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Quelques considérations et précisions préliminaires

3 MÉTHODOLOGIE

3.2 Vers l'élaboration d'une grille d'analyse

3.2.1 Quelques considérations et précisions préliminaires

Tel qu'annoncé, chaque catégorie correspond au type de preuves que la résolution du problème sollicite a priori chez l'élève. Ainsi, les catégories B et C regroupent les problèmes dont la résolution sollicite un jugement d'une seule venue et une induction empirique, respectivement (source de validation : le sensible). Les catégories G et H regroupent les problèmes dont la résolution sollicite une expérience mentale et un argument empirico-déductif, respectivement (source de validation : raisonnement articulé sur le sensible). Les catégories M et N regroupent les problèmes dont la résolution sollicite une déduction locale et un enchaînement déductif, respectivement (source de validation : le raisonnement logico-déductif). La catégorie A est constituée de ces « applications directes », dans lesquelles l'élève met en pratique une consigne, exécute un algorithme, applique une définition ou un résultat récemment abordé ; ces problèmes pour lesquels les questions de validité et de cohérence ne se posent pas (aucune validation n'est donc exigée de l'élève dans ce cas), et parmi lesquels on retrouve entre autres tous les exercices de tracé33

.

33 Nous parlons bien ici d'exercices de tracé et non de construction (à la règle et au compas). Ceux-ci,

au contraire des exercices de tracé, exigent de l'élève qu'il appuie l'élaboration de la figure de justifications géométriques, débouchant ultimement sur de véritables raisonnements.

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◊ Problèmes frontières

Bien entendu, la classification d'un problème donné est parfois difficile à faire. Les distinctions entre les catégories A et B ainsi qu'entre les catégories A et M sont souvent problématiques ; nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous ajouterons parfois une lettre en indice pour rendre compte de ce qu'un problème est à la frontière de deux catégories. Par exemple, quand il ne s'agit que d'appliquer un résultat précédemment abordé pour répondre à la justification demandée, nous dirons :

• que le problème est dans la catégorie M (déduction locale, implication directe) si l'élève doit trouver quel résultat appliquer ;

• que le problème est dans la catégorie A si le résultat à appliquer s'impose de lui-

même, soit qu'il vienne tout juste d'être vu, soit que l'énoncé en fasse part, soit

que le contexte en prescrive l'application sans doute possible.

Or, certains problèmes sont à la frontière entre les deux. Nous noterons par exemple MA ces problèmes pour lesquels le contexte suggère l'unique résultat à appliquer de façon quasi explicite. Pour les exemples, on se référera à ceux qui suivent les descriptions des catégories A et M, section suivante.

Le lecteur aura sans doute déjà conclu — compte tenu des types de preuves associés — que plus grand est le rang alphabétique de la catégorie d'un problème donné, plus proche est sa solution du raisonnement logico-déductif et de façon générale, plus forte devrait y être la sollicitation à la preuve. De prime abord (peut- être serons nous amené à reconsidérer cette affirmation après l'analyse !), nous pensons qu'il devrait en être ainsi, sauf sans doute en ce qui a trait à la catégorie M. Bien que la nature de l'inférence demandée par les problèmes de la catégorie M soit de l'ordre de la déduction pure, ces déductions sont souvent si immédiates, les implications sous-jacentes si directes qu'on ne peut guère parler que d'une faible incitation à la preuve, d'une faible sollicitation du raisonnement logico-déductif ; le cas limite étant ces problèmes classés MA (Cf. paragraphe précédent), qui ne favorisent en rien « l'attitude de preuve ».

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◊◊ Complexité des raisonnements de type N

Dans le même ordre d'idée, nous avons déjà fait valoir que le niveau de complexité au sein de la catégorie N peut varier considérablement (revoir la description de l'enchaînement déductif, section 3.1). Pour rendre compte du niveau de sophistication du raisonnement sollicité par un problème donné dans cette catégorie, nous tenterons d'estimer le nombre minimum de résultats intermédiaires à établir pour mener à bien la résolution. Nous ferons suivre la lettre N de ce nombre, entre parenthèses.

Exemple 13 (Réflexions 536, tome 1, p. 252, problème c) ; légèrement modifié pour les besoins de l'exposé). On construit un triangle équilatéral CDE sur le côté CD d'un carré ABCD, avec le point E situé du même côté de la droite CD que A et B. On joint A et E et B et E. Trouve en la justifiant la valeur de chacun des douze angles intérieurs de la figure.

B

C

D

A

E

L'élève sait que la mesure de ∠CDE, ∠DEC, ∠ECD est de 60° puisque ∆CDE est équilatéral (le résultat a déjà été abordé). Il en déduit que la mesure de ∠EDA et ∠ECB est de 90°–60° = 30°. Des congruences entre les segments AD et ED d'une part, et BC et EC d'autre part, congruences données par hypothèses, il infère que ∆ADE et ∆CBE sont isocèles et par suite, que les angles à leur base sont congrus. L'élève en déduit la mesure de ces angles, considérant la somme des mesures des angles intérieurs dans ∆ADE et ∆CBE. Restent les mesures des angles intérieurs à ∆ABE, qui s'obtiennent soustractivement. Il s'agit bien ici d'un problème de la catégorie N, puisqu'on ne parvient à sa résolution qu'en enchaînant, dans un ordre précis, au moins six inférences interdépendantes, et qu'au moins cinq résultats intermédiaires (nous ne comptons pas les duplications dues à la symétrie) sont des

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passages obligés, pour déterminer la mesure des angles intérieurs à ∆ABE. Un tel problème sera donc classé N(5).

◊◊◊ Difficultés surajoutées

Pour faire cas de certaines nuances, nous affectons la catégorie d'un problème donné d'une apostrophe () quand ce problème présente une difficulté supplémentaire, dont la seule classification littérale ne rend pas compte. La nature de la difficulté est ensuite précisée en indice. Ainsi, un problème classé M’algèbre est un problème de type M dont la résolution demande par surcroît quelque manipulation algébrique ; ce sera le cas, par exemple, de nombreux problèmes qui portent sur la relation de Pythagore.

À l'égard de l'apprentissage de la preuve, cinq types de difficultés « surajoutées » méritent qu'on s'y attarde. Un problème classé B’conception ou B’perception confronte les conceptions courantes, les perceptions immédiates de l'élève, et l'éveille à la nécessité de prendre du recul avant d'aborder un problème. Ici peut naître un doute, un questionnement (« Pourquoi ce n'est pas comme je l'avais d'abord pensé » ?) qui sollicitent une « attitude de preuve », et pour lesquels la recherche de la réponse constituera un point de départ possible à une démarche de preuve. Le problème de l'exemple 14 confronte l'élève à l'idée erronée qu'une dilatation double la mesure des angles. Il est donc classé B’conception. Dans la figure qui accompagne l'exemple 15, nous avons placé à gauche le géoplan qui est présenté à l'élève en même temps que l'énoncé, et à droite la réponse de l'élève qui ne se sera pas suffisamment méfié de sa perception. Le problème de l'exemple 15 est donc classé B’perception.

Exemple 14 (Carrousel, sec. 1, tome 2, p. 190, problème j)). Avec une loupe qui grossit deux fois, on observe un angle de 30°. Quelle est la mesure de l'angle à travers la loupe ?

Exemple 15 (Carrousel, sec. 1, tome 2, p. 258, n°6 ; légèrement modifié pour les besoins de l'exposé). Si cela est possible, trace un triangle équilatéral en reliant trois points de ce géoplan.

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Dans le même ordre d'idée, un problème classé A’définition introduit dans son énoncé un élément déstabilisateur, qui force à préciser une définition, à repenser vers une conception plus abstraite les « objets mentaux » sur lesquels doit travailler l'élève dans le problème. De ce point de vue, un tel problème contribue donc à la prise de conscience chez l'élève :

– de la distance entre le concept mathématique et l'image intuitive ou perceptive qu'il s'en faisait ;

– plus globalement, de l'importance des définitions et du formalisme (formalisme au sens large : voir la 27e note de bas de page).

Or, nous l'avons vu, cette prise de conscience est centrale dans les processus d'apprentissage de la preuve et de construction de la rationalité. De même, un problème classé B’dessin-figure — formulé et illustré de façon à déstabiliser l'élève par rapport à l'interprétation qu'il doit faire de la figure — amène l'élève à distinguer la figure géométrique de ce qu'en représente le dessin, et touche de ce fait à cet autre aspect essentiel de l'apprentissage de la preuve, plus spécifique à la géométrie. Pour des exemples, on se référera à ceux qui suivent les descriptions des catégories A et B, section suivante.

Finalement, un problème classé M’logique propositionnelle fait travailler la logique propositionnelle, toujours dans le contexte de la géométrie. Le raisonnement proprement géométrique sollicité par le problème que présente l'exemple suivant est de la catégorie M. En effet, l'élève doit déduire de la définition de rectangle, qu'il a lui-même énoncé un peu auparavant, la valeur de vérité de la réciproque qu'on lui

97 demande de formuler. Cette formulation présentant une difficulté supplémentaire, le problème est classé M’logique propositionnelle.

Exemple 16 (Réflexions, Math 436, tome 2, p. 5, n°4 ; légèrement modifié pour les besoins de l'exposé). Donne la réciproque de la conditionnelle suivante et indique si elle est une implication logique : « Si un quadrilatère a un angle droit, alors c'est un rectangle ».

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