« Tout ce qui est simple est faux, tout ce qui est compliqué est inutile »
Paul Valéry, 1896
.1 Introduction partielle
Dans le chapitre I, nous analysons la construction des échelles qui dominent aujourd‟hui la
gestion de l‟eau de la Garonne. La promotion d‟une gestion de certaines portions du fleuve,
du fleuve dans sa totalité, ou encore de son bassin versant*, s‟est traduite par des
simplifications, nécessairement réductrices, qui ont aussi dénaturé l‟objet. Ces choix de
simplifications, en proposant une sélection particulière d‟éléments d‟une réalité donnée, ne
peuvent donc pas prétendre la représenter dans sa totalité et de façon indiscutable. Ils sont au
contraire contingents aux cadrages spécifiques de l‟analyse et de la gestion, qui sont des
constructions sociales et politiques, comme nous l‟étudierons dans les chapitres III, IV et V.
Ce chapitre examine les paradigmes au sein desquels se prennent aujourd‟hui les décisions
responsables de la gestion de l‟eau de la Garonne et de son bassin versant. La gestion
correspond théoriquement à des situations où des hommes s‟organisent, créent des dispositifs
dans une volonté de maîtriser la réalisation d‟un objectif qu‟ils se sont fixés
35. Dans la
pratique, l‟objectif fixé ne précède pas complètement la mise en place de la gestion. Les deux
sont au contraire interdépendants, ce qui rend difficile, sans une analyse approfondie avec une
mise en perspective historique, la compréhension de la raison d‟être des normes, des valeurs
et des objectifs d‟un organisme de gestion, qui sont nécessairement dynamiques et modifiés
par son propre fonctionnement. Les dossiers traités par la gestion sont en permanence
reformulés. Le plus souvent, le contour et le contenu des dossiers ne sont définis que par des
évaluations réalisées a-posteriori. Une telle malléabilité des objectifs fixés et des actions
effectivement menées n‟est pourtant pas assumée par une gestion qui affiche le plus souvent
une organisation par projets définis avant l‟action.
35
Leroy M., 2004. Gestion stratégique des écosystèmes dans un contexte d'aide internationale - Engagements
environnementaux et dispositifs de gestion dans la vallée du fleuve Sénégal. Thèse de doctorat, Ecole Nationale
du Génie Rural, des Eaux et Forêts, Paris, 638 p. : 23.
34
On peut distinguer la gestion intentionnelle, qui s‟intègre dans une politique publique, de la
gestion effective, qui décrit plutôt les activités influant sur l‟eau sans mission particulière
associée
36. La gestion effective est ici analysée à la lumière des filières auxquelles elle est
associée et de ses relations avec la gestion intentionnelle.
Plusieurs travaux en géographie politique ont mis en évidence les dimensions sociales et
politiques de la construction de l‟échelle
37, 38. Dans ce chapitre, nous montrons que les échelles
privilégiées pour définir la gestion intentionnelle de l‟eau de la Garonne sont aussi des
constructions sociales et politiques (section .2). La gestion de l‟eau de la Garonne a largement
été organisée par des ouvrages hydrauliques (section .3). L‟analyse des circuits des recettes et
des dépenses de l‟AEAG depuis 1968 nous informe sur ses relations avec les différents
acteurs de la gestion effective de l‟eau. Les actions de l‟Agence, d‟abord ciblées sur les
industriels, ont, à partir du début des années 80, de plus en plus concerné les usages
domestiques de l‟eau, et à partir de la fin des années 80, l‟irrigation et la production
d‟électricité hydraulique et nucléaire. A partir des années 90, la gestion quantitative de l‟eau
promue par l‟AEAG s‟est organisée autour du soutien d‟étiage*.
Nous montrons comment les enjeux associés à différentes filières sectorielles d‟utilisation
de l‟eau s‟allient à une telle gestion des étiages*. L‟usage domestique de l‟eau apparaît
comme un usage hégémonique, caractérisé par une importante distanciation entre enjeux
affichés et enjeux sous-jacents. L‟irrigation et la production d‟électricité sont les usages de
l‟eau qui impactent quantitativement le plus significativement les débits des cours d‟eau
pendant les périodes d‟étiages. Ils s‟allient pourtant à la gestion des étiages promue par
l‟Agence à partir de la fin des années 80. Ce sont aussi des usages qui s‟insèrent dans des
réseaux sociotechniques particulièrement bien organisés (section .3). Enfin, ce chapitre
présente les instruments de gestion de la pénurie d‟eau de la Garonne. Il s‟agit d‟un indicateur
particulier, le DOE* et de procédures pour le respecter. Ils marquent l‟institutionnalisation de
la pénurie d‟eau (section .4).
36
Mermet L., Billé R., Leroy M., Narcy J.-B. & Poux X., 2005. L'analyse stratégique de la gestion
environnementale : un cadre théorique pour penser l'efficacité en matière d'environnement. NSS, 13 (avril 2005),
127-137.
37
Delaney D. & Leitner H., 1997. The political construction of scale. Political geography, 16 (2), 93-97.
38
Swyngedouw E., 2003. Scaled Geographies: Nature, Place, and the Politics of Scale. In: E. S. Sheppard & R.
B. McMaster (Eds.), Scale and Geographic Inquiry: Nature, Society and Method. Oxford, Blackwell, pp.
35
.2 La Garonne : une pluralité de territoires gérés
La section .2 étudie la répartition des rôles entre les différents acteurs impliqués dans la
gestion intentionnelle de la Garonne. Les acteurs de la gestion effective de l‟eau feront l‟objet
de la section .3. Dans un premier temps, nous situons brièvement la Garonne (section .2.1).
Dans un deuxième temps, nous étudions son statut juridique. Il nous renseigne sur les acteurs
qui la contrôlent officiellement (section .2.2). Nous analysons enfin les différentes formes de
pouvoir qui s‟exercent sur le fleuve et ses affluents (section .2.3).
.2.1 Situer la Garonne
La Garonne et son bassin versant traversent deux pays, plusieurs départements et régions
français. Les principaux affluents de la Garonne sont présentés dans l‟Annexe A.
La source de la Garonne se trouve dans le Val d‟Aran, en Catalogne, dans les Pyrénées
espagnoles
39.
La Garonne traverse ainsi la Catalogne (Val d‟Aran), les régions Midi-Pyrénées et
Aquitaine, et cinq départements : les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et le
Tarn-et-Garonne en Midi-Pyrénées, ainsi que le Lot-et-Tarn-et-Garonne et la Gironde en Aquitaine (Carte 3,
Carte 4). Le bassin versant de la Garonne comprend aussi la totalité du département du Tarn
et de l‟Aveyron en Pyrénées, la quasi-totalité du département de l‟Ariège en
Midi-Pyrénées, ainsi qu‟une partie des départements du Gers et du Lot en Midi-Midi-Pyrénées, du Cantal
en Auvergne et de la Lozère en Languedoc-Roussillon(Carte 5, Carte 6).
Enfin, le Tarn, le Lot et l‟Ariège sont les affluents qui contribuent le plus significativement
aux débits* de la Garonne (Carte 7).
39
C‟est dans le val d‟Aran que les deux torrents donnant naissance à la Garonne se rejoignent. Le premier, le
plus modeste mais le plus long, vient du Pla du Béret (Garonne orientale). Le second naît de la fonte de la neige
du mont Aneto (Massifs Malditos en Aragon), passe par le gouffre del Agujero del Toro, sous la crête des
Pyrénées et jaillit dans le Val d‟Aran à l‟Uelhs de Joeu (Garonne occidentale).
36
Carte 3: Régions traversées par la Garonne (©
www.hist-geo.com)
Carte 4: Départements traversés par la Garonne (©
www.hist-geo.com)
Carte 5 : Régions concernées par le bassin de la
Garonne (© www.hist-geo.com) Légende : Ar. : Ariège, Av. : Aveyron, Gir : Gironde, H.G. : Haute-Garonne, H.P. :
Hautes-Pyrénées, L.G. : Lot-et-Garonne, Loz : Lozère,
T.G. : Tarn-et-Garonne
Carte 6 : Départements concernés par le bassin de
la Garonne (© www.hist-geo.com)
Midi- Pyrénées Aquitaine Val d’Aran Catalogne Garonne Auvergne Languedoc-Roussillon H.G. HP T.G. LG Gir. Gers Tarn Av. Lot Ar. Cantal Loz Midi- Pyrénées Aquitaine Val d’Aran Catalogne Garonne Haute-Garonne Hautes-Pyrénées Tarn-et-Garonne Lot-et-Garonne Gironde37
Carte 7 : Bassin de la Garonne (Source : Smeag 2003)
La Garonne est donc un fleuve transfrontalier depuis le début du XIX
esiècle
40, même si la
partie espagnole représente moins de 10 % de sa longueur. C‟est aussi un fleuve dont le cours
et le bassin versant traversent une majorité des départements et régions du Sud-ouest de la
France.
.2.2 Enjeux politiques associés à la production d’un droit codifié
pour les cours d’eau
« La réglementation est une partition musicale plus qu'un commandement, les acteurs sociaux sont
invités à la jouer mais rien ne se fait sans eux »
Lascoumes (1994).
Cette section analyse le rôle joué historiquement par l‟État, en France, dans la gestion et
l‟utilisation des cours d‟eau. Elle montre que la dualité du code civil entre le domaine
domanial ou public et le domaine privé fondé sur le droit de riveraineté doit être nuancée.
Elle étudie aussi les formes actuelles de repartage de pouvoir entre l‟État, les collectivités
territoriales, l‟Union européenne et ceux qui parlent au nom de la société civile. Elle prend
comme point d‟entrée les règles codifiées par le droit, en considérant que les enjeux sociaux
qui sont pris en charge politiquement trouvent souvent une fenêtre d‟opportunité législative.
40
Le Val d‟Aran a été tour à tour espagnol et français pour être finalement restitué à l‟Espagne en 1815.
Lot
Tarn
38
Depuis l‟Ancien Régime, l‟État français s‟est construit par une centralisation progressive
du pouvoir juridique et militaire, largement appuyée par une maîtrise des sciences et des
techniques pour le développement des voies de communication et l‟administration des
ressources naturelles telles que l‟eau.
Depuis l‟Ancien Régime, les cours d‟eau ont plutôt été une donnée accessoire de la gestion
publique des territoires qu‟un facteur qui ait pu la déterminer
41. Les territoires administrés
définis après la Révolution française de 1789, c‟est-à-dire les communes, les départements et
plus récemment les régions, ont donc hérité de portions de cours d‟eau.
La domanialité
42du cours d‟eau n‟est pas une donnée d‟entrée de la gestion intentionnelle,
elle est plutôt un résultat de sa construction.
C‟est surtout à partir du XVI
esiècle que le pouvoir royal a commencé à mettre en place un
système juridique à l‟échelle nationale définissant le caractère domanial des cours d‟eau
essentiellement selon un critère de navigabilité. Les cours d‟eau non domaniaux restaient
davantage soumis à un système de règles féodales, définies à l‟échelle locale. Cette distinction
est renforcée après la Révolution française, selon des critères de navigabilité et de flottabilité.
Les cours d‟eau non domaniaux ont aussi fait l‟objet d‟une complexification du droit au XIX
esiècle pour en réguler davantage les usages à l‟échelle nationale
43. Depuis le XIX
esiècle, les
critères de domanialité des cours d‟eau ont largement évolué. Ce changement a été formalisé
par la loi sur l‟eau de 1964 qui n‟a plus limité la domanialité à des critères de navigabilité et
de flottabilité du cours d‟eau.
Ce sont les résultats de négociations sur les usages à privilégier entre différentes
administrations, mais aussi entre l‟État et d‟autres acteurs, intervenant à plusieurs échelles
politiques : le département, la commune ou la ville, qui déterminent ces critères. Aujourd‟hui,
la Garonne, le Tarn, le Lot, le Salat sur 13 kilomètres de parcours, sont les seuls cours d‟eau
domaniaux du bassin de la Garonne alors qu‟au XIX
esiècle, l‟Ariège, la Neste, la Baïse, le
Gers, le Dropt en faisaient également partie. Dans la première moitié du XX
esiècle, la
Garonne à l‟aval de Portet-sur-Garonne, le Tarn et le Lot ont été rayés de la nomenclature des
voies navigables.
41
Marc P., 2006. Les cours d'eau et le droit. Paris, Editions Johannet, 292 p.
42
Le régime domanial est un régime de propriété publique, qui relève du domaine de l‟État.
43Sangaré I. & Larrue C., 2002. The evolution of the national water regime in France. Tours, Université
François Rabelais de Tour, Centre de recherche "Ville Société Territoire". 35 p. : 7-9.
39
La domanialité confère à l‟administration nationale un pouvoir important d‟affectation de
l‟eau et de valorisation des cours d‟eau. Elle facilite aussi une dissociation entre la gestion des
cours d‟eau et les territoires qui les bordent. Sur la Garonne, l‟administration a ainsi privilégié
le modèle concessif* à l‟amont pour la production hydroélectrique, à l‟aval pour le
développement commercial portuaire. Au XIX
esiècle, le caractère domanial de la Garonne et
de la Neste a ainsi facilité les transferts d‟eau au profit de certains territoires du bassin : la
Gascogne avec le canal de la Neste, ainsi que les départements de la Haute-Garonne, du
Tarn-et-Garonne, du Lot-et-Garonne avec le canal de Saint-Martory et le canal latéral à la
Garonne
44. Sur la plupart des affluents de la rive gauche de la Garonne, qui sont des cours
d‟eau non domaniaux, la gestion s‟est plutôt fondée sur une combinaison entre ce modèle
concessif et un soutien au droit de riveraineté des propriétaires.
Dès le début du XX
esiècle, l‟État a aussi limité le droit de riveraineté sur les cours d‟eau
non domaniaux par des exceptions introduites par la loi pour faciliter une gestion conforme à
ses objectifs d‟aménagement. Les droits de riveraineté ont ainsi été restreints aux abords des
chutes d‟eau par la loi du 16 octobre 1919 pour favoriser et contrôler le développement de
l‟hydroélectricité. La loi sur l‟eau de 1964 a aussi introduit une nouvelle catégorie de cours
d‟eau, les « cours d‟eau mixtes ». Ces dispositions visaient à donner un pouvoir d‟affectation
de l‟eau à l‟administration sur des cours d‟eau non domaniaux, tout en laissant la propriété du
lit et des berges aux riverains. Ces dispositions n‟ont cependant jamais été appliquées et elles
ont été annulées par la loi sur l‟eau de 1992. Elles auraient pu concerner les cours d‟eau
gascons réalimentés. Cependant, le caractère non limitant de la ressource jusqu‟à la fin des
années 80 n‟a pas généré de tensions quant à l‟affectation de l‟eau qu‟opérait la CACG. La
CACG a plutôt géré les tensions de la fin des années 80 par la définition d‟arrangements
institutionnels produits avec ses partenaires locaux, qui ont définit la communauté des usagers
de l‟eau des cours d‟eau gascons.
La loi de 1992 a défini l‟eau comme « patrimoine commun de la Nation ». La loi a
consolidé le pouvoir d‟orientation stratégique des Comités de bassin, soutenu par des
ressources financières importantes. On peut y voir une volonté de distinguer l‟eau des biens
publics pour mettre en place un système plus subsidiaire, associé à un repartage du pouvoir de
l‟administration en matière de gestion des cours d‟eau au profit des collectivités territoriales et
des représentants des usagers de l‟eau. Cette loi a cependant aussi vu le rôle des préfets
40
coordonnateurs de bassin se renforcer et elle a laissé l‟octroi des autorisations de prélèvement
à l‟administration, qui garde ainsi un fort pouvoir règlementaire.
Pendant les années 1990, de façon plus générale, des missions et des moyens importants
sont transférés aux départements et dans une moindre mesure aux régions. Depuis 2003, les
collectivités territoriales peuvent devenir propriétaires de cours d‟eau ou de portions de cours
d‟eau domaniaux et donc exercer un pouvoir de répartition et de gestion sur la ressource, le lit
et les berges. Il y a ainsi eu des contacts exploratoires entre l‟État, la région Midi-Pyrénées, le
Smeag, les départements de la Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne, pour le transfert de
domanialité de la Garonne entre Cazères et la confluence avec le Tarn
45.
Depuis les années 70, plusieurs directives européennes ont porté sur l‟eau. Le droit
communautaire présente la particularité de donner des obligations de résultat aux États
membres et de nouveaux droits aux individus. Selon Bouleau, la dernière directive approuvée
en 2000 dans le domaine de l‟eau, la Directive cadre sur l‟eau (DCE), présente deux
spécificités qui en font une épreuve pour la gestion de l‟eau en France. Elle a été adoptée dans
un contexte d‟augmentation sensible du nombre de condamnations de la France pour
manquement aux directives qui intéressent le domaine de l‟eau. Elle est aussi la première
directive à avoir été décidée dans un régime de codécision entre le Parlement et le Conseil. Ce
régime a favorisé une traduction effective des enjeux portés par des acteurs tels que les
associations de protection de la nature (APN) et il a permis de contrebalancer les intérêts
industriels ou agricoles
46. Les enjeux environnementaux de la DCE ne représentent cependant
pas une véritable innovation conceptuelle puisqu‟ils avaient déjà été formalisés dans les
années 70 dans les directives Oiseaux (1979) ou Habitats (1992) en Europe, et dans différents
pays, européens ou non
47. Les filières traditionnelles de la gestion de l‟eau en France ont
cependant peu de réponses technologiques déjà disponibles pour répondre aux ambitions
environnementales de la DCE. Ce sont aussi les obligations financières et économiques
nouvelles en matière de recouvrement des coûts qui font de la DCE une épreuve pour le
gouvernement de l‟eau en France.
45
Le transfert semble donc se limiter à des portions de la Garonne sur lesquelles il n‟y a pas d‟activité de
production d‟électricité, qu‟elle soit hydraulique au fil de l‟eau ou nucléaire (usines de Golfech à l‟aval de la
confluence avec le Tarn et de Blayais à l‟estuaire).
46
Bouleau G., 2008. L'épreuve de la directive cadre. Responsabilité et environnement (49), 84-91.
47Bouleau G., 2008. The WFD dreams: between ecology and economics. Water and Environment Journal (4),
235-240.
41
L‟importance de la dualité de qualification héritée du Code civil napoléonien entre cours
d‟eau domaniaux et cours d‟eau non domaniaux doit donc être reconsidérée. En effet, ce code
ne disait rien sur les conditions d‟usages des cours d‟eau non domaniaux
48. La prise de
pouvoir par l‟État sur les cours d‟eau domaniaux au nom du développement économique et de
la gestion des ressources naturelles a aussi généré des conflits locaux. De plus, différentes
administrations de l‟État soutiennent des filières parfois en compétition, qui évoluent dans
l‟intérêt qu‟elles peuvent trouver à l‟une ou l‟autre des modalités de gestion. Comme
l‟administration étatique n‟a pas les moyens de fonder son pouvoir exclusivement sur la
coercition, sa capacité d‟orientation de la gestion des cours d‟eau, même domaniaux, dépend
aussi largement des relations qu‟elle entretient avec les autres acteurs de la gestion des
territoires. Ainsi, dès le début du XIX
esiècle, de nombreux débats ont porté sur le régime de
propriété qui devait prévaloir pour les cours d‟eau non domaniaux, entre propriété publique,
propriété privée, et propriété commune des riverains qui reconnaissait le caractère indivisible
de la ressource et la nécessité de concevoir des modalités de gestion communes pour définir
des droits d‟usage entre les riverains
49. La loi du 8 avril 1898
50a tranché en privilégiant une
propriété privée partielle des riverains, soumise à des obligations et à des restrictions définies
en fonction de critères déterminant un usage raisonnable de l‟eau.
Les évolutions récentes suggèrent aussi une re-répartition du pouvoir sur la gestion des
cours d‟eau appartenant au domaine public entre collectivités territoriales et État.
Enfin, le droit de l‟environnement a constitué, depuis les années 70, l‟un des piliers
secondaires, avec la santé et après celui d‟un marché commun, sur lesquels s‟est appuyée
l‟Union européenne pour construire sa légitimité. L‟Union européenne participe donc aussi
aujourd‟hui à la dynamique du gouvernement de l‟eau en France.
.2.3 Gouverner l’eau de la Garonne : enjeux stratégiques des
échelles de gestion
Cette section étudie l‟avènement du bassin versant en tant qu‟échelle de gestion
particulière de la Garonne. Il s‟agit d‟une échelle avec une épaisseur historique et construite
48
Marc P., 2006. Les cours d'eau et le droit. Paris, Editions Johannet, 292 p. : 161.
49