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3. Les freins à l'intégration du père à la maternité

3.4. La pudeur

La notion de pudeur en salle de naissance est abordée à plusieurs reprises au cours des entretiens avec les sages-femmes. Notamment sur la question de laisser ou non le père rester au cours des soins tels que le toucher vaginal ou le sondage urinaire. Souvent les sages-femmes considèrent

que le couple est capable de décider, elles ne demandent pas systématiquement au père de sortir de la salle. Elles préviennent de ce qu'elles vont faire et les laissent choisir. Si le père souhaite rester, avec l'accord de sa compagne, elles préservent la pudeur à l'aide d'un drap.

Manon : « Du coup quand je vais faire un soin je dis ce que je vais faire et après ils font ce qu'ils

veulent. Par contre je fais en sorte qu'il ne voit pas, que le drap recouvre bien les genoux ».

Benjamin : « Au niveau des soins je ne leur propose jamais de sortir pour les TV. J'estime que c'est

un couple et qu'ils sont adultes. Je leur dis que je vais les examiner et je leur laisse le temps de réagir ».

La pudeur est à nouveau évoquée concernant la place du père au moment de l'accouchement. Peu de sages-femmes acceptent que le père regarde le bébé sortir, par peur de ne pas respecter l'intimité de la femme, de créer un traumatisme chez le père, de perturber la vie sexuelle du couple. Les sages-femmes qui acceptent que le père regarde le font toujours avec l'accord de la patiente. Cependant, il ne faut pas oublier que ça n'est pas à la sage-femme de donner son autorisation ou non au père. C'est au couple de prendre la décision, ensemble, afin de convenir de ce qu'ils pensent être le mieux pour eux.

Delphine : « Ça ne me dérange pas que le père voit l'arrivée du bébé mais ça m'embête par rapport

à la patiente parce que mine de rien il va y avoir une reprise de la sexualité et on ne sait pas comment ça peut évoluer. De manière globale je ne veux pas trop ».

La notion de respect de la pudeur pour cette famille qui se rencontre doit aussi être respectée pour qu'ils apprennent à se connaître comme nous l’expliquent Juliette et Caroline.

Juliette : « En post partum, je les laisse tous les trois dans leur bulle. C'est un moment où ils se

découvrir, apprendre à se connaître ».

Caroline : « Nous avons tellement l'habitude que nous oublions un peu à quel point c'est un moment

intime. Nous devons rester des accompagnants alors que les parents sont les acteurs principaux ».

Il est très important de respecter la place du père et de ne pas lui voler en tant que soignant. D'après Bernard This, « les pères avec la place qui est la leur - la dimension affective, sociale, symbolique et de concepteur et d'aimant - donnent aux médecins le rôle qui leur revient : celle de technicien de la naissance, qui font leur métier avec beaucoup d'amour mais sans se substituer au père » [11]. Les professionnels de santé présents au cours d'un moment aussi intime que l'accouchement et la naissance d'un enfant, peuvent en oublier leur place. Il est important qu'ils arrivent à se mettre de côté et à se faire discret, y compris au cours des soins apportés à la mère immédiatement après

l'accouchement, afin que le père, la mère et l'enfant puissent se découvrir en toute pudeur.

Avec le temps et l'habitude, les soignants qui travaillent dans cette maternité peuvent être amené à ne plus faire attention au respect de l'intimité des patients. Benjamin : « Je pense que le problème des

soignants c'est d'avoir trop l'habitude de croire que c'est chez nous et d'entrer sans toquer. […] Donc normalement si on toque et qu'on attend l'autorisation de rentrer on ne tombera pas sur quelque chose qui peut nous déranger ».

Dans un arrêt de la Cours d'Appel de PARIS 17 mars 1986, les juges ont apporté les précisions suivantes : « Une chambre d’hôpital occupée par un malade constitue pour lui au sens de l’article 184 du code pénal [remplacé par l’article 226-4 du code pénal actuel] un domicile protégé en tant que tel par la loi, qu’il occupe à titre temporaire mais certain et privatif et où, à partir du moment où cette chambre lui est affectée, il a le droit, sous la seule réserve des nécessités du service, de se dire chez lui et notamment d’être défendu de la curiosité publique.» Il n'est donc pas autorisé de rentrer dans la chambre d'un patient sans frapper et sans son autorisation.

Cependant, ce sont la femme et son enfant qui sont hospitalisés et non pas le père. Si ce dernier est considéré comme un partenaire, un visiteur, cet arrêt ne le concerne pas. Aucune mention concernant l'accompagnant de la patiente hospitalisée n'est évoquée dans cet article. Comment faut-il alors considérer le père en suites de couche ? A quel point le personnel doit il respecter son intimité au sein de la chambre ? On peut alors penser que le personnel adaptera son comportement selon la place qu'il accorde au père à la maternité de manière plus générale.

Toujours d'après le mémoire de Lou Mrozinski [3] : 89,8 % des pères interrogés ont eu le sentiment que l'équipe soignante a respecté l'intimité de leur nouvelle famille dans le post partum immédiat. Pratiquement 10 % ont donc eu un sentiment que leur intimité n'était pas prise en compte. On peut se demander dans quelle mesure les pères considèrent-ils que leur intimité n'est pas respectée ? Les raisons ne sont pas évoquées dans le mémoires. Est-ce un problème de comportement du personnel vis à vis d'eux ? Il serait intéressant d'interroger les pères sur les motifs de cette réponse.

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