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Chapitre I : Choix du matériau et procédé d'élaboration

2. Le choix du procédé d‟élaboration : la pulvérisation cathodique

2.3. La pulvérisation réactive

En pulvérisation, nous distinguons la pulvérisation simple et la pulvérisation réactive. Dans le cas de la pulvérisation simple, l‟atmosphère de la décharge est chimiquement neutre, c‟est-à-dire que les atomes constituant l‟atmosphère de la décharge ne rentrent pas dans la composition chimique des dépôts formés, qui reste proche de celle de la cible.

Dans le cas de la pulvérisation réactive, en plus du gaz plasmagène, on introduit un certain pourcentage de gaz réactif. Ce gaz va réagir avec le film au cours de sa croissance et donc influencer sa composition chimique. Le choix des gaz réactifs dépend du type de matériau que l‟on désire déposer. Dans notre cas, pour déposer des oxynitrures de silicium, nous allons rajouter à notre plasma d‟argon, des gaz réactifs d‟oxygène et d‟azote.

Au-delà du choix des gaz, la manière dont les débits sont injectés influence également la composition des films. Nous présenterons ici le procédé conventionnel (PC) et le procédé de gaz réactif pulsé (PGRP). Dans le cas du PC, les gaz sont injectés avec un débit continu durant le temps de dépôt ; alors que dans le cas du PGRP, le débit d‟au moins un gaz réactif est pulsé.

2.3.1. Le procédé de pulvérisation réactive conventionnel

Le procédé de pulvérisation réactive est une technique largement utilisée pour déposer plusieurs types de composés, comme des oxydes, des nitrures, des carbures ou des sulfures de composés mono- ou pluri-métalliques [58–60].

Dans les paragraphes suivants, le principe puis les limites du procédé conventionnel seront expliquées en abordant les notions d‟empoisonnement de la cible, de boucle d‟hystérèse ainsi que des différents modes de pulvérisation.

2.3.1.1. Empoisonnement de la cible par un gaz réactif

Le phénomène d‟empoisonnement de la cible en pulvérisation réactive existe à la fois pour les décharges en courant continu et en radiofréquence [61–65].

Il est lié au fait que le gaz réactif injecté réagit non seulement avec le film en croissance, mais également avec toutes les autres parois du réacteur, et notamment la cible. La modification de la surface de la cible entraine une évolution non-linéaire du système en fonction des paramètres du procédé, ce qui complexifie son contrôle.

Pour comprendre ce phénomène, expliquons l‟hystérèse observée par exemple sur la pression partielle du gaz réactif en fonction du débit injecté, comme illustré sur la Figure 16. Pour simplifier, supposons que la cible est constituée d‟un seul élément, qui est le silicium dans le cadre de notre étude. En l‟absence de décharge, la pression de gaz réactif varie linéairement avec le débit injecté. Par contre, en présence d‟une décharge, la variation de la pression en fonction du flux du gaz réactif décrit une hystérèse formée de différentes parties :

A C : pour les faibles débits de gaz réactif, la majorité des espèces réactives réagissent avec le film en train de croître. Le reste des espèces est évacué par le système de pompage. La pression partielle du gaz réactif, fortement consommé, demeure donc très faible. Il faut noter que, dans ces conditions, le gaz réactif réagit également avec la surface de la cible. Mais celle-ci subit également un bombardement ionique qui pulvérise le composé éventuellement formé. Pour de faibles débits de gaz réactif, ce bombardement est suffisant pour permettre à la cible de rester élémentaire. C‟est le régime de pulvérisation élémentaire (RPE). Dans ces conditions, la pulvérisation de la cible est efficace, la vitesse de dépôts élevée. Le film présente une composition variable d‟éléments provenant du gaz réactif en fonction du débit injecté.

CE : au-delà d’une valeur critique du débit du gaz réactif (point C), le bombardement ionique n‟est plus suffisant pour supprimer la quantité plus grande de composé formé. La cible est totalement recouverte par ce composé. L‟ensemble des sites de réaction du gaz

ED : si le débit continue d’augmenter, le gaz ne peut être consommé davantage. L‟augmentation du débit injecté se traduit par une augmentation linéaire de la pression. La cible reste empoisonnée par un composé. On est alors dans le régime de pulvérisation du composé (RPC). Dans ces conditions, ce n‟est plus une cible de silicium mais le composé qui est pulvérisé. Généralement son rendement de pulvérisation est plus faible, ce qui entraine une diminution de la vitesse de dépôt. Il a ainsi été rapporté par F. Rebib que le rendement de pulvérisation des atomes de silicium diminue en passant d‟une cible de silicium élémentaire à une cible de nitrure de silicium puis à une cible d‟oxyde de silicium, en corrélation avec les énergies de liaison Si-Si, Si-N et Si-O qui sont respectivement à 222, 355 et 452 KJ/mol [66]. De plus, le gaz réactif ayant saturé tous les sites de réactions, la composition du film n‟est plus variable mais fixe, généralement proche de celle du composé stœchiométrique.

DF : si maintenant nous diminuons le débit du gaz réactif, la pression ne reprend pas les mêmes valeurs qu‟à l‟aller, mais diminue linéairement avec le débit. La surface de la cible reste donc empoisonnée pour des valeurs de débits plus faibles. En effet, le rendement de pulvérisation d‟un composé étant plus faible que celle de la cible élémentaire, le bombardement ionique est moins efficace pour l‟enlever. Ainsi, il faut attendre une quantité plus faible de gaz réactif injecté pour le bombardement ionique soit suffisant pour la compenser.

FA : en dessous d’un certain débit (Point F), le bombardement ionique est suffisant pour limiter la formation de composé par le gaz réactif injecté. La cible redevient élémentaire. La pression diminue et rejoint les valeurs observées à l‟aller.

Figure 16. Représentation schématique de l’hystérèse de la pression en fonction du débit de gaz réactif.

Ainsi, la zone BCEF définit une hystérèse dont la présence complique la maîtrise du procédé. En effet, dans cette zone, pour un débit de gaz réactif donné, il existe deux points de fonctionnement possible mais avec un état de surface de la cible complètement différent : cible élémentaire pour la branche BC et empoisonnée pour la branche EF.

Ce phénomène peut aussi être mis en évidence en suivant d‟autres paramètres du procédé tels que la tension d‟autopolarisation, Vap, et l‟intensité lumineuse des espèces pulvérisées.

 La tension d‟autopolarisation, Vap, de la cible change suivant la nature de la cible (élémentaire ou empoisonnée). En effet, la formation du composé à la surface de la cible modifie son coefficient d‟émission d‟électrons secondaires induits par les ions. En général, les oxydes et les nitrures ont un coefficient plus grand que celui du métal pur ce qui conduit à une diminution de la tension de la cible en régime de pulvérisation de composé [67]. Cependant, le mélange gazeux même peut lui aussi modifier la tension d‟autopolarisation.

 L‟intensité lumineuse des espèces pulvérisées peut également être utilisée pour détecter un empoisonnement de la cible. Lors du passage en régime de pulvérisation du composé, le rendement de pulvérisation de l‟élément de la cible chute, conduisant à une plus faible densité de cette espèce dans le plasma, et donc une baisse de l‟intensité lumineuse émise par celle-ci [68].

2.3.1.2. Pulvérisation réactive à deux gaz réactifs et limites du procédé

En pulvérisation réactive, cette évolution non-linéaire des paramètres de dépôt a été profondément examinée et modélisée dans plusieurs travaux de recherches [69–71]. L‟intérêt de ce domaine d‟étude est dû principalement au mode réactif comme étant une façon efficace d‟élaborer des couches minces de compositions variables. Néanmoins, à cause de l‟effet non linéaire en fonction du flux de gaz réactif, quelques compositions sont difficile voire impossible à atteindre (par exemple les concentrations faibles en métalloïde) sans utiliser des dispositifs améliorés [72–74] ou des systèmes de commande de rétroaction [75–77].

La majorité de ces études s‟est concentrée sur l‟utilisation d‟une seule cible et un seul gaz réactif tel que l‟oxygène ou l‟azote [78–81]… Pour le dépôt de composés ternaires comme les oxynitrures, une seule cible métallique et deux gaz réactifs, oxygène et azote, peuvent être utilisés, rendant encore plus complexe la compréhension et la maîtrise de ce procédé.

Figure 17. Cartographie du procédé en fonction des débits des gaz réactifs O2 et N2 avec une cible de Si et un débit d’Ar fixé à 7,8 sccm.

Une approche originale a été proposée par Sproul et al. [82,83] utilisant un système de contrôle de rétroaction des gaz d‟oxygène et d‟azote par spectrométrie de masse. Il a ainsi pu déposer des couches minces d‟oxynitrures de silicium et de titane avec des compositions chimiques ajustables et un contrôle judicieux du procédé [82]. Dans notre laboratoire, l‟analyse du procédé par des diagnostics plasmas a pour objectif non de mettre en place une boucle de rétro-action, mais plutôt de déterminer les conditions optimales de dépôt. Ce type d‟étude a permis à Farida Rebib et Fadi Zoubian de déposer des oxynitrures de silicium [84] et de tantale [85] à concentrations variables en oxygène et en azote.

C‟est cette approche que nous avons utilisée au cours de cette thèse. En effet, grâce à une étude par spectrométrie d‟émission optique, nous avons réussi à déterminer l‟état de la cible en fonction des débits de gaz réactifs et ainsi de prédire la nature des films déposés, comme l‟illustre la Figure 17. L‟ensemble de cette étude sera présentée plus en détail au chapitre III.

Sur la Figure 17, nous observons que, pour une certaine gamme de débits de gaz réactifs, il est possible d‟obtenir des oxynitrures de silicium à compositions variables. Cette cartographie montre donc que, d‟une part, il possible de surmonter la complexité du procédé avec deux gaz réactifs, et d‟autre part, que la zone d‟obtention des SiOxNy n‟est pas très large,

ce qui peut limiter le contrôle fin de la composition. Pour élargir cette zone d‟obtention des SiOxNy, nous avons alors envisagé la technique du procédé de gaz réactif pulsé, PGRP.

2.3.2. Le procédé de pulvérisation en gaz réactif pulsé (PGRP)

En 1980, Aronson et al. [86] et plus récemment d‟autres [87–90] ont proposé une méthode innovante pour le dépôt des oxydes ou des nitrures métalliques dans laquelle le gaz réactif est injecté non pas en continu mais pulsé. Par la suite, Martin et al. [91,92] et d‟autres auteurs [93–95] ont développé le procédé de gaz réactif pulsé (PGRP) pour le dépôt de couches d‟oxynitrures métalliques. Cette technique consiste à pulvériser une cible élémentaire avec un débit maintenu constant d‟azote et un débit d‟oxygène introduit de manière cyclique, permettant ainsi d‟alterner le procédé entre un régime de pulvérisation d‟un composé oxydé et nitruré.

Figure 18. Schémas de l’injection des débits d’O2 et N2 utilisés dans notre étude.

Plusieurs motifs de pulsations périodiques du flux massique d‟oxygène ont été employés

par Martin et al. [91], parmi lesquels on peut citer les motifs sinusoïdaux, triangulaires (isocèles, ascendants et descendants), exponentiels ou rectangulaires. Dans ces études, il a été rapporté que les motifs exponentiels et rectangulaires sont les plus efficaces pour élaborer des couches minces d‟oxynitrures métalliques avec des compositions comprises entre celle d‟un nitrure et celle d‟un oxyde. Le motif rectangulaire est même plus intéressant pour sa rapidité de changement d‟un mode de pulvérisation à l‟autre. C‟est la raison pour laquelle dans notre étude, nous nous sommes intéressés au motif rectangulaire comme présenté schématiquement dans la Figure 18.

Les motifs rectangulaires utilisés pour injecter O2 sont caractérisés par leur période T, les temps Ton et Toff pendant lesquels le débit d‟O2 est injecté avec respectivement sa valeur haute et sa valeur basse. Dans notre étude, nous avons choisi de stopper complètement le débit d‟oxygène durant Toff, c‟est-à-dire O2,min = 0 sccm. Par contre, nous avons étudié différentes valeurs de débit maximal, O2,max. De plus, nous avons étudié l‟influence du rapport cyclique sur le procédé et sur nos dépôts. Le rapport cyclique,  est défini par la formule suivante :

(I-9)

La variation de ce rapport cyclique a pour objectif d‟ajuster les quantités d‟oxygène injectées. Ainsi, suivant les paramètres de pulse, le débit moyen d‟oxygène, <O2>, est calculé comme suit:

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