompose alors Gp,q= (V, E) en q stables :
V = V1∪ · · · ∪ Vq (3.8)
Toutes les paires de sommets{u, v} sont donc reli´ees lorsque u et v n’appartiennent pas au mˆeme stable Vi.
Propri´et´e 3.3. Pour tout p, q∈ N avec q ≥ 2 et n = pq l’ordre du graphe Gp,q, – Si q = 1 mod 2
κ(Gp,q) = n− p
– Si q = 0 mod 2
κ(Gp,q) = max(n− p, n − q)
κ′(Gp,q) = p + q + 1 (3.10)
D´emonstration. Nous distinguons 2 cas en fonction de la parit´e de q. – Si q = 1 mod 2
– [κ(Gp,q)≥ n − p] : On consid`ere l’ensemble B = V2∪ · · · ∪ Vq. Tout sommet u∈ V1
v´erifie
B ⊆ Odd({u}) (3.11)
donc d’apr`es la D´efinition 3.3, B est WOD et |B| = n − p. Ainsi, κ(Gp,q)≥ n − p. – [κ(Gp,q) ≤ n − p] : Soit B ⊆ V un ensemble quelconque tel que |B| > n − p. La
contrainte sur la taille de B assure que B contient au moins 1 sommet uidans chaque stable Vi. On note ainsi D ={u1,· · · , uq} et on remarque que |D| = q = 1 mod 2. Chaque sommet x∈ V \ D est connect´e `a tous les sommets de D sauf celui qui est dans le mˆeme stable Vi que lui. x a donc q− 1 = 0 mod 2 voisins dans D, d’o`u
Odd(D) = ∅ (3.12)
Par cons´equent, B est non-WOD et κ(Gp,q)≤ n − p.
– [κ′(Gp,q)≤ q] : Soit B un ensemble de taille q compos´e d’un sommet ui de chaque stable Vi. Comme il a ´et´e prouv´e dans le point pr´ec´edent, B est non-WOD, donc κ′(Gp,q)≤ q.
– [κ′(Gp,q)≥ q] : Pour tout ensemble B ⊆ V tel que |B| < q, il existe un stable Vi tel que B∩ Vi = ∅. Soit u un sommet quelconque de Vi. Tout sommet x ∈ B v´erifie alors
x⊆ Odd({u}) (3.13)
D’apr`es la D´efinition 3.3, B est WOD, donc κ′(Gp,q)≥ q. – Si q = 0 mod 2
– [κ(Gp,q)≥ max(n − p, n − q)] : On prouve que κ(Gp,q)≥ n − p de la mˆeme fa¸con que pour le cas q = 1 mod 2. Soit C ⊆ V un ensemble de sommets de taille q compos´e d’exactement un sommet de chacun des ensembles Vi. Consid´erons `a pr´esent l’en-semble B = V \C. Chaque sommet de B est connect´e `a exactement q −1 = 1 mod 2 sommets de U . Par cons´equent,
B ⊆ Odd(C) (3.14)
donc B est un ensemble WOD de taille n− q. On a ainsi κ(Gp,q)≥ n − q.
– [κ(Gp,q) ≤ max(n − p, n − q)] : Tout ensemble B tel que |B| > max(n − p, n − q) contient `a la fois un stable Vi0 en entier et au moins un sommet ui dans chacun des ensembles Vi. On pose D ={u1,· · · , ui0−1, ui0+1,· · · , uq}. D ⊆ B est donc une
clique de taille q− 1 = 1 mod 2. Tout sommet u ∈ V \ B est connect´e `a tous les sommets de D sauf un (celui appartenant au mˆeme ensemble Vique lui). On a donc
Odd(D)⊆ B (3.15)
d’o`u κ(Gp,q)≤ max(n − p, n − q).
– [κ′(Gp,q) ≤ p + q − 1] : Soit B un ensemble de taille p + q − 1 compos´e de l’union de V1 et d’un sommet ui de chaque stable Vi. Comme pour le point pr´ec´edent, en prenant D = B\ V1 on a bien |D| = q − 1 = 1 mod 2 et
Odd(D)⊆ B (3.16)
Par cons´equent B est non-WOD donc κ′(Gp,q)≤ p + q − 1.
– [κ′(Gp,q)≥ p + q − 1] : Soit B ⊆ V avec |B| < p + q − 1. S’il existe un stable Vi tel que B∩ Vi = ∅, alors pour tout sommet u∈ Vi on a
B ⊆ Odd({u}) (3.17)
donc B est WOD. Si B intersecte tous les ensembles Vi, alors par contrainte de taille il ne peut contenir aucun des Vi en entier. On pose ainsi C ={u1,· · · , uq} o`u ui ∈ Vi\ B. Tout sommet de B poss`ede exactement q − 1 = 1 mod 2 voisins dans C :
B ⊆ Odd(C) (3.18)
Dans les deux cas, on a bien κ′(Gp,q)≥ p + q − 1.