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Quatre intercommunalités périphériques dans une

région urbaine fragmentée

Introduction

Nos quatre terrains d’études appartiennent à un même ensemble urbain : la Région Urbaine Marseillaise. En tant que telle, cette région urbaine n’est ni notre objet de recherche, ni notre terrain d’étude. C’est seulement le contexte territorial dans lequel évoluent nos terrains d’études. Or, si les logiques d’appariement des communes au sein d’une intercommunalité sont multiples, elles sont largement déterminées par le contexte territorial. Il convient donc de rendre compte de ce contexte territorial parce qu’il lie nos différents terrains d’études les uns aux autres à travers une histoire socio-économique et politique commune.

Nous n’avons donc pas ici l’intention de nous lancer dans une monographie de la Région Urbaine Marseillaise. C’est un travail fortement balisé, par un ensemble varié de focales disciplinaires. Ces différents travaux sont ici mobilisés afin de restituer le substrat dans lequel s’insèrent nos différents territoires d’études. Dans ce chapitre, nous revenons très brièvement sur les évolutions de la structure productive au sein de la région urbaine depuis les années 1960 (1), et la manière dont elles participent à dessiner les contours d’une nouvelle division sociale de l’espace (2). Finalement, on s’intéresse à la lente émergence de la coopération intercommunale à l’échelle de la région urbaine (3). In fine, ce détour métropolitain permet de mieux saisir l’acuité des enjeux des politiques urbaines de transport et de déplacements sur cet espace (4).

Première partie : polarisation économique, division sociale de l’espace et construction intercommunale…

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1.1. Une métropolisation sans métropole

La Région Urbaine Marseillaise est un territoire métropolitain vaste qui ne résulte pas d’un simple processus d’extension d’un centre vers une périphérie dominée. À Marseille, l’espace métropolitain naît d’une croissance simultanée de plusieurs pôles périphériques aux logiques distinctes et d’un déclin de la ville centre, Marseille104.

Cette situation résulte tout d’abord d’une déconnexion économique entre Marseille et son arrière-pays. À partir des années 1950 – 1960, le district industrialo-portuaire sur lequel reposait le développement marseillais depuis plus d’un siècle décline rapidement. Ville portuaire ouverte vers la Méditerranée, le développement de Marseille reposait depuis le milieu du XIXème siècle sur le négoce, la transformation et le commerce des matières premières (oléagineux, céréales, sucre…) et de produits en provenance des colonies françaises105. L’empire colonial français représentait alors une rente dont tirait profit le district industrialo-portuaire marseillais. Le mouvement de décolonisation associé à l’inertie du district industrialo-portuaire marseillais dans la réforme de son organisation productive et industrielle afin de l’insérer dans les nouvelles logiques économiques d’après guerre entraînent, dans les années 1950 – 1960, un effondrement de la base productive marseillaise. À ce déclin marseillais, l’État apporte une réponse colbertiste à partir des décennies 1970 – 1980. Il jette alors les bases d’un nouvel appareil productif qui participe d’un processus de métropolisation de la région urbaine marseillaise106.

Dans le cadre de l’aménagement des métropoles d’équilibres, l’État élabore un schéma d’aménagement de l’Aire Métropolitaine Marseillaise à la fin des années 1960107. Ce schéma prévoit le développement de pôles industriels et de services dans l’arrière-pays marseillais. Marseille doit alors prendre le rôle de commandement de cet ensemble métropolitain à travers le monopole des fonctions tertiaires métropolitaines. Ainsi, depuis les années 1970, le

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Morel Bernard, 2000, “Marseille : la naissance d’une métropole”, in Benko Georges, Lipietz Alain (ss la dir.),

La richesse des régions. La nouvelle géographie socio-économique, Paris : PUF, p. 479 – 503. Garnier Jacques,

2011, Un appareil productif en mutation. Les 50 ans qui ont tout changé en Provence Alpes Côte d’Azur, Paris : Economica.

105 Sur la structuration du complexe industrialo-portuaire marseillais voir : Daumalin Xavier, Raveux Olivier,

2001, “Marseille (1831 – 1865). Une révolution industrielle entre Europe du Nord et Méditerranée”, Annales.

Histoire, Sciences Sociales, vol. 56, n°1, p. 153 – 176.

106 Morel Bernard, “Marseille : la naissance d’une métropole”, art. cit., p. 482 – 486. Garnier Jacques, Un

appareil productif en mutation, op. cit. p. 52 -55

107 Dans la région marseillaise, l’Organisme Régional d’Étude et d’Aménagement de l’aire Métropolitaine est

créé en février 1966, et publie un Schéma révisé d’Aménagement de l’Aire Métropolitaine Marseillaise en juillet 1969.

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développement économique de la région urbaine marseillaise, se localise autour de différents pôles autonomes, spécialisés et peu imbriqués que sont Aix-en-Provence et le pays aixois, l’ouest et l’est de l’Étang de Berre et enfin l’ensemble Aubagne-Gémenos. Quand bien même l’action de l’État a été primordiale dans la mutation de l’appareil productif de cette région urbaine, les logiques de développement de ces différents pôles doivent être distinguées.

À l’ouest de l’Étang de Berre, l’État créé ex nihilo un pôle industriel selon des logiques externes au capitalisme marseillais. Il s’agit de créer un “pôle de croissance” appelé à favoriser un développement industriel dans l’ensemble de la région urbaine à partir de l’implantation d’industries lourdes du secteur pétrochimique et sidérurgique. À mi-chemin entre les anciens et les nouveaux bassins du port, à Vitrolles et à l’est de l’Étang de Berre, on observe alors une relocalisation d’entreprises liées à la sous-traitance portuaire. Autour d’Aix- en-Provence, l’action de l’État sera moins grandiose mais tout aussi déterminante. Tout d’abord, l’implantation d’un Centre d’Étude Technique de l’Équipement à Aix-en-Provence valorise le potentiel technologique de la zone d’activité, participe de son dynamisme et préfigure le développement de l’Europôle de l’Arbois à proximité de la gare TGV. Ensuite, le développement à Cadarache du centre à l’énergie nucléaire autour d’activités de recherche industrielle et fondamentale, avec notamment un laboratoire sur la fusion nucléaire, engendre la structuration d’un tissu dense de sous-traitants spécialisés et préfigure l’installation du projet international sur la fusion nucléaire108. Finalement, à Rousset et dans la haute vallée de l’Arc, l’implantation de l’entreprise Eurotechnique dans le cadre d’une politique industrielle stratégique de l’État va participer à l’émergence d’une filière métropolitaine : la microélectronique. À travers un ensemble d’essaimages en cascade, cette filière s’articule de plus en plus finement au territoire. Dans le cas d’Aubagne-Gémenos, il s’agit dans un premier temps (1900 – 1980) d’une progression du couloir industriel marseillais le long de l’Huveaune. Dans un second temps (1980 – 1990) la compétitivité de cet espace industriel sera fortement appuyée par l’État à travers des avantages fiscaux offerts aux entreprises. Ces avantages fiscaux étaient destinés à pallier les effets sociaux de la crise des activités industrielles de réparation navale et minière. Ils permettront l’intégration de l’ensemble Aubagne-Gémenos à la filière microélectronique métropolitaine109.

108 Il s’agit du projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) visant à montrer la faisabilité

industrielle d’un réacteur nucléaire utilisant le principe de la fusion nucléaire.

109 Morel Bernard, “Marseille : la naissance d’une métropole”, art. cit., p. 490 – 497. Garnier Jacques, Un

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Le redéploiement progressif du système productif à l’échelle de la région urbaine engendre un bouleversement de l’organisation urbaine. Les pôles périphériques de la Région Urbaine Marseillaise, en pleine expansion, attirent des populations nouvelles. Marseille, en plein déclin, repousse. À partir du début de la décennie 1990, il est communément admis que “ Marseille n’est plus dans Marseille” et que la construction de la région urbaine, si elle ne s’est pas faite contre Marseille, s’est faite sans Marseille110. Ces restructurations productives et urbaines engendrent une recomposition démographique et sociale à l’échelle de la région urbaine.

D’ailleurs, la lente destruction de l’appareil productif marseillais est un temps masqué par un boom démographique. Durant les vingt années qui suivent la seconde guerre mondiale, Marseille accueille environ 200 000 nouveaux habitants, par simple solde migratoire positif. Mais cette arrivée massive de nouvelles populations dans la ville masque peu de temps le déclin du complexe industrialo-portuaire marseillais. Dès la fin des années 1960, le solde migratoire devient négatif. Après être arrivées en masse, les populations fuient désormais Marseille en direction des campagnes aixoises et aubagnaises pour les cadres et les classes moyennes supérieures ; en direction du pourtour de l’Étang de Berre pour les ouvriers et les employés. Ce solde migratoire négatif se poursuit jusqu’au début des années 2000. Pendant ce temps, les pôles périphériques connaissent eux un solde migratoire positif, en provenance de Marseille mais aussi, et surtout, de l’ensemble de la France métropolitaine.

1.2. Une mutation sociale

La mue qui s’amorce dans la structure productive de la région urbaine à partir des années 1970 - 1980 prépare aussi une mue de la composition sociale et jette les bases d’une nouvelle division sociale de l’espace. À la division classique de l’espace marseillais entre les quartiers sud bourgeois et les quartiers nord populaires, délimitée par la Cannebière, s’ajoute une nouvelle division de l’espace selon une ligne de démarcation allant de Toulon à Arles et partageant la région urbaine entre un espace nord-est aux aménités paysagères préservées accueillant les populations moyennes et supérieures et un territoire sud-ouest aux paysages dégradés par les industries lourdes et accueillant les classes populaires.

Métropolitaine Marseillaise et les territoires de l’industrie”, Géographie, économie et société, vol 8/2, p. 215 – 238.

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Autour d’Aix-en-Provence, le nouvel appareil productif s’oriente vers des processus de production “post-fordiste”, où le produit final intègre un ensemble de services, s’adapte aux demandes des clients et aux besoins spécifiques des entreprises. Au centre de ce processus de production émerge une nouvelle figure que Jacques Garnier qualifie “d’hommes de la

technique111”. Durant une quinzaine d’années, ingénieurs et techniciens supérieurs affluent

massivement dans le bassin aixois. L’implantation du Centre d’Études Techniques de l’Équipement, le développement du Centre à l’Énergie Atomique de Cadarache, la structuration progressive de la filière microélectronique dans la vallée de l’Arc, entraîne la migration de plusieurs milliers d’ingénieurs et techniciens supérieurs à destination d’Aix-en- Provence et de sa périphérie. Ces individus participent à renouveler la composition sociale de ce territoire et modifient les valeurs et les repères de la vie sociale locale. Il s’agit pour ces nouveaux arrivants de “participer de manière conviviale à l’aventure technicienne dans un

pays de beautés naturelles et de richesses culturelles112”. Certes, Aix-en-Provence

connaissait déjà une forte proportion de classes sociales moyennes et supérieures, néanmoins, les nouveaux arrivants renforcent cette spécificité sociale et participent à son extension à l’échelle de l’ensemble du Pays d’Aix.

111Garnier Jacques, Un appareil productif en mutation, op. cit. p. 85. 112

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Carte 1. Région Urbaine Marseillaise : part des cadres dans la population, 2007.

Autour de l’Étang de Berre, le développement des industries lourdes génère aussi d’importants mouvements de migrations qui renouvellent la composition sociale de ce territoire et le spécialisent dans l’accueil des classes populaires. Ici ce sont des “hommes du

fer” qui s’implantent massivement aux alentours du complexe sidérurgique de Fos-sur-

Mer113. Provenant de la région Lorraine ce sont environs 20 000 cadres, ingénieurs et essentiellement des ouvriers de métiers familiarisés aux processus de productions spécifiques de la sidérurgie qui s’installent à l’ouest de l’Étang de Berre. L’implantation de ces industries participe aussi à la pérennisation de l’emploi ouvrier autour de l’Étang de Berre, que la fermeture des chantiers navals de Port-de-Bouc en 1966 avait affecté114. Sans expérience

113

Tarrius Alain, 1984, “Fos-sur-Mer. La diaspora des sidérurgistes Lorrains”, Les annales de la recherche

urbaine, n°35, p. 31 – 40.

114Garnier Jacques, 1984, “Port-de-Bouc d’hier et d’aujourd’hui : une ville à renaître”, Terrain, n°2, mars, p. 62

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sidérurgique, les ouvriers locaux trouvent auprès des industriels et des sous-traitants de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer des emplois très peu qualifiés : “indigènes

provençaux et Maghrébin Martiguois se sont disputés les miettes des emplois les plus précaires115”.

Carte 2. Région Urbaine Marseillaise : part des ouvriers dans la population, 2007.

D’un côté, une périphérie aixoise accueillant des classes moyennes et supérieures ; de l’autre, le pourtour de l’Étang de Berre accueillant des classes populaires. À cette division sociale de l’espace s’en ajoute une autre, plus floue et située aux franges de la région urbaine : il s’agit de ces espaces du périurbain lointain, où se localisent les classes moyennes et populaires qui ne peuvent supporter la pression foncière croissante à proximité des pôles urbains centraux116.

115Tarrius Alain, “Fos-sur-Mer. La diaspora des sidérurgistes Lorrains”, art. cit., p. 35.

116 Jaillet Marie Christine, 2004, “L’espace périurbain : un univers pour les classes moyennes”, Esprit, n°3-4,

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Du point de vue des enjeux de transport et de mobilité on sait par ailleurs que le renchérissement à venir du coût des déplacements urbains a pour effet de rendre vulnérables ces périurbains lointains et de brider leurs urbanités117.

Carte 3. Région Urbaine Marseillaise : division sociale de l'espace, 2013.

1.3. Une coopération politique et institutionnelle poussive

Une métropolisation économique sans métropole et un développement de pôles périphériques autonomes représentent un terreau favorable au développement de rivalités politiques à l’échelle de la région urbaine, parfois déjà bien ancrées dans la mémoire collective118. Le

familles modestes installées en périurbain lointain toulousain. Les “captifs” du périurbain. Thèse de doctorat en

Géographie et aménagement du territoire, université de Toulouse II, avril.

117

Rougé Lionel, 2007, “Inégale mobilité et urbanité par défaut des périurbains modestes toulousains”,

EspaceTemps.net, Travaux, 25.04.2007. http://www.espacestemps.net/articles/inegale-mobilite-et-urbanite-par-

defaut-des-periurbains-modestes-toulousains/. Nicolas Jean-Pierre, Vanco Florian, Verry Damien, 2012, “Utiliser la voiture pour se déplacer au quotidien : taux d’effort et vulnérabilité des ménages face à l’augmentation du prix du carburant”, Revue Régionale d’Économie Régionale & Urbaine, n°1, p. 5 – 30.

118 L’opposition séculaire entre Aix-en-Provence et Marseille. Aix-en-Provence la romaine s’opposant à

Marseille la grecque ; Aix-en-Provence la ville de cours et d’État s’opposant à Marseille ville portuaire et populaire…

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développement poussif de l’intercommunalité à fiscalité propre au sein de la Région Urbaine Marseillaise éclaire les différentes rivalités politiques locales et la volonté des édiles et notables locaux à constituer puis préserver des fiefs politiques. La lente construction des intercommunalités au sein de la région urbaine débute d’ailleurs par des rejets de cette formule institutionnelle.

En 1966, c’est un premier rejet de l’intercommunalité. La commune de Marseille ne s’est pas vu imposer le régime de la Communauté Urbaine et elle a refusé de s’en saisir. À cela deux raisons principales. La première est celle d’une vision du territoire métropolitain centrée sur la cité phocéenne. Sous-estimant le potentiel de développement des pôles périphériques, Gaston Defferre, maire de Marseille, estime que les “ruraux”, les non-marseillais du département, n’ont pas leur mot à dire sur l’aménagement de la capitale régionale. La seconde est liée à la préservation du système politique defferriste, largement décrit par ailleurs119. En bref, le système defferriste est une succession d’alliances politiques, avec la droite libérale dans un premier temps (1953 – 1977), puis avec les communistes dans un second temps (1977 – 1986). À la fin des années 1960, la préservation des alliances social-centristes au niveau local nécessite de limiter les alliances politiques avec le Parti Communiste Français120. Or, à cette époque la création d’un “Grand Marseille” aurait exigé la constitution d’une Communauté Urbaine orientée vers l’Ouest, vers le port de Fos-sur-Mer et la future centralité industrielle alors en construction. Et, cela aurait modifié les équilibres politiques locaux du fait de la ceinture rouge entourant Marseille. Gaston Defferre aurait été débordé sur sa gauche, par le Parti Communiste, dans le cadre d’une communauté urbaine. Aubagne, Gardanne, Martigues, Port-de-Bouc, Berre-l’Étang, Septèmes-les-Vallons, Port-Saint-Louis-du-Rhône, La Penne sur Huveaune… quasiment l’intégralité des communes qui ceinturent Marseille sont alors gouvernées par des maires communistes. Ce débordement par la gauche de l’alliance social- centriste marseillaise aurait remis en cause les fondements même du système defferriste.

Au début des années 1970, s’exprime le second rejet de la formule intercommunale par les édiles locaux. Celui de la ville nouvelle des rives de l’Étang de Berre, un projet de l’État pour le territoire. C’est alors tout à la fois, la structure intercommunale, le Syndicat Communautaire d’Aménagement (SCA), et l’Établissement Public d’Aménagement associé à

119

Voir : Morel Bernard, SanMarco Philippe, 1985, Marseille : l’endroit du décor, Aix-en-Provence : Édisud. Morel Bernard, SanMarco Philippe, 1988, Marseille : l’état du futur, Aix-en-Provence : Édisud.

120Oppenheim Jean-Pierre, 1981, “Facteurs de déclin et facteurs de résistance des stratégies social-centristes au

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la ville nouvelle qui sont rejetés121. La fronde des élus locaux contre cette ingérence de l’État dans la structure institutionnelle du territoire, amène ce dernier à revoir l’architecture globale de la ville nouvelle sur les rives de l’Étang de Berre. L’application de la loi Boscher sera restreinte aux seules communes dont les maires sont alors acquis à la majorité gouvernementale : Miramas, Istres, Fos-sur-Mer sont regroupées au sein du SCA “Nord

Ouest de l’Étang de Berre” ; et à l’Est, Vitrolles est dite “commune associée”. Ainsi,

l’Établissement Public d’Aménagement des Rives de l’Étang de Berre (EPAREB) ne comprendra que ces quatre communes et non les quatorze initialement visées par le projet122. Finalement, le point de départ de la construction intercommunale sera la décennie 1990. À la suite de la loi Administration Territoriale de la République123, qui ouvre de nouvelles perspectives à la coopération intercommunale en créant deux nouveaux types de regroupement intercommunaux à fiscalité propre : les Communautés de Communes et les Communautés de Villes ; les communes de la région urbaine vont progressivement choisir de se regrouper en des structures intercommunales. Dans les Bouches-du-Rhône, la décennie 1990 est celle d’un foisonnement de regroupements, souvent surprenants, dont la cohérence fonctionnelle n’est pas la qualité principale124(Carte 4). Si on appréhende la formation de ces regroupements selon les affinités politiques locales en vigueur, alors, elles sont ici nombreuses et spatialement restreintes, d’où le terme “d’espace politique balkanisé” utilisé pour définir la carte intercommunale d’alors125.

121Borruey René, 2006, “Les villes nouvelles françaises ou l’intercommunalité forcée le cas des rives de l’Étang

de Berre”, Rives nord-méditerranéennes, [en ligne], mis en ligne le 29 décembre 2008, consulté le 10 mars 2011. URL : http://rives.revues.org/596.

122Borruey René, 2006, “Les villes nouvelles françaises ou l’intercommunalité forcée…” art. cit.

123 Loi n°92-125 du 6 février 1992, relative à l’administration territoriale de la République, JORF du 8 février

1992, pp. 2064-2083.

124 Langevin Philippe, 2001, “L’application de la loi Chevènement dans la région marseillaise : vers des

communautés éclatées ?”, in Donzel André (ss la dir.), Métropolisation, gouvernance et citoyenneté dans la

région urbaine marseillaise, Paris : Maisonneuve et Larose, p. 189 – 208. Langevin Philippe, 2012, Métropole, j’écris ton nom, document de travail, conférence-débat “La métropole Marseille-Provence, un territoire en

sauvetage économique”, Aix-en-Provence, 11 décembre.

125 Challard Laurent, “Les logiques du découpage intercommunal dans l’aire métropolitaine marseillaise”, La

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Carte 4. L'intercommunalité dans la Région Urbaine Marseillaise en 1999. Source : Ph. Langevin, 2001.

Ce patchwork intercommunal de la décennie 1990 marque la défiance qui règne à l’égard de

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