problématique Pourquoi 1850 ? Les archives disponibles sont très lacunaires avant la seconde moitié
Chapitre 1 Un public lycéen sélectionné
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Méthodologie : constitution des catégories sociales« … aucune définition n’est satisfaisante pour l’historien, car aucune ne rend compte de la condition ni de la psychologie des hommes, qui au XIXe siècle
vivaient comme des bourgeois, réagissaient comme des bourgeois, se considéraient comme des bourgeois et étaient jugés comme tels par leur entourage et la société entière »162.
Nous ne pouvons qu’être en accord avec Adeline Daumard, quant à ces propos sur les bourgeois. Cette difficulté de définition est confirmée par Dominique Barjot et JeanPierre Chaline qui précisent pour cette catégorie de personnes « outre l’argent compte l’usage qu’on
en fait »163 et il faut rajouter tous ceux qui veulent y accéder, faire partie de ce groupe et être reconnus par eux. Jacques Marseille tient le même discours sur ces couches moyennes, à la Belle Époque : « tous ceux qui ne se sentent ni ne sont paysans ou ouvriers, ceux qui veulent
paraître bourgeois, mais qui faute de bonnes manières ne le sont pas »164, idée que développe Norbert Elias dans La civilisation des mœurs165. Ce type de regroupement n’est donc qu’artificiel. Certes, il permet de comprendre une société, à coup de caricatures, mais en ayant l’inconvénient de la figer. Il est très difficile de traiter l’évolution de ces catégories. Dans
histoire de Besançon166, coordonné par Claude Fohlen, Roger Marlin a recueilli des données
sur les professions à Besançon dans les annuaires de 1861 et 1870. Elles permettent de visualiser, à l’échelle d’une ville, la construction d’une classe intermédiaire qui va, et veut accéder à un échelon supérieur dans la stratification sociale. Il faut rajouter à ces professions, tous les fonctionnaires qui dirigent des services de plus en plus présents dans le développement d’une ville. Il convient donc de rajouter à ces données, également, les professions médicales, médecins, dentistes et pharmaciens, qui prennent de plus en plus d’ampleur et d’importance.
162 Daumard Adeline, Les bourgeois au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1970, p.5.
163 Barjot Dominique, Chaline JeanPierre, Encrevé André, La France au XIXe siècle : 18141914, Paris, puf, 1998
(3e édition corrigée), p. 367.
164 Marseille Jacques, Nouvelle histoire de France. II. De la Révolution à nos jours, Paris, Perrin, 2002, p.227. 165 Elias Norbert, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann Lévy, 1973 (1ere éd. 1969).
42 Professions 1861 1871 1890 Architectes 12 18 14 Entrepreneurs de bâtiments 10 28 35 Merciers 23 39 51 Boulangers 59 73 84 Charcutiers 25 37 25 Bouchers 1 25 65 Épiciers détaillants 37 191 190 Restaurateurs Pensions 11 30 45 Pharmaciens 14 31 35 Dentistes 4 21 22 Médecins 24 8 8 Avocats 31 30 42 Tableau 1: professionnels à Besançon à partir des données des annuaires du Doubs Les chiffres présents dans ce tableau sont révélateurs du changement de la vie sociale de la cité bisontine. En augmentation constante et régulière, Claude Fohlen la caractérise comme « une ville bourgeoise »167 au début de la période. Il explique ce renouveau par le fait que la vie économique reprend « faisant de Besançon un centre d’échange »168 avec l’arrivée de nombreux Suisses dans les milieux financiers et dans l’industrie horlogère. Le recensement de 1846 estime à plus de 1 200 les horlogers venus de Suisse romande. Ce développement nécessite des restructurations architecturales dans la ville, notamment autour du chemin de fer en construisant la gare au centre de la ville en 1856. Le petit commerce est florissant ainsi que l’artisanat horloger. La ville organise l’exposition universelle, en 1860, dont la troisième division est consacrée à l’« horlogerie, orfèvrerie et bijouterie »169.
1846 1851 1861 1872 1891 39 949 41 295 46 786 49 401 56 055 Tableau 2 : Évolution de la population de la ville, sources, base Cassini de l'EHESS 167 Fohlen Claude, « De la prospérité à la stagnation (v. 17321848 », in Fohlen Claude (dir.), 1964, op. cit., p. 299. 168 Ibid., p. 301.
169 Société d’émulation du Doubs, Exposition universelle de Besançon en 1860 : Catalogue général, Besançon,
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Plutôt que les termes “bourgeois”, “élites” ou “notables” trop vagues, celui de “classes privilégiées” est préféré pour caractériser le milieu d’appartenance des élèves du lycée. En effet, les archives montrent que des avantages sont accordés à certains milieux professionnels, pas obligatoirement fortunés par la réduction des frais de scolarité. Les salaires ne sont pas forcément représentatifs de la position sociale. Ainsi, en prenant le cas des recteurs du Second Empire, JeanFrançois Condette explique qu’il est désormais « un
notable, un bourgeois qui doit affirmer sa présence parmi les élites régionales »170. L’historien de l’école signale que le recteur Michelle, en poste à Besançon de 1848 à 1850, a peur de prendre sa retraite « parce qu’il va perdre son logement »171 et qu’il a contracté plusieurs dettes. De même l’épouse de son successeur, Gardaire, de 1850 à 1853, met en avant le peu de ressources de sa famille après le décès de son mari en 1856172. Les archives que nous avons consultées regorgent de demandes d’exemption de frais de scolarité ou d’internat, totale ou partielle, comme des militaires, des petits fonctionnaires et des instituteurs. De tels constats indiquent que le positionnement économique des familles est certainement moins significatif que la reconnaissance sociale au sein de l’élite bisontine. Les exemples de demandes d’exonérations au ministre, à l’instar de celle du LieutenantColonel Logerot en 1878, pour lequel il est noté : « sans fortune et […] 3 enfants dont l’aînée est une fille »173, sont plus que probants. Il convient aussi de signaler la prise en considération du poids que peut constituer pour une famille une progéniture féminine au regard de la dote nécessaire à la mise en œuvre d’un “bon” mariage au sein d’un milieu éminemment bourgeois. Il va sans dire que, dans le cas de ce militaire haut gradé, l’appartenance à l’élite de la cité est implicite et qu’elle ne tient aucunement à la rente ou au revenu du chef de famille, mais bien plutôt à sa fonction considérée parmi les plus honorables dans ce contexte patriotique et revanchard.
De plus, le XIXe siècle est le siècle de création de nouvelles catégories intermédiaires comme les fonctionnaires de bureau174 et le renouvellement des élites175. MarieCécile Thoral met en évidence, dès le XIXe siècle, des avantages certains : leur paie est mensualisée, une 170 Condette JeanFrançois, 2006, tome I, op. cit., p. 318. 171 Condette JeanFrançois, 2006, Les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940 : Dictionnaire biographique tome II, 2006, p. 183. 172 Ibid., p. 188. 173 AD Doubs, T 82, lettre du 20 mars 1878 du recteur au ministre.
174 Thoral MarieCécile, « Naissance d’une classe sociale : les fonctionnaires de bureau, du consulat à la
Monarchie de Juillet. Le cas de l’Isère » in Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 34, 2006, pp.93110.
175 Charle Christophe, Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Paris, Editions du Seuil, 1991, « Anciennes et
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pension de retraite est versée progressivement à tous et surtout « la possibilité, réduite, mais
pas absente, de promotion professionnelle, et donc sociale, en une seule génération »176. Cette dynamique ne peut être mise en évidence par des photographies annuelles, des instantanées qui ne peuvent prendre en compte les évolutions de carrière. Jean Le Bihan reprend de nombreuses études sur les fonctionnaires, notamment celle de JeanPaul Jourdan, qui propose une classification par le salaire. Mais il préfère la notion de « position
hiérarchique »177, et aboutit à la création de trois catégories de fonctionnaires, les hauts fonctionnaires, les intermédiaires et les employés. Il justifie cette distinction par le fait que l’employé n’incarne pas “la puissance publique”, ne se sent pas réellement investi d’une mission. Nous souscrivons à sa proposition, les parents nommés “employés”, par exemple : employés des postes, à la gare…, sont classés dans la catégorie “autres”. Par contre, les fonctionnaires intermédiaires178, comme les receveurs, chefs de bureau ou chefs de gare sont répertoriés dans la catégorie “postes à responsabilités“. Face à l’imprécision des registres d’élèves, nous ne pouvons établir cette catégorie intermédiaire en tant que groupe à part entière. Ainsi les hauts fonctionnaires repérés, préfets et recteurs, seront également placés dans cette même catégorie “postes à responsabilités“ dans la mesure où ils sont susceptibles d’évoluer au sein d’une hiérarchie.
Nous avons rencontré un autre problème qui est celui des métiers émergents. Présents au début de notre période, ils deviennent des professions bien rémunérées qui se “notabilisent” comme les ingénieurs, les architectes. Christophe Charle distingue deux XIXe siècles ; le premier avant la IIIe République et le second à partir des années 1870. Il intitule un paragraphe consacré aux nouvelles élites « les hommes nouveaux : selfmademen et
ingénieurs »179. D’autres secteurs se développent comme les banques (création de neuf grandes banques entre 1852 et 1904180), les chemins de fer, l’industrie, les transports, etc. Certains sont fonctionnaires, comme les ingénieurs des pontsetchaussées, d’autres sont à la direction d’usines. Les écritures sur les registres de l’établissement étant peu précises, voire lacunaires, nous avons préféré les regrouper dans « postes à responsabilités ». Avec le même
176 Thoral MarieCécile, op. cit., p. 101.
177 Le Bihan Jean, « La catégorie de fonctionnaires intermédiaires au XIXe siècle. Retour sur une enquête »,
Genèses, n° 73, 2008, p. 7.
178 Le Bihan différencie même des fonctionnaires intermédiaires supérieurs et inférieurs. 179 Charle Christophe, 1991, op. cit., p.250.
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souci, nous avons repris une catégorie déjà rencontrée “professions libérales, juridiques et comptables” dans laquelle nous avons inclus les médecins, banquiers, architectes, huissiers, avocats ainsi que les juges qui sont fonctionnaires. Ces « bourgeois du savoir […] exerçant ces
activités intellectuelles, artistiques, juridiques, scientifiques ou encore administratives ne cessent de grandir en cette fin de XIXe siècle »181. JeanPierre Chaline et Dominque Barjot précisent, en référence à la bipolarisation de la société annoncée par la théorie marxiste, que :
« … c’est une société plus que jamais ternaire que nous découvrons, le secteur tertiaire en rapide croissance multipliant les effectifs de ces milieux tampon, d’origine largement populaire, mais aux aspirations bourgeoises »182.
À Besançon, ce phénomène est perceptible avec la création, en 1865, de la Société Nautique bisontine (SNB), étudiée par Christian Vivier183, et appelée par ses membres Cercle nautique ou Cercle des canotiers, “cercle” qui selon Maurice Agulhon « a été la forme typique
de la société bourgeoise… »184. Si les membres du bureau, dans la période 18671872, semblent équilibrés entre “classes privilégiées” et “salariés, employés, ouvriers”, 14 contre 10, la période suivante, 18731885, montre un déséquilibre très important 44 contre 3185. La société SNB installée et confirmée, il devient important pour nombre de Bisontins de “se montrer” dans ce cercle que l’auteur qualifie de bourgeois.
La catégorie “autres” regroupe les postes d’employés de commerce, secrétaires, ouvriers, ainsi que les employés fonctionnaires. Ces personnes ont peu d’amélioration salariale et donc sociale possible. L’évolution de cette frange de population est un signe de la démocratisation de l’enseignement, qui modifie obligatoirement les objectifs assignés à l’école secondaire.
D’autres spécificités sont à prendre en compte, comme la localisation géographique et le milieu étudié. Ainsi, nous avons ajouté une catégorie “militaires” dans la mesure où la FrancheComté est une région de cantonnement de l’armée, de par sa proximité avec
181 Ibid., p. 368. 182 Ibid., p. 374.
183 Vivier Christian, L’aventure canotière : Du canotage à l’aviron. Histoire de la Nautique Bisontine, Thèse sous la
direction d’Arnaud Pierre, Université Lyon I, 1994 et Vivier Christian, La sociabilité canotière : la société nautique
de Besançon, Paris, L’Harmattan, 1999.
184 Agulhon Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise 18101848, étude d’une mutation de sociabilité, Paris,
Armand Colin, 1977, p.17.
185 Données tirées de la thèse de Vivier Christian, 1999, op. cit., Tome II : Annexes, Tableau 3, p. 175176. Les
catégories socioprofessionnelles retenues par l’auteur sont différentes des nôtres. Pour les chiffres évoqués, nous avons additionnés dans classes privilégiées : propriétaires rentiers, banquiers industriels, professions libérales, négociants, courtiers, cadres, représentants de commerces, artisans, fabricants.
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l’Allemagne et en 1870, sa frontière avec l’Alsace annexée. En 1846, le recensement indique une population de près de 40 000 habitants (39 949 exactement), parmi lesquels les familles de militaires représentent près de 5 000 personnes186. Des avantages seront accordés aux enfants de troupes, signalés avec cette appellation dans les registres. Ils sont exonérés des droits d’externat, tandis que pour les enfants d’officiers ou sousofficiers, est indiqué le grade de leur père. Dans cette catégorie, nous avons inclus les gendarmes, les douaniers et quelques policiers.
Nous avons jugé utile de faire une catégorie « fonctionnaires de l’instruction publique », en raison des exonérations de frais d’études d’externat, voire d’internat, qui sont proposées à ses membres à partir de 1893187. De nombreux enfants d’instituteurs rentrent dans les grandes écoles gouvernementales comme Polytechnique, confirmant cette possibilité d’ascension sociale en une seule génération, évoquée par MarieCécile Thoral. Par contre, de cette catégorie sont exclus les enfants des recteurs d’académie. Cette particularité concerne quatre enfants scolarisés au lycée, dont une fille. Sans aller jusqu’à évoquer des passedroits, on peut s’interroger sur l’inscription en 1935 (hors de notre période d’étude), de la fille du recteur Pariselle, alors qu’un lycée de jeunes filles est établi dans une rue perpendiculaire à celle du lycée de garçons.
Nous sommes conscients que toute catégorisation est une simplification, une caricature de la société surtout sur une période de 80 années. Ainsi la catégorie « propriétaires rentiers », importante au début de la période disparaît petit à petit. Mais le passage de la catégorie « autres » entre 1935 et 1938 de 33 à 127 uniquement pour le niveau collège permet de valider l’hypothèse du changement de public de l’établissement, un début de démocratisation de l’enseignement public dans les villes, avec la gratuité voulue par la loi de finances de 1930, au niveau de la sixième.
Derrière le problème de l’origine sociale des élèves, il faut évoquer la lutte que se livrent l’école publique et les institutions privées pour accueillir les garçons issus de familles privilégiées et assurer ainsi l’avenir de la République et la survie financière de l’établissement. Paul Gerbod écrit : « L’aristocratie entraîne dans son sillage la bourgeoisie. À Besançon, elles
envoient leurs enfants à l’Institution de Saint FrançoisXavier »188, au détriment du lycée. Les
186 Marlin Roger, 1964, op.cit., p. 325.
187 La circulaire ministérielle du 24 avril 1893 exempte de frais d’externat les enfants de professeurs et
d’instituteurs. Avant cette date, ils demandent des exonérations qui sont accordées si l’élève travaille bien.
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recteurs d’académie successifs incitent les chefs d’établissement de mettre en place une stratégie de conquête du public bisontin en exigeant la justification de toute baisse d’effectif. Cette politique se développe en intensifiant la surveillance des élèves.
L’objectif de ce travail statistique est de confirmer la réalité de cette école à deux vitesses, décrite par Antoine Prost. Les objectifs poursuivis par l’école secondaire sont différents de ceux de l’école primaire. La connaissance du public bisontin qui inscrit ses enfants au lycée est indispensable afin de comprendre leurs exigences et leurs attentes et percevoir les changements. Selon Jean Imbert, pour le Secondaire, « dans la période 1800
1880, il s’agit avant tout de donner une culture désintéressée aux enfants de la bourgeoisie »189. Si ces objectifs sont validés par les parents, alors ils inscriront leurs enfants dans le lycée pour une scolarité payante. Jacques Gavoille190 constate qu’en 1876, 48 % de la population du Doubs vit de l’agriculture et 33 % de l’industrie, soit une part plus importante que la moyenne française de 25 %. Besançon et Montbéliard concentrent les premières usines. De nouvelles professions apparaissent durant cette période. Elles émergent à partir du monde ouvrier, afin d’encadrer les ouvriers et employés, dans les usines : contremaîtres, chef d’atelier... Les attentes de ces personnes, ainsi que celles des petits commerçants qui se multiplient, sont différentes de la grande bourgeoisie et aristocratie établies. Ils sont dans l’accession au niveau de vie supérieur et sont prêts à faire des sacrifices, pour assurer une vie confortable à leurs enfants, mais, également, pour leur permettre d’accéder aux codes d’une classe sociale supérieure.
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La population accueillie au Lycée de BesançonLe lycée de Besançon se développe durant cette période. Il accueille de plus en plus d’élèves, ce qui nécessite des restructurations et agrandissements architecturaux. Le premier chiffrage trouvé date de 1812. Il recense 353 élèves (171 pensionnaires et 182 externes). Dans les mêmes locaux, le lycée reçoit, en janvier 1850, 331 élèves. Ils se répartissent de la manière suivante : 72 internes, 14 demipensionnaires, 192 externes et 22 externes en pensions ou institutions. En janvier 1889, le total est de 529 élèves, mais comme le montre le graphique, les effectifs varient suivant les conjonctures. La guerre de 1870 est responsable d’une baisse certaine, qui est très vite effacée, par l’arrivée d’élèves alsaciens et un renforcement de
189 Imbert Jean, « Introduction » in Bousquet Pierre et all., Histoire de l’administration de l’enseignement en
France. 17891981, Genève, Librairie Droz, 1983, p. 2.
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la conscience régionale. Le collège royal de Besançon est au contraire soupçonné en raison des opinions libérales affichées par certains enseignants »193.
Le collège catholique SaintFrançoisXavier ouvre le 5 novembre 1850, en face du lycée,
« dans l’intention avouée de le concurrencer »194. Dans le rapport de l’inspection générale 1861 :
« Le lycée de Besançon dont nous venons d’achever l’inspection se trouve dans une situation très difficile. D’une part les familles aristocratiques et à leur suite une partie considérable de la bourgeoisie trouvent de bon ton d’envoyer leurs enfants à l’Institution St FrançoisXavier qui est patronnée par le cardinal Mathieu. De l’autre, l’autorité municipale a fondé au commencement de cette année scolaire une École d’horlogerie […]. C’est là vous le voyez, une véritable école professionnelle semblable aux écoles annexes de nos lycées. Les enfants des ouvriers et contremaîtres y vont chercher un genre d’instruction qui, d’ordinaire, est donné dans les écoles de l’État. Ainsi privé de l’aristocratie et déserté par les enfants du peuple, le lycée de Besançon est réduit à une minorité qui va toujours diminuant »195.
Ce que confirme le recteur dans ses rapports au ministre : « L’influence cléricale est la
plus persistante, non sur les basses classes, mais sur les classes élevées et moyennes… »196. Critiquant l’attitude de monseigneur Mathieu, qui s’attire les bonnes grâces de l’élite bisontine : « Il ramène une croix de SaintGrégoire au préfet et celle de Pie IX au receveur
général. Les enfants de ce dernier sont élevés à l’Institution St FrançoisXavier »197. Le rapport de l’inspecteur général, en 1861, indique que sont également inscrits les enfants de l’ingénieur en chef du département, de l’ingénieur civil et du président du tribunal de première instance.
« Il est notoire que les familles qui tiennent le premier rang dans la ville de Besançon, et même celles de hauts fonctionnaires publics, envoient leurs enfants à SaintFrançoisXavier »198.
Cette rivalité est importante, les chiffres de 1858 pour le département du Doubs sont de 537 élèves pour le public contre 520 pour les établissements privés et pour Besançon, 353 élèves inscrits au lycée contre 270 pour l’institution SaintFrançoisXavier199. Cette lutte se poursuit durant toute la période. L’inspecteur d’académie, en 1877, confirme que la petite bourgeoisie inscrit ses enfants au lycée, mais « la grande fortune, les hauts fonctionnaires civils
193 Fiétier Roland, Histoire de la FrancheComté, Paris, Privat éditeur, 1977, p. 395. 194 Marlin Roger, 1964, op.cit., p. 350. 195 Archives nationales, F/17/7563, Inspection générale, rapport du 17 mai 1862. 196 Archives nationales, F/17/2649 : rapports trimestriels 18581863 197 Ibid. 198 Archives nationales, F/17/7563, Inspection générale, résumé des observations 1861. 199 AD Doubs, T323, procèsverbaux du Conseil académique : 18261861
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ou militaires envoient de préférence leurs enfants dans les deux grands établissements religieux de Besançon : les frères de Marie et le collège des Eudistes »200.
En 1885, le proviseur Bon écrit dans ses rapports bimensuels : « l’intérêt de la France
républicaine et l’intérêt de notre lycée est de soustraire à l’influence cléricale et d’attirer chez nous le plus grand nombre possible d’élèves »201. L’inspecteur d’académie s’émeut, en 1888, de la concurrence qu’il juge déloyale des écoles primaires confessionnelles202. En fixant un tarif de l’externat privé à la moitié de celui du lycée, les effectifs des petites classes ont chutés de moitié. À Besançon, cette rivalité entre public et privé est un élément structurant de l’école.