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Figure 59. Le quai de Port-au-Persil

Le quai tel qu’il apparaît aujourd’hui à partir de la route 138 dans Charlevoix Photo: Frédéric Simard

3.7.1 Le contexte historique

Le quai de Port-au-Persil est le dernier et le plus récent des quais à l’étude. Nous avons très peu d’éléments historiques sur le hameau de Port-au-Persil et son quai. Les premiers résidants, les McLaren, les Carré et les Tremblay, se sont établis dès 1813. En 1897, à l’époque de la construction de la chapelle presbytérienne sur le havre, il y avait déjà un quai à Port-au-Persil33. Notre analyse des vestiges subsistants suggère cependant que ces derniers datent d’une époque plus récente. Les autres bâtiments anciens et les vestiges meublant le fond de la vallée de Port-au-Persil témoignent d’un certain passé industriel. Il est possible d’y observer d’imposants bâtiments et plusieurs engins mécanisés à l’état d’épave, abandonnés sur le site.

3.7.2 État de conservation des vestiges

Comparés aux autres quais observés, les vestiges du quai de Port-au-Persil sont en très bon état et permettent l’étude archéologique intégrale des structures en élévation. Les divers éléments de la structure sont toujours présents et la plupart d’entre eux demeurent à leur emplacement d’origine. Le tablier de béton est encore présent sur environ 60 % de la surface du quai. La partie distale (du 60e au 90e m) du quai est beaucoup plus dégradée que ses parties

médiane et proximale (du 1er au 60e m) mais cela produit l’effet bénéfique d’exposer les composantes internes du quai.

Plusieurs dispositifs servant au fonctionnement du quai reposent toujours sur la surface de la construction. Des poteaux électriques sont toujours fixés sur le quai et des bittes d’amarrage en acier garnissent encore le tablier. Les montants en bois et quelques barreaux de métal provenant d’anciennes échelles sont encore fixés sur le côté ouest du quai. La survivance des vestiges semble être attribuable en partie à la construction tardive du quai au cours de la première moitié du XXe siècle.

3.7.3 Emplacement et organisation spatiale

Le quai de Port-au-Persil est situé dans Charlevoix, sur la côte nord de l’estuaire et sur la rive est de l’embouchure de la rivière Port-au-Persil. Il constitue le prolongement artificiel d’une pointe qui protège le petit havre de Port-au-Persil des grandes eaux de l’estuaire. La baie présente un endroit protégé des vents dominants et avantageux pour l’échouage des embarcations.

Le quai est long d’environ 90 mètres (300 pieds). La tête de quai est large de 9 mètres (30 pieds) alors que l’approche ne s’étend que sur une largeur d’environ 6 mètres (20 pieds). À certains endroits, la hauteur de la structure apparente dépasse les 6 mètres. Le quai n’est pas complètement rectiligne par rapport à sa voie d’approche mais forme un angle obtus se dirigeant légèrement vers l’ouest. Le quai est posé sur le prolongement d’un cran de roc. Le lit marin situé de part et d’autre du quai est rocailleux et parsemé de blocs granitiques émergeant à basse mer (annexe D).

Figure 60. Vue aérienne du quai de Port-au-Persil

ANQ, photos aériennes, orthophotographie no. 01806126F07, 1982.

3.7.4 La conception

La charpente est composée de coffrages à claires-voies aux dimensions constantes, d’une largeur et d’une longueur de 2,7 m (9 pieds) et ce, partout à travers le quai. L’approche du quai, qui n’a que deux coffrages de largeur, compose les deux premiers tiers de la longueur totale du quai. Le dernier tiers qui constitue le pilier comporte trois coffrages en largeur sur une longueur de cinq coffrages. La troisième rangée de coffrages est ajoutée sur le flanc est du quai (annexe D). Cet élargissement à la tête du quai renferme donc 15 coffrages. La surface est couverte par un béton armé d’une épaisseur d’environ 25 cm. Le long du premier tiers proximal, au flanc est, se dresse un amas de moellons et de blocs dont certains atteignent plus de 1 mètre de diamètre. Tous les coffrages du quai sont construits de la même façon, par empilement alterné de longrines et de traversins assemblés à leurs extrémités, à l'endroit de poteaux situés aux coins des coffrages. Ces longrines et traversins sont des pièces équarries de 25 cm (10 pouces) de côté.

Figure 61. Profil est de la partie distale du quai de Port-au-Persil. Dessin: Frédéric Simard

Figure 62. Vue en coupe de la partie distale du quai de Port-au-Persil. Dessin: Frédéric Simard

3.7.5 La réalisation

Le mode de liaison

L’assemblage des longrines, des traversins et des poteaux est assuré au moyen de clous tréfilés et de boulons écroués. Des clous verticaux lient les longrines et traversins alors que les liaisons impliquant les poteaux sont assurées par les boulons écroués. L’empattement est totalement absent aux joints croisés. L’alternance régulière des longrines et des traversins est de 1 : 1 et cette configuration implique qu’entre chaque pièce de 25 cm (10 pouces) de hauteur, il demeure un espace également de 25 cm (10 pouces) et ce, tant pour les parements que pour les cloisons. Ces espaces sont parfois partiellement comblés par des cales permettant le soutien du niveau supérieur là où se trouve l’aboutement de deux pièces.

Figure 63. Structure interne des coffrages à Port-au-Persil

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Des cales de soutien apparaissent aux aboutements des pièces de charpente. Photo: Frédéric Simard

Les clous sont tréfilés et d’une longueur de 24 pouces (60 cm). Ils sont larges de 2 cm au corps et de 4 cm à la tête qui est hémisphérique. Les boulons sont également longs de 24 pouces (60 cm). La largeur de leur corps fileté est de 2 cm et leur tête, de 3 cm. L’écrou fermant le boulon est carré et son côté mesure 4 cm.

Les matériaux et techniques de construction

L’analyse du bois provenant d’une longrine du flanc ouest a révélé que l’essence utilisée était encore une fois le cèdre blanc (Thuja occidentalis). Quant aux techniques de débitage, les pièces équarries ne montrent aucune irrégularité typique d’un équarrissage à la main et elles semblent être le produit d’un sciage mécanisé.

Le ballast se compose de moellons et de blocs, parsemés d’une très faible part de galets. La dimension des pierres varie d’environ 10 cm à 50 cm. Il s’agît de pierres granitiques pour la plupart arrondies.

3.7.6 Les dispositifs supplémentaires et aménagements particuliers

Dans la partie médiane du quai, le parement ouest est encore couvert de palplanches verticales, de largeur inégale et qui sont encore fixées aux longrines au moyen de clous tréfilés. Le parement ouest est également pourvu de deux échelles qui conduisent au tablier. Celles-ci sont faites de barreaux de métal fichés entre deux montants équarris en bois.

Le quai est couvert sur plus de la moitié de sa surface par un tablier de béton, armé d’un treillis métallique. Aucun plancher de bois n’est visible sous la succession de dalles de béton. Sur le tablier sont encore posées des bittes d’amarrage boulonnées à des socles de béton. De longs poteaux sont encore présents le long du flanc est du tablier.

Figure 64. Tablier du quai de Port-au-Persil.

L’ancien revêtement de béton armé subsiste toujours sur le quai. Photo: Frédéric Simard

3.7.7 Bilan et relevés généraux

Le quai de Port-au-Persil est très peu documenté et aucune source ne permet une datation précise de la structure. En revanche, l’état de conservation du quai est remarquable. Toujours debout sur toute sa longueur, le quai de Port-au-Persil porte tous les traits architecturaux d’un quai construit dans le premier quart du XXe siècle.

De moins de 100 mètres, le quai de Port-au-Persil est relativement court. Sa longueur est toutefois suffisante pour rejoindre les eaux profondes qui, à cet endroit, ne sont pas séparées de la côte par une longue batture. Comparée aux autres quais à l'étude, la forme de celui de Port-au-Persil est plus complexe. En renfermant le havre, il abrite les bateaux accostés sur son flanc ouest, comme l'attestent la présence d’échelles sur le parement ouest ainsi qu’une profondeur d'eau beaucoup plus importante sur ce côté du quai.

En ce qui a trait à sa conception, la charpente du quai de Port-au-Persil est plus homogène que celle des autres quais à l’étude. Non seulement toutes les pièces utilisées sont- elles équarries mais aussi affichent-elles toutes les mêmes dimensions, soit 25 cm (10 pouces) de côté. Rappelons que les cales de soutien avaient été vues précédemment au quai du gouvernement à Cap-Saint-Ignace, datant de vers 1909-1910. Celles-ci étaient toutefois de moindres dimensions puisque les parements n’étaient pas pleinement ajourés. À Port-au-

Persil, les parements pleinement ajourés permettent d’utiliser les mêmes madriers, tant pour produire les cales de soutien que pour produire le reste de la charpente. Les dimensions standardisées signalent l’utilisation de moyens mécanisés pour débiter les pièces de la charpente. De cette standardisation découle une économie de travail dont bénéficiaient les charpentiers. Une uniformité tout aussi marquante caractérise les boulons et les clous tréfilés. Dans le façonnage des joints croisés, aucun enlèvement manuel de bois n’est apparent. Les joints entaillés ont été remplacés par les ferrures de liaison qui sont présentes en quantités plus importantes que dans les autres quais à l’étude. La suppression des techniques manuelles de charpenterie va de pair avec l’introduction des techniques mécanisées et l’usage de fixation de métal. Enfin, le caractère uniforme et homogène de la charpente du quai de Port-au-Persil suggère que la structure ait été réalisée d’un trait, par un seul et même constructeur et en une seule phase de construction. Cet exemple homogène marque un certain aboutissement des techniques de construction des quais dans l’estuaire du Saint-Laurent, que nous avons retracé depuis le quai Tâché à Kamouraska construit vers 1820. Le quai de Port-au-Persil construit environ un siècle plus tard clôt l’époque des « quais du gouvernement ».

CHAPITRE 4

L’objectif premier de cette étude est d’identifier, à travers les anciens quais de l’estuaire, les traits architecturaux associés à la conjoncture socioéconomique de 1870-1930. Nous pouvons maintenant identifier ces traits. Nous présenterons les données selon trois volets soit, l’emplacement et l’organisation spatiale des quais, leur conception et, enfin, leur réalisation. Pour chacun des volets de recherche, nous suivrons les traits architecturaux caractérisant les quais construits avant la conjoncture, puis les « nouveaux traits architecturaux » associés aux infrastructures d’accostage construites à partir de 187034.