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Chapitre 5 : Analyse des pratiques sur le bord de mer avec l’avancée en âge

II. Quelles spécificités des espaces parcourus selon l’âge ?

Cette deuxième section s’intéresse aux spécificités des espaces parcourus par les femmes observées afin de les différencier selon l’âge. On a vu que le nombre de zones parcourues sur la digue était différent selon l’âge et l’accompagnant.e. Ici, nous verrons que le choix des zones diffère aussi selon ces mêmes facteurs. Autrement dit, après avoir analysé des nuances d’ordre quantitatif, nous nous intéressons à des nuances d’ordre qualitatif concernant les spécificités des zones parcourues du point de vue de leur matérialité et de l’opportunité de rencontres qu’elles suggèrent.

Les deux points abordés ci-après correspondent aux deux communes d’enquête, Dinard puis Larmor, afin de mettre en lumière la spécificité des espaces dans les pratiques selon l’âge.

1. Le cas de Dinard

Les suivis réalisés à Dinard ont été mis en œuvre sur le tronçon appelé « Casino ». Il s’agit du tronçon dit principal, le plus central, le plus proche du centre-ville. Le point de départ des suivis se situe au centre du tronçon, en zone 7. Lors des suivis, les femmes observées entraient par la zone 7 et avaient le choix de partir soit vers l’ouest, dans les zones 1 à 6, soit vers l’est, dans les zones 8 à 13. Nous allons analyser ici les différences de choix de zones fréquentées selon l’âge des femmes mais aussi selon qu’elles soient seules ou accompagnées.

Figure 46 : Zones parcourues par les femmes seules de moins de 75 ans sur le tronçon « Casino » à Dinard

Bigo M., 2014 - Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies seules, âgées de moins de 75 ans (âge estimé), ont surtout été observées dans les zones situées à l’ouest de la zone d’entrée (la zone 7) (Figure 46). Il s’agit des zones les moins fréquentées de la digue. Contrairement à la partie est de la zone d’entrée (zones 8 à 13), ces zones ne disposent d’aucun service balnéaire (cafés, restaurant, jeux pour enfants, piscine d’eau de mer). De fait, les femmes seules, âgées de moins de 75 ans (âge estimé), fréquentent plus largement les zones les plus calmes de la digue. Il s’agit aussi des zones qui mènent à la poursuite du sentier côtier vers la plage de Saint-Énogat, un sentier plus abrupt et moins sécurisé que le tronçon de promenade observé (comme on a pu le montrer avec la Photographie 27 du chapitre 4).

Figure 47 : Zones parcourues par les femmes seules de 75 ans et plus sur le tronçon « Casino » à Dinard

Bigo M., 2014 - Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies seules, âgées de 75 ans et plus (âge estimé), ont été observées sur l’ensemble des zones du tronçon, exceptée la zone 6 puisqu’aucune d’entre elles a prolongé la promenade hors de la zone d’observation vers Saint-Énogat (Figure 47). Si les deux côtés de la zone d’entrée (zone 7), ouest et est, sont fréquentés par les femmes seules de cette tranche d’âge, ce sont surtout les zones de est qui recensent le plus de passage. Ces zones sont les plus fréquentées par l’ensemble des usagers de la digue. On y trouve des cafés, des restaurants, des jeux pour enfants, une piscine d’eau de mer, ainsi que l’école française de voile.

Figure 48 : Zones parcourues par les femmes accompagnées de moins de 75 ans sur le tronçon « Casino » à Dinard

Bigo M., 2014 - Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies accompagnées, âgées de moins de 75 ans (âge estimé), ont été observées sur l’ensemble des zones du tronçon (Figure 48). Il y a néanmoins une différence nette entre les zones centrales (7, 8 et 9) et les autres zones. Cela signifie que ces femmes sont nombreuses à ne fréquenter que les zones centrales : au nombre de 44, 32 et 19 en zones respectivement 7, 8 et 9, elles ne sont plus que 13 en zone 1 et 9 en zone 10.

Figure 49 : Zones parcourues par les femmes accompagnées de 75 ans et plus sur le tronçon « Casino » à Dinard

Bigo M., 2014 - Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies accompagnées et âgées de 75 ans et plus (âge estimé) ont été observées sur l’ensemble des zones du tronçon (Figure 49). Les zones situées à l’est de la zone d’entrée sont légèrement plus fréquentées que celles situées à l’ouest. De façon générale, hormis pour les zones centrales toujours plus densément pratiquées, la répartition de ces femmes est homogène sur la totalité des zones.

En somme, quand les femmes sont observées seules sur la promenade, celles de moins de 75 ans vont plus largement vers l’ouest, et sont totalement absentes des zones à est de la zone 9. Les femmes âgées de 75 ans et plus, en revanche, ont plutôt tendance à fréquenter les zones à l’est de la zone d’entrée. Les zones à l’ouest ne sont que faiblement fréquentées par ces femmes, et la zone 6, la plus à l’ouest, ne l’est pas du tout.

Quand on analyse les zones parcourues par les femmes accompagnées, les différences de pratiques entre les deux tranches d’âges sont atténuées. Ainsi, les femmes de moins de 75 ans sont présentes à l’est de la zone d’entrée quand elles sont accompagnées, alors que les femmes seules de la même tranche d’âge en sont totalement absentes. Quant aux femmes de 75 ans et plus, elles sont plus largement présentes dans les zones ouest alors que les femmes

seules de la même tranche d’âge ne le sont que très peu (et pas du tout dans la zone 6, la plus à l’ouest).

Ainsi, au-delà de la zone d’entrée de la promenade (zone 7), point de départ des suivis, et donc fréquentée par toutes les femmes suivies, toutes classes d’âge et modes d’accompagnement confondus, la promenade se divise en deux parties :

• une partie de la promenade allant des zones 8 à 13, très fréquentées par tous les usagers (voir chapitre précédent), bénéficiant de nombreuses services (restaurant, toilettes publics, jeux pour enfants, piscine, parking), et avec plusieurs accès pour rejoindre la ville, où vont plus largement les femmes de 75 ans et plus, seules, et les femmes de moins de 75 ans quand elles sont accompagnées ;

• une partie de la promenade allant des zones 1 à 6, moins fréquentées par l’ensemble des usagers. Il n’y a pas de services proposés et il n’y a qu’une seule sortie sur la ville, en zone 4. Autrement dit, une fois la zone 4 traversée, le sentier nous emmène jusqu’à la plage suivante, Saint-Énogat, située à plus d’un kilomètre. Cette partie est surtout fréquentée par les femmes de moins de 75 ans, seules, et par les femmes de 75 ans et plus, accompagnées.

En plus de constater que les zones les plus densément fréquentées sont plus largement pratiquées par les femmes âgées de plus de 75 ans (âge estimé), il faut noter que ce sont aussi des zones où des interactions sociales ont été observées lors des suivis, hormis pour la zone 3 (Figure 50). Les femmes les plus âgées sont donc à la recherche de rencontres et sont donc présentes dans les lieux les plus propices à l’expérience de l’autre. Les plus jeunes, quant à elles, préfèrent les zones plus calmes et ne cherchent pas la confrontation sociale.

Figure 50 : Zones où les interactions sociales ont été recensées sur le tronçon « Casino » à Dinard

Bigo M., 2014 - Source : enquête 2011-2012

2. Le cas de Larmor

A Larmor, la morphologie de la promenade aboutit à des résultats différents, bien qu’on puisse observer des différences selon l’âge et l’accompagnement, tout comme à Dinard. Il faut d’abord noter que la répartition de la fréquentation par zone issue du balayage n’est pas similaire à celle issue des suivis, contrairement à ce qui a été observé à Dinard. Alors que les balayages montrent que la zone 1 est la deuxième zone la plus fréquentée, les suivis ne font pas ressortir cette zone comme celle d’une forte fréquentation. Ceci tient au fait que la répartition issue des suivis correspond aux itinéraires empruntés par les individus partant de la zone 2 (point de départ des suivis). De fait, la zone 1 est faiblement fréquentée car, proche du point de départ, le passage dans cette zone impliquerait de sortir de la promenade (alors que l’individu vient d’y entrer) ou bien de s’arrêter sur un banc public.

Concernant la zone 2, elle est le point de fréquentation culminant dans les suivis, étant donné que c’est le point de départ, et est faiblement fréquentée dans les balayages étant une zone de passage. Selon la technique d’observation exploitée, la répartition de la fréquentation diffère. Ainsi, alors qu’à Dinard les zones 7 et 8 connaissent une forte fréquentation, dans les balayages et dans les suivis, donnant une place importante à ces deux zones et les attestant comme à la fois le centre de la promenade et l’entrée sur la promenade, à Larmor, il ne

semble pas y avoir d’entrée principale sur la promenade. La taille du tronçon observé, plus faible qu’à Dinard, est pour partie un facteur explicatif.

Figure 51 : Zones parcourues par les femmes seules de moins de 75 ans, sur le tronçon « Maria », Larmor.

Bigo M., 2014 – Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies seules, âgées de moins de 75 ans (âge estimé), ont été surtout observées dans les zones 2 et 3, et de façon décroissante dans les zones situées à proximité, 1, 4, 5 et 6 puis périphériques, 7 à 10, ces dernières ne concernant qu’une seule femme sur les 17 femmes suivies (Figure 51). Les zones 2 et 3 correspondent au lieu d’implantation des cafés et restaurants. La majorité des femmes seules de cette tranche d’âge fréquenteraient donc les cafés et restaurants de la promenade. Cependant, entre les zones 2 et 3, on perd la moitié des femmes suivies. Cela veut dire qu’une fois entrées dans le tronçon observé, les femmes, pour moitié d’entre elles, ne fréquentent pas d’autres zones et ressortent par la zone 2. Elles font donc un aller-retour. Les zones périphériques ne présentent ni d’accès à la plage ni de sorties sur la ville, et donc à partir du moment où l’on s’engage dans la zone 7, on doit soit continuer jusqu’à la zone 10 pour retrouver la ville, soit repartir en arrière.

Figure 52 : Zones parcourues par les femmes de 75 ans et plus, seules, sur le tronçon « Maria », Larmor

Bigo M., 2014 – Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies, seules, âgées de 75 et plus, ont été observées sur l’ensemble du tronçon mais les zones 9 et 10 ne concernent qu’une seule femme (Figure 52). La fréquentation décroît entre les zones 2 et 8, avec un palier entre les zones 4 et 5, puis entre les zones 6, 7 et 8.

Figure 53 : Zones parcourues par les femmes de moins de 75 ans, accompagnées, sur le tronçon « Maria », Larmor.

Bigo M., 2014 – Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies accompagnées, de moins de 75 ans (âge estimé) ont été observées sur l’ensemble des zones mais de façon décroissante depuis la zone d’entrée (zone 2) (Figure 53). Les zones des extrêmités (zones 1 et 10) recensent donc le moins de femmes (5 et 8 sur 44). Les zones 2 et 3 pourvues de cafés et restaurants sont les plus fréquentées.

Figure 54 : Zones parcourues par les femmes de 75 ans et plus, accompagnées, sur le tronçon « Maria », Larmor.

Bigo M., 2014 – Source : enquête 2011-2012

Les femmes suivies accompagnées, âgées de 75 ans et plus (âge estimé), ont été observées sur l’ensemble du tronçon (Figure 54). Les zones les plus fréquentées sont, par ordre décroissant, les zones 2, 3, 4 et 5. La zone 6 puis les zones 7 à 10 ne concernent que 3 femmes, puis 2 femmes.

En somme, les femmes suivies seules, de moins de 75 ans, se concentrent très majoritairement dans la zone 2. Elles sont peu nombreuses à fréquenter les zones 6 à 10, ainsi que la zone 1. La fonction de « coup d’œil » (se référer à la Figure 44) est donc très pratiquée par les femmes de moins de 75 ans venant seules. Le temps passé pour ces femmes est de 3 minutes en moyenne contre 9 minutes pour les femmes de la même tranche d’âge, mais accompagnées. Quand elles sont accompagnées, les femmes de moins de 75 ans pratiquent la digue de façon plus équilibrée, c'est-à-dire que la part de ces femmes est moindre là où les femmes seules sont en nombre, et inversement, les femmes accompagnées se répartissent plus largement dans les zones où les femmes seules ne vont que très peu. Concernant les femmes de 75 ans ou plus, on observe tout à fait l’inverse. C’est lorsqu’elles sont accompagnées

qu’elles se concentrent plus largement en zones 2 et 3, et lorsqu’elles sont seules qu’elles pratiquent plus facilement les zones 4 à 8.

Il y a donc un effet de renversement entre les femmes de moins de 75 ans et de 75 ans et plus quant à la présence dans les zones, selon qu’elles sont accompagnées ou qu’elles viennent seules.

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