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4. SUBJECTIVITÉ ET ETHOS DANS UN CORPUS DE TWEETS POLITIQUES

4.3 Étude de la composante verbale dans notre corpus

4.3.3 Quelles conséquences sur l’ethos numérique politique ?

Dans la rhétorique classique, l’ethos désigne en mot le caractère d’un orateur (Woerther 2009). Dans la vie de tous les jours, nous nous basons sur ce que nous connaissons ou entendons de quelqu’un pour pouvoir définir son caractère. La plupart du temps, avant même qu’un locuteur ne s’adresse à quelqu’un, l’on a d’ores et déjà une idée de son caractère : un ethos préalable (Amossy 2010) ou préconstruit (Maingueneau 2002). Dans le cas des personnalités politiques étudiées dans ce travail, l’ethos préalable semble être défini par plusieurs aspects. Premièrement, une partie de cet ethos sera défini par l’idée qu’un électeur potentiel se fera d’un candidat dans son imaginaire socio-discursif constitué. Cet ethos préalable peut se fonder sur plusieurs aspects : par exemple, un auditeur peut se souvenir de prise de parole antérieures ayant influencé son imaginaire socio-discursif. Il peut aussi prédéfinir l’ethos d’une personnalité par son apparence physique, sa voix, son comportement non-verbal ainsi que par les stéréotypes qui lui sont associés. Mais qu’en est-il pour Twitter ? Un twitto peut-il définir un ethos

préalable de la même manière que dans le cadre traditionnel ?

Nous avons pu le voir lors de la présentation des deux candidats, Cruz et O’Rourke : leurs profils réels comme numériques sont très différents. D’un côté, une personnalité politique établie depuis presque vingt ans bénéficiant du soutien de l’administration en cours et, de l’autre, un candidat émergent, relativement novice en politique incarnant la nouvelle vague démocrate (celle qui a été représentée lors des élections de mi-mandat pour la chambre basse

74 du Congrès par la voix d’Alexandria Ocasio-Cortez notamment). Ces aspects sont visibles sur leurs profils Twitter, soigneusement choisis par les équipes de communication, de chaque candidat. Comme nous l’avons mentionné plus haut, d’un côté, l’on a un candidat s’affichant à l’écoute des autres, représenté au contact des citoyens texans et de l’autre, un candidat un peu plus en retrait faisant comprendre à son électorat qu’il s’imposera au Sénat en tant que guide et qu’il détient la bonne parole. Ces deux choix de représentations ont naturellement des conséquences sur l’ethos préalable envisageable par un électorat potentiel. Ne serait-ce qu’à la vue des profils Twitter de Cruz et d’O’Rourke, l’on peut présupposer les idéologies qui les animent. Les avatars en disent également beaucoup sur un candidat. Ted Cruz a choisi de s’afficher seul dans une vue en contreplongée tandis que Beto O’Rourke s’affiche avec sa famille dans une photographie tout à fait conventionnelle ne portant pas de traces d’une éventuelle stratégie politique (bien qu’implicite).

Un autre facteur pouvant influer sur la construction d’un ethos préalable peut être visible sur la droite de la page-écran correspondant au profil Twitter d’une personnalité. Il s’agit du module « Suggestions ». Dans ce module se trouvent des liens vers d’autres comptes pouvant être affiliés à celui sur lequel l’utilisateur se trouve. Les personnalités suggérées sont associées politiquement avec la première. Par exemple, sur la capture d’écran du compte @BetoORourke, l’on peut voir une suggestion vers le compte de la sénatrice démocrate du Massachussetts Elizabeth Warren. Similairement, sur le compte @tedcruz, l’on trouve une suggestion vers le profil du sénateur républicain floridien Marco Rubio. Tous ces éléments associés à la composante numérique de Twitter vont influencer la construction de l’ethos préalable d’un candidat. Ces éléments vont venir compléter ceux que l’on connaît d’ores et déjà : la

75 construction de l’ethos préalable sera également hybride du fait qu’elle intègre des éléments tirés d’une composante verbale ainsi que numérique.64

Plus tard, une fois l’ethos préalable établi dans l’esprit d’un twitto, un candidat peut procéder à ce qu’Amossy (2010 75) a appelé un « retravail de l’ethos ». Ce retravail est le produit de la forte interaction entre ethos préalable et ethos discursif aboutissant vers ce que l’on a appelé ethos effectif (Maingueneau 2002 15). Ce retravail de l’ethos peut se manifester de nombreuses manières. Dans le domaine oral, un orateur est libre d’employer diverses méthodes afin de changer et d’influencer son auditoire. À l’écrit, il existe toujours des moyens pour retravailler son ethos, cependant le couple support-message contraint davantage ce retravail. Sur Twitter, il s’agit d’un processus assez similaire. Le retravail de l’ethos d’un locuteur numérique va donc se faire par le biais de la composante verbale. L’on a pu le mentionner plus haut, la manifestation verbale et linguistique de l’ethos se fait, entre autres, par l’expression de la subjectivité dans le discours : l’ancrage personnel d’un locuteur dans son discours. Grâce à notre relevé statistique des marqueurs non grammaticaux de la subjectivité dans le discours, nous avons pu déterminer quelques tendances quant aux manières avec lesquelles un locuteur numérique s’ancre individuellement dans son discours.

En politique, l’ethos est un facteur capital lorsqu’il s’agit de convaincre un électeur potentiel. Précédemment, nous avons étudié le classement des ethè de Maingueneau (2015 2). Cette classification est tout à fait convaincante lorsqu’il s’agit de parler d’ethè de locuteurs traditionnels. Cependant, dans le cas de la politique, nous avons pu voir que la construction d’un ethos était tripartite. Elle comprend un regard des autres sur soi, un regard de soi sur les autres et (c’est là une spécificité du domaine politique) un regard mutuel vers les valeurs de références d’une idéologie ou d’un parti. Afin de compléter la classification de Maingueneau, rappelons quelques éléments de la classification établie par Charaudeau (2014). Ce dernier propose deux grandes catégories d’ethè politiques :

- Les ethè de crédibilité, fondés sur la raison ; - Les ethè d’identification, fondés sur l’affect.

Mentionnons brièvement les différents sous-types d’ethè de crédibilité et d’identification.

64 L’on pourrait même aller jusqu’à dire que l’ethos prélable est influencé par la composante numérique, verbale

(ce qui est développé dans ce point) et même imaginaire puisqu’un locuteur va construire un ethos préalable par les souvenirs qu’il détient ainsi que par l’ensemble des stéréotypes propres à une idéologie ou à une personnalité.

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4.3.3.1 Les ethè de crédibilité

Les différents ethè de crédibilité, fondés sur la raison, satisfont trois conditions nécessaires à leurs existences (Charaudeau 2014 91) :

- une condition de sincérité ou de transparence ; - une condition de performance ;

- une condition d’efficacité ;

Globalement, ces trois conditions servent à prouver qu’une personnalité politique se présente comme une option crédible (à ne pas confondre avec une option légitime) pour un électorat.65 Globalement, la légitimité est donnée par le droit d’un pays, autorisant un sujet à dire ou à faire tandis que la crédibilité représente la capacité d’un sujet à dire ou à faire (Alsafar 2015 76). Charaudeau (2014) recense alors trois grands type d’ethè de crédibilité. Mentionnons-les brièvement.

L’ethos de sérieux comme son nom l’indique, est associé au sérieux d’un orateur.

Globalement, cet ethos est caractérisé par des éléments non-verbaux comme la tenue, la posture, la ponctualité, le respect du temps de parole, etc. Verbalement, cet ethos est manifesté par « des déclarations sur soi-même démontrant sa compétence et son expérience, (…) en évitant d’annoncer des promesses difficilement réalisables qui risquent de mettre sa crédibilité en péril » (Alsafar 2015 27). Dans notre corpus, l’ethos de sérieux se manifeste verbalement par l’emploi de certains subjectivèmes et pronoms (notamment l’usage de la première personne : le « I » et le « inclusive we ») montrant le sérieux d’un candidat. Généralement, dans notre corpus c’est à travers la combinaison de ces deux éléments que l’on retrouve une preuve du sérieux d’un candidat. Voici un exemple dans lequel l’on peut dire que l’ethos de sérieux est incarné.

65 La crédibilité n’est pas à confondre avec la légitimité que Charaudeau (2014 50) définit comme « l’état ou la

qualité de qui est fondé à agir comme il agit (…), elle est ce qui donne droit à exercer un certain pouvoir avec la sanction ou la gratification qui l’accompagne ».

77 À travers l’usage de formes verbales telles que I want et we need, le candidat démocrate parle de lui et des autres (il est compris dans le pronom we qui est inclusif). Il asserte avec fermeté ses convictions et montre son sérieux ainsi que l’inclusion des citoyens dans ses projets (ce que l’on a pu mentionner à travers l’usage du terme demeanor dans un des tweets cités en exemple).

L’ethos de vertu montre la sincérité, la fidélité et l’honnêteté d’une personnalité politique. Lorsqu’une personnalité affirme qu’elle tiendra le cap défini par son programme électoral, par exemple, l’on a une manifestation de cet ethos. Dans notre corpus, nous n’avons que peu d’exemples montrant cet ethos-ci. Du moins, il ne semble pas avoir recours à l’emploi de subjectivèmes. Il faudrait certainement se pencher davantage sur l’usage des pronoms pour essayer de déceler les stratégies de représentation de cet ethos. Nous pensons surtout que cet

ethos est utilisé lors de confrontations directes entre plusieurs candidats (débats notamment).

Durant ces exercices, un candidat, pour se démarquer d’un autre aura tendance à jouer la carte de l’expérience et de la fidélité (voir par exemple les débats des présidentielles américaines de 2017 entre H. Clinton et D. Trump dans lesquels Clinton insistait plusieurs fois sur le fait qu’elle n’avait jamais menti, triché, etc.). Dans le paysage politique actuel, aux États-Unis comme ailleurs, cet ethos semble être peu sollicité par les acteurs du monde politique : l’on a pu voir qu’aux États-Unis et plus récemment en Europe, la politique a changé de bord, laissant place à quelques personnalités issues de la société civile.

78 Le dernier type d’ethos d’identification est appelé ethos de compétence par Charaudeau (20014 96) et est défini ainsi :

L’éthos de « compétence » exige de quelqu’un qu’il possède à la fois savoir et savoir-faire : il doit avoir une connaissance approfondie du domaine particulier dans lequel il exerce son activité, mais il doit également prouver qu’il a les moyens, le pouvoir et l’expérience nécessaires pour réaliser concrètement ses objectifs en obtenant des résultats positifs. Les hommes politiques doivent donc montrer qu’ils connaissent tous les rouages de la vie politique et qu’ils savent agir de façon efficace.

Cet ethos est représenté par la capacité à agir d’une personnalité politique. Globalement, il s’agit pour une personnalité de montrer qu’elle connaît les problèmes de politique générale de son pays, état, région ou ville et qu’elle a les moyens de répondre à ces problèmes grâce à ses compétences. Verbalement, il s’agit là pour une personnalité d’asserter le fait qu’elle sait, ce qu’elle compte faire et comment. À travers des prises de paroles à but pédagogique, se voulant abordables pour une majorité d’électeurs, une personnalité politique sollicitera cet ethos dans le but de convaincre qu’elle est la personne à qui l’on doit donner sa voix.

Ces sous-types d’ethè que nous venons de mentionner font donc appel au pôle de la raison d’un électeur et, par conséquent, dans notre cas, à celui d’un twitto. La manifestation verbale d’un ethos de crédibilité est donc fondée sur des procédés argumentatifs et rhétoriques portant sur la personnalité politique : son sérieux, sa vertu et sa compétence. Globalement, ces qualités émergent à la fois d’un ethos préalable, l’on a pu le mentionner notamment en mentionnant en quoi l’ethos préalable était défini sur une page-écran montrant un profil Twitter et, à la fois, d’un retravail de l’ethos grâce au discours et donc, grâce à des marqueurs exprimant la modalité (verbes et adverbes modalisateurs) et des pronoms. De plus, l’on pourrait éventuellement supposer que l’expression de l’ethos de crédibilité peut aussi se faire via l’utilisation d’adjectifs évaluatifs non axiologiques. En effet, ces derniers sont supposés être relativement objectifs même s’ils contestables. Ils solliciteront moins le pôle de l’affect d’un électeur ou d’un twitto.

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4.3.3.2 Les ethè d’identification

Contrairement aux ethè de crédibilité, les ethè d’identification sont fondés sur l’affect social d’une personnalité politique. Ils se fondent à partir d’un rapport triangulaire entre soi, l’autre et un tiers absent porteur d’une image idéale de référence (Charaudeau 2014 105). Ici, un citoyen, du fait de ce rapport triangulaire, va fondre son identité dans celle d’une personnalité politique et donc, s’identifier à elle. Une fois ce processus d’identification achevé, un citoyen se laissera aller vers un mouvement d’adhésion du fait que la personnalité s’adresse à lui à travers cette image de référence idéale. Ce processus d’identification peut se faire par différents sous-types d’ethè que nous présentons ici.

L’ethos de puissance permet à une personnalité politique de démontrer sa capacité d’action par des décisions fortes en « se montr[ant] fort en gueule par la voix et par le verbe » (Charaudeau 2014 105). Une personnalité politique peut aussi invectiver un adversaire, le menacer, etc. Quoiqu’il en soit, il s’agit là de montrer un caractère puissant à travers un comportement verbal et/ou non-verbal. Sur Twitter, cet ethos de puissance peut se manifester par l’emploi de substantifs (impliquant généralement une connotation péjorative), des adjectifs affectifs, évaluatifs axiologiques, et certaines formes verbales et adverbiales dont le sémantisme traduit cette sensation de puissance. Typographiquement, et c’est un point intéressant si l’on compare avec des formes de discours traditionnelles, lorsqu’un twitto écrit un terme en majuscule, il l’amplifie, donne une sensation d’assertion plus forte.66 Dans les formes de discours écrites, il est assez rare de trouver des termes (peu importe leur nature) écrits en majuscule et accompagnés d’un signe de ponctuation marquant l’emphase (!). Ceci semble être dû au fait que le registre de langue sur Twitter semble être un peu moins formel que dans des situations de débats télévisés ou autres, mais aussi à la limitation du nombre de signes sur Twitter. Ainsi, une personnalité politique pourra écrire des tweets comme le suivant :

80 De plus, sur Twitter, il est possible d’exprimer un ethos de puissance grâce aux éléments numériques composant le discours. Par exemple, l’insertion d’une vidéo, d’une image, ou d’autres éléments externes, permet la mise en scène d’une personnalité ainsi qu’une expression de l’ethos de puissance conventionnelle par des éléments non verbaux. Cependant, cet ethos sera moins spontané…

L’ethos de caractère, à la différence de l’ethos de puissance, peut se manifester par d’autres aspects que la force. Par exemple (Alsafar 2015 30) :

- la vitupération : en exprimant par exemple, une forte critique ou de l’indignation par l’usage d’un langage fort fortement teinté subjectivement ;

- la provocation : l’expression d’un fort degré de subjectivité en visant une personne ou une idéologie particulière afin de faire réagir cette personne ou des représentant(e)s de cette idéologie. Sur Twitter, il est possible d’invectiver et de provoquer quelqu’un grâce à la fonction « mention », mais ce n’est le cas que dans des situations plus extrêmes, généralement non politiques ;

- la modération ou la force tranquille : en utilisant des propos pour nuancer ses prises de position.

Afin d’entraîner un sentiment d’admiration et de respect de la part d’un twitto, une personnalité politique peut retravailler son ethos vers ce que Charaudeau (2014 113) appelle un

ethos d’intelligence. Il s’agit là pour une personnalité politique de montrer la manière avec

81 gouvernement américain dans notre cas), ainsi que certains événements de la vie personnelle d’une personnalité. Alsafar (2015 31) recense deux figures émergentes de l’expression de cet

ethos d’intelligence : « l’honnête-homme-cultivé » (exprimant son capital culturel) et l’« esprit

de ruse » (« un savoir jouer entre l’être et le paraître : savoir dissimuler certaines intentions, faire croire que l’on a certaines intentions pour mieux arriver à ses fins » (Charaudeau 2014 113)).

Un autre type d’ethos sollicitant le pôle de l’affect chez un twitto est l’ethos d’humanité. Ici, ce type d’ethos est traduit verbalement par l’expression de verbes de sentiment, d’adjectifs affectifs, évaluatifs axiologiques, quelques adverbes axiologico-affectifs, etc. Dans tous les cas, il regroupe tous les procédés d’expression de la subjectivité sollicitant l’affect. Seuls les verbes locutoires (quand non empreints d’un trait sémantique affectif) et les adjectifs évaluatifs non axiologiques sont écartés dans l’expression de cet ethos. Dans le tweet suivant, l’on voit explicitement comment l’ethos d’humanité est exprimé sur Twitter par le candidat démocrate :

L’ethos de chef est davantage tourné vers le citoyen. Comme l’écrit Alsafar (2015 32), « [l]’ethos de chef est, plus que les autres, tourné exclusivement vers le citoyen car il requiert des propriétés qui mettent en avant la relation de dépendance entre l’homme politique et le citoyen ». Une personnalité politique, afin d’exister, a besoin des citoyens qu’elle représente tous les jours. Cet ethos politique est incarné par plusieurs figures que nous mentionnerons brièvement : la figure du guide-berger (un chef qu’un groupe de citoyens a envie de suivre), le guide-prophète (la personnalité politique apparaît comme une figure « inspirée et visionnaire,

82 donnant confiance au peuple » (Alsafar 2015 33)), le chef-souverain (la personnalité politique en tant que garant des valeurs qu’elle représente et de son idéologie) et la figure de commandeur (garant de la vie de son peuple).

Enfin, l’ethos de solidarité est le dernier sous-type d’ethos d’identification mentionné dans la classification de Charaudeau (2014). Ce dernier n’est pas à confondre avec un ethos traduisant la compassion. En effet, la compassion représente une figure ayant un statut hiérarchique ou social plus important aidant les autres, positionnés plus bas dans le classement social. La solidarité, elle, traduit une égalité des statuts des partenaires. Le but de l’ethos de solidarité est de manifester, verbalement et non-verbalement, le partage et la défense des opinions du groupe auquel la personnalité politique appartient : un rassemblement autour d’objectifs communs. Cet ethos est notamment caractérisé par l’emploi de divers pronom (principalement le we inclusif) et de termes dont le sémantisme prône l’action commune et le rassemblement.

Statistiquement, à l’issue de nos relevés effectués lors de ce travail, un premier aspect est frappant en comparant les résultats trouvés. Tout d’abord, ne serait-ce que quantitativement, les deux candidats ont montré un usage de Twitter fondamentalement différent. Le candidat démocrate, nous l’avons mentionné lors de l’étude de la composante numérique, utilise peu les éléments du discours numérique qui lui sont proposés. La variété des objets utilisés ainsi que leur nombre sont relativement faibles lorsque l’on compare avec l’usage fait par le candidat républicain. Ce dernier, en effet, utilise massivement tous les outils technologiques mis à sa disposition. Sur trois cents tweets, Ted Cruz utilise la fonction « hashtag » 389 fois contre 112 fois chez Beto O’Rourke. L’emploi massif de ces formes de liens hypertextuels, nous l’avons montré, bouleverse les habitudes de lecture d’un twitto. De plus, ces formes de liens semblent obscurcir la construction de l’ethos d’un locuteur en ligne. Lorsque l’on a affaire à un lien (un hashtag, une mention, ou un lien « conventionnel » renvoyant à une page-écran externe), un twitto se trouve face à une unité textuelle rédigée en partie par un agent non-humain. Un twitto pourrait alors, à ce moment-là, reprocher un manque de corporalité au message qu’il ou elle est en train de lire ainsi qu’un manque d’ancrage individuel du locuteur source dans son discours. Il semblerait donc normal, à la vue de cette inférence, que l’emploi massif d’outils numériques dans le discours altère la conception de l’ethos : l’on a bien vu qu’un manque d’intérêt envers certains messages saturés de liens existait. A contrario, lorsque les outils du discours numériques sont utilisés modérément, un tweet a tendance à se rapprocher d’un énoncé traditionnel, pouvant être tiré d’une situation de la vie de tous les jours. La lecture semble être

83 orientée vers un processus plus réfléchi, sollicitant davantage l’attention de twittos. De plus,