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Le fonctionnement d’un écosystème est traditionnellement défini comme l’en-semble des processus liés aux flux de matière et d’énergie dans cet écosystème : apports, transferts (production, recyclage) et pertes de matière et d’énergie au sein de l’écosystème.

Une deuxième définition classiquement utilisée comprend à la fois les flux de matière et d’énergie et leur variabilité, en distinguant les propriétés fonctionnelles

des processus fonctionnels (figure 9) :

– les processus écologiques de l’écosystème, appelés aussi processus écosysté-miques, ou processus fonctionnels (flux de matière et d’énergie) ;

– les propriétés fonctionnelles de l’écosystème (amplitude des variables d’état telles que la biomasse, et stabilité).

L’expression «fonctionnement des écosystèmes» est parfois prise à un sens beau-coup plus large (Giller et al. 2004), en incluant également les biens et services éco-logiques, processus et propriétés fonctionnelles dont l’espèce humaine tire un béné-fice. Certains auteurs (Giller et al. 2004) incluent aussi dans le fonctionnement des écosystèmes la structure de la communauté (par exemple la topologie des réseaux trophiques : nombre d’espèces par niveau trophique, connectance du réseau, force des interactions, etc.).

Dans cette thèse, qui porte sur les relations entre structure (diversité, interac-tions, facteurs abiotiques) et fonctionnement des écosystèmes, les notions de proprié-tés structurales et de fonctionnement des écosystèmes seront clairement distinguées (voir figure 12 en fin de partie). Par ailleurs, les biens et services écologiques ne seront pas inclus dans le fonctionnement des écosystèmes (figure 9), même s’ils y sont liés, car ils correspondent à une notion de bénéfice pour les sociétés humaines et la notion de fonctionnement des écosystèmes n’y fait pas nécessairement appel. Cette dissociation permettra de mieux cerner l’impact des activités humaines sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes et les conséquences (éventuelle-ment utilisées à profit) de la structure et du fonctionne(éventuelle-ment des écosystèmes sur les populations humaines.

La plupart des études sur la relation entre diversité et fonctionnement des écosys-tèmes s’intéressent à la biomasse (biomasse totale de la communauté ou biomasse de chaque niveau trophique) et à la production (production primaire, production secondaire). La production d’un niveau trophique est le flux entrant dans le compar-timent de ce niveau trophique, il dépend donc de la biomasse du niveau trophique considéré et de la masse de la ressource consommée (niveau trophique inférieur). La productivité est, par définition, le rapport entre production et biomasse. Ce terme est classiquement utilisé en écologie dans le sens de production par unité de temps. La variation de biomasse dans un compartiment pendant une durée donnée est égale à la différence entre les flux entrants et les flux sortants de ce compartiment. Cer-taines communautés peuvent être très productives tout en ayant une biomasse faible (plancton d’un lac par exemple).

La taille des compartiments et les flux de matière et d’énergie peuvent être ca-ractérisés par leur valeur moyenne et par leur variabilité temporelle. La notion de stabilité est donc souvent considérée comme l’une des composantes du fonctionne-ment des écosystèmes. Les études portant sur la relation entre structure de l’écosys-tème (diversité, connectance des interactions) et stabilité de l’écosysl’écosys-tème, utilisent principalement trois mesures de stabilité possibles (figure 9). La résistance d’un sys-tème est sa capacité à se maintenir face à une perturbation (incendie, inondation, glissement de terrain, déboisement, introduction d’une espèce invasive, etc.), elle est donc inversement corrélée avec les changements observés dans l’écosystème après la perturbation (changement de productivité, perte de biodiversité, etc.). La résilience mesure la rapidité du système à retourner à un état d’équilibre après une perturba-tion (Pimm 1984). La variabilité temporelle correspond à l’importance des variaperturba-tions (caractérisées par leur amplitude et leur éventuelle périodicité) d’une propriété au cours du temps : elle peut être quantifiée par la variance temporelle ou l’écart-type de cette propriété, ou bien le coefficient de variation temporelle (rapport écart-type / moyenne temporelle). Ainsi, les études portant sur la relation entre structure et fonctionnement des écosystèmes s’intéressent à l’amplitude (valeur moyenne) ou à la stabilité temporelle de certains processus et propriétés écosystémiques.

Les modifications possibles de structure et de fonctionnement observées dans un écosystème soumis à une perturbation sont très diverses : changement de biomasse ou de productivité, modification de la composition spécifique, perte de biodiversité, etc. De nombreuses études se sont intéressées aux conséquences de la perte d’une espèce sur la survie des autres espèces dans un réseau trophique : la perte primaire d’espèce peut entraîner des extinctions d’espèces en cascade, dues aux interactions établies entre les espèces du réseau. Les invasions biologiques peuvent être consi-dérées comme des perturbations dans la mesure où certaines espèces introduites dans un écosystème et qui réussissent à proliférer peuvent avoir des conséquences importantes sur la structure et le fonctionnement de l’écosystème. Les propriétés de résistance des écosystèmes aux invasions biologiques peuvent donc être vues comme des propriétés fonctionnelles des écosystèmes (voir partie 1.3 Qu’est-ce qu’une vasion biologique ?). Dans cette thèse, les propriétés des écosystèmes liées aux in-vasions biologiques seront considérées comme des aspects du fonctionnement des écosystèmes.

Notion de service écologique On appelle valeurs de l’écosystème les coûts et bénéfices attribués par l’Homme aux processus et propriétés fonctionnels. La bio-diversité a ainsi des valeurs écologiques, socio-économiques et culturelles. Certaines de ces valeurs ne sont pas connues ou exploitées (valeurs potentielles). Les valeurs de l’écosystème correspondent donc au prix attribué aux biens et services écolo-giques, processus et propriétés fonctionnels dont les populations humaines tirent un bénéfice (figure 9). L’home peut tirer des bénéfices directs de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes, appelés biens écologiques. La biodiversité est en effet à l’origine de nombreuses ressources (ressources agro-alimentaires, matières premières, ressources énergétiques, pharmacologie) et joue un rôle dans la producti-vité et la stabilité des écosystèmes et des agrosystèmes. Les sociétés humaines tirent également des bénéfices indirects des processus fonctionnels des écosystèmes, appelés services écologiques. Les services écologiques sont très variés (Myers 1996) : qualité de l’eau (dépollution), cycle de l’eau et des éléments (carbone, azote), contrôle de l’érosion, formation des sols, fertilité des sols, régulation du climat, pollinisation, contrôle biologique de ravageurs, limitation de la propagation de maladies, etc.

Des pertes de biodiversité peuvent provoquer des pertes de biens et de services écologiques. Ainsi, dans des régions himalayennes de l’Hindu Kush-Himalaya, les populations d’abeilles locales (Apis cerana) se sont éteintes, et les villageois réalisent actuellement une pollinisation manuelle des pommiers. Ces extinctions locales sont dues à l’introduction de l’espèce européenne (Apis mellifera), plus productive mais moins adaptée au climat himalayen, à la disparition d’habitat et aux pesticides.

Dans cette thèse sera étudié l’un des impacts majeurs des activités humaines sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes : les introductions d’espèces et leurs effets sur les écosystèmes. Par ailleurs, les valeurs de l’écosystème seront vues comme des conséquences de la structure et du fonctionnement des écosystèmes pour les sociétés humaines. Ceci permettra d’aborder les effets possibles des activités humaines sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes qui peuvent conduire en retour à une perte de biens et de services écologiques (voir figure 12 en fin de partie).

Type de fonction de l’écosystème Classe de processus, propriété ou valeur de l’écosystème Processus, propriété ou valeur de l’écosystème

Exemple de variable de réponse

Processus écologiques (taux dX dt = f (X, Y, Z)) Flux de matière et d’énergie

(cycle des éléments, métabolisme)

Production Production primaire ou secondaire

(va-riation de biomasse ou densité durant une période, fixation de N2ou de N O3, production d’O2 par photosynthèse) Recyclage :

décomposi-tion et minéralisadécomposi-tion

Production de CO2par respiration, am-monification, nitrification. . .

Apports et pertes de ma-tière dans le système

Entrées et sorties (taux de lessivage) du système

Structure biophysique Sédimentation biochi-mique

Épaisseur dans les pièges à sédiments

Construction biologique Construction de corail Biofilm bactérien Épaisseur du biofilm Altération des roches et

formation des sols

Acidification de la roche-mère par les organismes

Propriétés fonctionnelles

Amplitude des variables d’état

Biomasse des groupes fonctionnels

Biomasse des plantes ou des herbivores

de l’écosystème Masse d’élément

inorga-nique

Concentration en N O3 dans le milieu

Stabilité des processus et propriétés

Résistance Suite à une perturbation, changement

de productivité ou de biodiversité (éta-blissement d’espèces invasives, extinc-tion d’espèces)

Résilience Taux de retour d’un processus

fonction-nel après une perturbation

Variabilité temporelle Coefficient de variation temporelle (d’une propriété)

Biens et services Biens écologiques Alimentation Taille des stocks de pêche

écologiques Matériaux Bois, coton

Pharmacologie Morphine, quinine, taxol

Services Qualité de l’eau Demande biologique en oxygène (DBO)

écologiques Pollinisation

Régulation du climat Fertilité des sols Contrôle de l’érosion

Figure 9 : Principaux aspects du fonctionnement des écosystème

(biens et services écologiques dissociés du fonctionnement) (d’après Giller et al. 2004, traduit et modifié)