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Plutôt qu’éduquer les jeunes à la citoyenneté, construisons ensemble la Cité

Dans le document Les jeunes et la loi (Page 86-89)

Certes la connaissance de la loi, des institutions, de notre héritage historique et culturel est nécessaire pour participer pleinement à « la communauté des citoyens », d’une com- munauté qui ne peut plus se réduire à la nation, même si elle s’y enracine. Des disciplines scolaires en ont la charge. D’autres lieux peuvent ou pourraient remplir cette mission – par exemple un service public digne de ce nom –, et des entreprises (dans le champ des médias, du jouet, du spectacle…) qui ne seraient pas soumises à la seule recherche du profit, mais accepteraient d’engager le débat sur les effets de certaines de leurs productions sur la construction identitaire des jeunes, sur la vision du monde qu’elles proposent (ou imposent).

pour tous ceux qui en sont partie prenante. Cette redéfinition des contenus et formes de citoyenneté appelle une mobilisation de tous.

Pour ce faire, la reconnaissance du « droit de cité » est un préalable à tout discours sur (l’éducation à) la citoyenneté23, et c’est particulièrement vrai pour les jeunes, nouveaux ve-

nus dans un monde qui est celui de l’incertitude, des déséquilibres (sociaux, économiques, politiques) en défaveur de la jeunesse24.

L’invention citoyenne passe par le développement d’espaces de parole (avec la construction d’une parole collective, aux antipodes donc de la démocratie d’opinion ou sondagière), la place laissée aux « contre-cultures subalternes25 » (c’est-à-dire aux minorités diverses se

constituant comme acteurs politiques) pour prendre part au débat public, le développe- ment d’un espace public de délibération. Cela passe aussi par l’encouragement à la multi- plication des communautés instituantes, des initiatives de toutes sortes, visant à se réappro- prier collectivement la chose publique, à inventer des formes nouvelles de vivre et décider en commun et à développer le « pouvoir d’agir » de chacun et de tous, jeunes et adultes.

Trois remarques pour conclure

Les mutations profondes qui touchent le cadre et les processus de socialisation, la crise profonde des institutions entraînent de véritables « transformations psychosociétales » des enfants et des jeunes dans leur mode de construction identitaire, dans leur rapport à l’auto- rité, et en font de véritables « mutants26 ». Il semble nécessaire de ne pas répéter paresseu-

sement les réponses d’hier qui ne peuvent que conduire à l’inefficacité, mais précisément de partir de ces nouvelles donnes comme autant de ressources en vue d’une intervention éducative, y compris dans la construction du rapport à la loi.

Nous avons évoqué le triomphe de l’ultralibéralisme, un nouveau rapport au temps et à l’historicité, et les transformations du regard porté sur l’enfance et la jeunesse. Il est temps d’en penser les effets, non en reprenant de manière rhétorique et normalisatrice les discours anciens, mais de s’interroger à partir de ce contexte inédit sur le sens et les formes nouvelles que la citoyenneté politique, les modalités de l’émancipation peuvent et doivent prendre aujourd’hui. Il s’agit là de sortir d’une « police » de la pensée, pour entrer dans une sorte de « guérilla permanente pour définir les formes et les potentialités politiques27 ».

Et pour clore définitivement ce texte sur l’éducation à la citoyenneté, nous laisserons la parole à Joël Roman : « N’oublions pas que souvent notre propre intérêt pour la chose publique est lui aussi né contre, plutôt que comme l’aboutissement harmonieux d’une pratique réglée par les institutions. Peut-être l’éducation à la citoyenneté doit-elle aussi dé- boucher sur ce moment où l’éduqué parle à la première personne, et se fait citoyen, citoyen encore sauvage d’une cité encore à construire28. »

23. Honneth A., La lutte pour la reconnaissance, Le Cerf, Paris, 2000 ; Bier B., « La “politique de reconnaissance” comme caté-

gorie d’analyse de l’action publique en direction des jeunes », Pensée plurielle, no 14, avril 2007.

24. chauVel L., Le destin des générations, Presses universitaires de France, Paris, 1998 ; coMMiSSariat.Général.du.Plan,.charVet.D.

(dir.), op. cit.

25. frazer N., Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et distribution, La Découverte, Paris, 2005.

26. Gaillard J.-P., Enfants et adolescents en mutation. Mode d’emploi pour parents, éducateurs, enseignants et thérapeutes, ESF, Thiron, 2009.

27. rancière J., Et tant pis pour les gens fatigués. Entretiens, Éditions d’Amsterdam, 2009.

28. roMan J., « L’éducation des jeunes à la citoyenneté », in Bier B., VulBeau A., Jeunes mais citoyens. Quelle éducation pour

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