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L'article 118.1 de la loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS), s'intéresse tout particulièrement à la question de l'utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle que sont la contention, l'isolement et les substances chimiques :

« La force, l'isolement, tout moyen mécanique ou toute substance chimique ne peuvent être utilisés, comme mesure de contrôle d'une personne dans une installation maintenue par un établissement, que pour l'empêcher de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions.

L'utilisation d'une telle mesure doit être minimale et exceptionnelle et doit tenir compte de l'état physique et mental de la personne.

Lorsqu'une mesure visée au premier alinéa est prise à l'égard 55 d'une personne, elle doit faire l'objet d'une mention détaillée dans son dossier. Doivent notamment y être consignées une des-cription des moyens utilisés, la période pendant laquelle ils ont été utilisés et une description du comportement qui a motivé la prise ou le maintien de cette mesure.

Tout établissement doit adopter un protocole d'application de ces mesures en tenant compte des orientations ministérielles, le diffuser auprès de ses usagers et procéder à une évaluation annuelle de l'application de ces mesures. »

En 2002, le ministre de la santé a publié des tions afin de mieux encadrer ces pratiques. Ces recommanda-tions se déclinent en six principes :

– les substances chimiques, la contention et l'isolement uti-lisés à titre de mesures de contrôle le sont uniquement comme mesures de sécurité dans un contexte de risque imminent.

– les substances chimiques, la contention et l'isolement ne doivent être envisagés à titre de mesures de contrôle qu'en dernier recours.

– lors de l'utilisation de substances chimiques, de la conten-tion ou de l'isolement à titre de mesures de contrôle, il est nécessaire que la mesure appliquée soit celle qui est la moins contraignante pour la personne.

– l'application des mesures de contrôle doit se faire dans le respect, la dignité et la sécurité, en assurant le confort de la per-sonne, et doit faire l'objet d'une supervision attentive.

– l'utilisation des substances chimiques, de la contention et de l'isolement à titre de mesures de contrôle doit, dans chaque établissement, être balisée par des procédures et contrôlée afin d'assurer le respect des protocoles.

– l'utilisation des substances chimiques, de la contention et de l'isolement à titre de mesures de contrôle doit faire l'objet d'une évaluation et d'un suivi de la part du conseil d'administra-tion de chacun des établissements.

56 Les mesures de recours sont décrites dans une brochure d'un organisme de défense des droits en santé mentale :

« Vous désirez entreprendre une démarche de défense des droits après avoir vécu une mesure de contrôle ? Vous pouvez :

1. Demander à ce que votre désaccord concernant la mesure de contrôle soit inscrit à votre dossier.

2. Communiquer avec le groupe régional de promotion et de défense des droits en santé mentale qui peut :

• Vous informer sur vos droits.

• Vous accompagner dans l'exercice de vos droits.

• Vous aider à exercer un recours.

3. Vous pouvez porter plainte, en première instance, par écrit ou verbalement au Commissaire aux plaintes et à la qua-lité des services de l'établissement en cause. En deuxième ins-tance, si vous êtes insatisfait des réponses ou des conclusions du Commissaire aux plaintes et à la qualité des services, vous pouvez vous adresser au Bureau du Protecteur du citoyen » II – L'évolution des dispositifs adoptés par la France n'est pas pleinement satisfaisante

au regard du respect des droits de l'homme

Alors que la mise en chambre d'isolement ou sous contention constitue la modalité la plus radicale de la privation de liberté, ces actes et leurs conséquences n'ont longtemps fait l'objet d'au-cun encadrement législatif ou réglementaire.

A – « La loi Esquirol »

Depuis 18381, le législateur s'est soucié des conditions de prise en charge des malades mentaux, articulant la volonté de protection de la société et les soins de ces derniers. Elle prévoit les conditions matérielles de prise en charge : « chaque département

1. Loi nº 7443 sur les aliénés du 30 juin 1838.

est tenu d'avoir un établissement public, spécialement destiné 57 à recevoir et soigner les aliénés » (article 1) « placés sous la sur-veillance de l'autorité publique » (article 3). Les personnes qui y sont internées peuvent présenter une réclamation à l'une des autorités chargées de visiter les établissements : Le préfet (…), le président du tribunal, le procureur du Roi, le juge de paix, le maire de la commune, devant visiter les établissements privés au moins chaque trimestre et les établissements publics au moins chaque semestre.

La loi de 1838 rappelle enfin la spécificité du malade et la qualité de l'attention qui doit lui être portée : « Dans toutes les communes où il existe des hospices ou hôpitaux, les aliénés ne pourront être déposés ailleurs que dans ces hospices ou hôpi-taux. Dans les lieux où il n'en existe pas, les maires devront pourvoir à leur logement, soit dans une hôtellerie, soit dans un local loué à cet effet. Dans aucun cas, les aliénés ne pourront être ni conduits avec les condamnés ou les prévenus, ni déposés dans une prison » (article 24).

La loi se préoccupe en premier lieu de prévenir les placements arbitraires : elle exige la vérification de l'identité de la personne, de la réalité de la maladie et du besoin de traitement ainsi que, le cas échéant d'un placement par un tiers, de l'identité du tiers.

L'ensemble devant être mentionné dans un registre. L'autorité judiciaire est prévenue du placement. La réalité du besoin d'hos-pitalisation doit être attestée par un certificat médical et la personne doit cesser d'« être retenue dès que les médecins de l'établissement auront déclaré (…) que la guérison est obtenue ».

Elle devra même cesser d'être retenue dès que sa sortie est requise par un proche dans le cas d'un placement volontaire (devenu depuis soins psychiatriques sur demande d'un tiers).

Elle n'a pas toujours convaincu si l'on s'en réfère à l'opinion d'Albert Londres1 : « La loi de 1838, en déclarant le psychiatre infaillible et tout-puissant, permet les internements arbitraires et

1. Chez les fous, Albert Londres, 1925, éditions Arléa.

58 en facilite les tentatives. […] Sous la loi de 1838, les deux tiers des internés ne sont pas de véritables aliénés. D'êtres inoffensifs, on fait des prisonniers à la peine illimitée. »

La préoccupation de maintien de l'ordre public n'intervient que dans la deuxième section qui porte sur les placements ordon-nés par l'autorité publique des individus dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté des personnes. Si l'autorité publique est investie de la possibilité de placer, dans un établissement d'aliénés toute personne présentant cet état, ces placements doivent être motivés, leur prolongement justifié médicalement à échéance régulière.

Dans tous les cas, le placement dans un établissement d'aliénés constitue une privation de liberté qui justifie, ainsi que le prévoit la loi, qu'elle soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire : celle-ci peut être saisie à tout moment, par « toute personne placée ou retenue » ou l'un de ses proches ainsi que par les personnes ayant demandé le placement, d'une demande de sortie (article 29).

La protection des biens de la personne placée est également prévue : « Sur la demande des parents, de l'époux ou de l'épouse, sur celle de la commission administrative ou sur la provoca-tion, d'office, du procureur du Roi, le tribunal civil du lieu du domicile pourra, conformément à l'article 497 du Code civil, nommer, en chambre du conseil, un administrateur provisoire aux biens de toute personne non interdite placée dans un établis-sement d'aliénés. Cette nomination n'aura lieu qu'après délibéra-tion du conseil de famille, et sur les conclusions du procureur du Roi. Elle ne sera pas sujette à l'appel. »

Si elle entend assurer la protection des personnes contre les internements abusifs et présuppose que les aliénés « remis » aux établissements y seront soignés, la loi de 1838 ne se préoccupe en rien des modalités de traitement auxquels ils seront soumis, de la teneur et de la qualité des soins qui leur sont prodigués ni du respect de leurs droits par l'établissement. Passée sa porte, les praticiens et soignants sont maîtres dans le « royaume » de l'asile psychiatrique.

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