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Quelques caractéristiques spécifiques de la végétation sahélienne

2. L ES ÉCOSYSTÈMES SAHÉLIENS

2.3. Quelques caractéristiques spécifiques de la végétation sahélienne

2.3.1. Composition du tapis herbacé

Le couvert herbacé est majoritairement constitué de graminées annuelles qui ont une dynamique

extrêmement marquée entre la saison sèche et la saison humide (Figure 8). Les herbacées pérennes

sont relativement peu nombreuses, et sont localisées aux extrémités nord (frontière saharo-sahélienne)

et sud (zone soudano-sahélienne). Elles sont de plus en plus abondantes au fur et à mesure

qu'augmente la pluviosité annuelle. De manière générale, on les trouve plus particulièrement dans des

zones qui reçoivent plus d'eau que la pluviosité annuelle, comme par exemple dans les plaines

d'inondation. La différence principale entre les plantes pérennes et annuelles réside dans leur capacité

respective à survivre pendant la longue saison sèche: les plantes annuelles "survivent" sous forme de

graines, tandis que les plantes pérennes survivent sous forme végétative. Les herbacées pérennes

peuvent éventuellement mettre leur feuillage en place plus tôt dans la saison. Les plantes annuelles

sont généralement caractérisées par la production d'un stock semencier important (Grouzis 1992).

Figure 8. Illustration de la dynamique annuelle du couvert végétal sur le site d'Agoufou (Mali) en 2005, a) le

8 avril, b) le 17 juin, c) le 19 août, et d) le 28 septembre. Photos : P.Hiernaux

a) b)

2.3.2. Les types de photosynthèse

Les herbacées annuelles sahéliennes sont largement dominées par les graminées qui ont

majoritairement une photosynthèse en C

4

(mécanisme appelé ainsi car la première molécule formée

lors la photosynthèse par la fixation du CO

2

présente 4 atomes de carbone, contre 3 atomes pour les

plantes en C

3

). Les plantes en C

4

sont caractérisées par une plus grande efficicacité de la

photosynthèse que les plantes en C

3

, c'est-à-dire qu'elles ont un potentiel de croissance plus élevé et

une meilleure utilisation de l'eau, ce qui se traduit par une plus grande quantité de matière produite par

unité d'azote et de phosphore (Tracol 2004). Les plantes en C

4

sont également plus résistantes aux

hautes températures : leur température optimale peut être supérieure à 32°C, alors que la température

optimale des plantes en C

3

est généralement inférieure, de l'ordre de 27°C par exemple. Au Sahel, il y

a donc une conjonction de caractéristiques favorables à la dominance des plantes en C

4

par rapport aux

plantes en C

3

(Jones 1992, Sage et al. 1999, Ghannoum et al. 2000), qui sont toutefois plus présentes

au sud de la région.

La situation sur le terrain n'est pas aussi tranchée, loin s'en faut, car de nombreux facteurs entrent en

ligne de compte si l'on veut expliquer la domination des différents groupes d'espèces, ne serait-ce que

pour les herbacées annuelles. Hiernaux et al. (2009c) mentionnent la phénologie (cycle long ou court),

la palatabilité, la fixation azotée, le type (graminées, légumineuses), le mode de dispersion des

diaspores, entre autres facteurs. Quant à la photosynthèse elle-même, des mesures de terrain (Damesin

et al., non publiées) montrent que les C

3

et les C

4

forment plutôt un continuum, en termes de

photosynthèse à saturation de l'éclairement, avec cependant les plus forts taux pour les C4 (Figure 9).

Figure 9. Taux de photosynthèse foliaire à plein éclairement exprimé par unité de surface de feuille pour

différentes espèces en C

3

et C

4

typiques des régions sahéliennes (mesures effectuées dans le

Gourma au Mali ; Damesin et al. non publié).

2.3.3. Les différentes étapes de la croissance des herbacées

Les herbacées annuelles sont caractérisées par une phase de croissance rapide (Figure 10) pendant

laquelle la quasi-totalité de la biomasse est produite. Précédant cette phase, on trouve les phases de

CHAPITRE 1.CONTEXTE GÉNÉRAL

germination et d'installation. La phase de germination débute à partir des premières pluies et survient

par vagues successives ou par "cohortes" (Penning de Vries & Djitéye 1982). Sa réussite est

déterminée par plusieurs facteurs dont le premier est la pluviosité. La germination est variable selon

les espèces et selon les années, en conséquence de quoi la composition floristique d'un même site peut

considérablement varier d'une année à l'autre. La phase d'installation concrétise la phase de

germination avec l'installation du système racinaire. La croissance végétative est alors déterminée par

les propriétés de la plante mais aussi celles du milieu. La quantité de biomasse produite par la plante

dépend évidemment de la quantité d'eau reçue, mais aussi de la quantité disponible en éléments

nutritifs (essentiellement azote et phosphore) ainsi que des propriétés intrinsèques des différentes

plantes. Au sud du Sahel en particulier, on peut penser que les pluies peuvent ne plus être le facteur

limitant la production ; la disponibilité en éléments nutritifs est alors déterminante pour la production.

L'occurence d'épisodes secs importants (10 jours, 20 jours) peut entraîner une mortalité des plantes,

surtout lors des premières phases de la croissance. La phase de reproduction concrétise la phase

végétative par la floraison puis la chute des diaspores (les graines). La phase de sénescence clôture le

cycle lorsque la croissance de la plante est terminée, ce qui est contrôlé par la photopériode et non pas

par la fin des pluies (Penning de Vries & Djitéye 1982). Les plantes herbacées se déssèchent alors (ce

sont les "pailles"), fournissant de la pâture pour le bétail. La longueur du cycle varie du nord au sud ;

pour la même espèce, le cycle est plus court au nord qu'au sud (Cissé 1986).

Figure 10. Dynamique saisonnière de la strate herbacée sur le site d'Agoufou au Mali pour a) l'année 2007

et b) l'année 2008. La phase de croissance rapide est marquée d'un trait plus épais

(source : Hiernaux et al., article en préparation).

2.3.4. La strate ligneuse

La strate ligneuse est en général très clairsemée, sauf dans les zones de bas-fond (dépressions

argileuses) où elle peut représenter 70% du couvert. La densité des ligneux augmente également en

allant vers le sud du Sahel, sans toutefois atteindre la densité des forêts soudaniennes ou guinéennes, le

couvert ligneux maximum étant contraint par le cumul annuel des précipitations (Sankaran et al.

2005). Comme nous l'avons dit plus haut, on différencie généralement la strate buissonnante (fourrés,

buissons) de la strate arborée (petits arbres, arbres).

Figure 11. Passage d'un troupeau de bovins dans un paysage typique de la région du Ferlo au Sénégal

(photo prise lors d'une mission effectuée en Novembre 2012). Le couvert ligneux est peu dense, et

constitué d'une alternance d'arbustes et d'arbres plus grands (photos : C. Dardel)

Les espèces ligneuses adaptées aux régions sahéliennes sont caractérisées par un système racinaire qui

est surtout développé dans les 30 premiers centimètres du sol, ce qui permet aux ligneux d'avoir accès

aux réserves en eau superficielles essentiellement. Ces espèces sont aussi souvent dotées d'un système

de "racines pivot" qui leur permet d'accéder également aux éventuelles nappes ou réservoirs

souterrains peu profonds. Elles sont également caractérisées par d'autres particularités traduisant leur

adaptation au milieu, comme la petite taille de leurs feuilles et leur caractère très "coriace" (les

épineux sont particulièrement abondants au Sahel, par exemple les diverses espèces d'Acacia), ou la

chute des feuilles et des appareils végétatifs pendant la saison sèche (pour réduire les pertes en eau via

l'évapotranspiration et assurer la survie des organes durs comme le tronc, les racines...) (Penning de

Vries & Djitéye 1982).

La strate ligneuse est caractérisée par une saison de croissance souvent plus longue que celle des

herbacées : beaucoup d'arbres restent en feuille bien après la phase de senescence des herbacées,

CHAPITRE 1.CONTEXTE GÉNÉRAL

certains sont sempervirents, mais d'autres ont une phénologie foliaire très proche de celle des

herbacées.

Figure 12. Mesures du peuplement ligneux dans le Ferlo au Sénégal (mission Novembre 2012). À gauche,

Mamadou Diawara se dirige vers un baobab (Adansonia digitata) le long de la ligne de mesure. À

droite, le "baobab du chacal" (Adenium obesum) et ses fleurs roses caractéristiques (cet arbuste

n'est sûrement pas représentatif de tout le peuplement ligneux, mais ses fleurs sont certainement

parmi les plus belles) (photos : C. Dardel).

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