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1.1 Trauma et effroi

Le travail avec le trauma nécessite une bonne connaissance des termes différents y associés dans le domaine de la psychologie, mais également au niveau transculturel, car toutes les cultures possèdent des concepts afin de nommer l’innommable et penser l’impensable.

Commençons par le terme « effroi »25 qui, pour Laplanche et Pontalis (2009, p. 128), est la

« réaction à une situation de danger ou à des stimulations externes très intenses qui surprennent le sujet dans un état de non-préparation tel qu’il n’est pas à même de s’en protéger ou de les maîtriser ».

Étymologiquement, le terme « effroi » provient de la racine « paix » ; le préfixe ex- portant une valeur privative donne la signification suivante au terme : faire sortir de l’état de la paix (Le Petit Robert, 2012, p. 826). Freud (1920/2013) souligne l’importance de ne pas confondre les termes « angoisse » et « effroi », car leur rapport au danger n’est pas le même. L’effroi porte l’élément de surprise, le manque de préparation lorsqu’on est confronté à une situation dangereuse. Dans l’angoisse, il y a quelque chose qui protège contre l’effroi. La frayeur a une

signification différente (Le Petit Robert, 2012, p. 1098): du latin

classique fragorem, accusatif de fragor, « bruit éclatant, fracas, », dont le résultat phonétique normal était en ancien français frëor, « vacarme ». La notion renvoie à la fracture de serrure effectuée pour pénétrer dans une propriété et par analogie décrit la pénétration accidentelle ou violente et au sens figuré la violation d’un domaine réservé, mental, religieux ou artistique (Baubet, 2008). Selon Lebigot et Damiani (2011, p. 76), l’effroi est le moment repérable dans la clinique, où l’image traumatique fait effraction dans l’appareil psychique, et où l’individu « se sent vide de toute pensée ». L’effroi peut se prolonger quelques minutes, mais aussi des heures ou des jours. Le moment d’effroi, souligne Lebigot (2011), est capital par les symptômes qu’il engendre, en particulier la honte, le sentiment d’abandon et de déshumanisation.

La notion d’effroi existe dans plusieurs cultures et s’exprime par des mots spécifiques (Nathan, 1990). En bambara, le mot diatigé porte plusieurs significations, « dia » signifiant

ombre, âme, psyché, et « tiga » signifiant le mot « coupé ». Diabatigé désigne les terreurs

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nocturnes résultant d’une rencontre avec un être surnaturel, un sorcier ou l’âme d’un défunt. En wolof, la phrase « sama fit dem na » signifie : « mon âme s’est échappée de mon corps ». La langue arabe a plusieurs expressions, le mot sar’ venant de l’arabe littéraire, dérivé d’un verbe signifiant déraciner, extraire violemment de son élément. Ce mot était utilisé dans la médecine arabe au Moyen Âge, désignant les syndromes comportant une agitation désordonnée du corps, interprétée comme épilepsie, hystérie ou possession. L’autre

expression, khal’a, décrit des pathologies diverses, qui sont des réactions défensives contre

l’environnement. En hongrois, le mot « effroi » n’est pas utilisé en relation avec le trauma, mais ce concept resurgit dans un proverbe hongrois souvent utilisé : « Mieux vaut la peur que l’effroi », impliquant l’idée que la peur protège l’individu de l’effroi. Ce dernier est toujours

de l’ordre de l’imprévu et de la surprise. Selon Nathan(1990) dans ces langues différentes, le

mot « frayeur » alterne entre deux types de significations étiologiques. La première décrit la rencontre du sujet avec un univers qui est radicalement différent de son propre univers habituel, qui provoque une effraction. La seconde parle de l’extraction du noyau du sujet hors de son enveloppe protectrice. Les expressions différentes dans diverses langues portent alors ces deux aspects du mot « frayeur ». Les pathologies liées à la frayeur ne sont pourtant pas

identiques26. Dans son article « Effroi, un regard transculturel », Baubet (2012) décrit

plusieurs troubles dans des cultures diverses, dont l’effroi est responsable. L’auteur souligne que certaines des théories évoquent la possibilité d’une transmission de la frayeur, et ceci, souvent envers les êtres plus vulnérables, comme les enfants. Pour cette transition, il est nécessaire qu’il existe un lien privilégié. La frayeur est pensée comme transmissible aux membres du groupe et à travers les générations.

Le terme « trauma » vient du mot grec signifiant blessure, dérivant d’un mot signifiant percer, provoquer une blessure avec effraction. Le mot « traumatisme est réservé aux conséquences sur l’ensemble d’un organisme, d’une lésion résultant d’une violence extrême » (Laplanche et Pontalis, 2009, p. 499). Les enquêtes récentes sur l’étymologie du mot « trauma » (Papadopoulos, 2002) ont ouvert de nouvelles perspectives intéressantes. Celles-ci montrent que le verbe à l’origine du mot « trauma », titrosko (percer), provient en effet du

verbe teiro, signifiant « frotter ». Il avait, en grec ancien, deux connotations : frotter ou

masser et effacer. Par conséquent, le trauma est une marque produite par quelque chose qui

s’est frotté sur la personne. En ce qui concerne les deux formes de teiro (frotter/masser et

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26 En Afrique, il s’agit plutôt des pathologies bruyantes, et chez les Amérindiens, ce sont plutôt des états

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effacer), deux acceptions peuvent être dégagées : d’une part, frotter/masser une blessure ou une cicatrice sur la personne ; d’autre part, effacer, c’est-à-dire nettoyer une surface portant des marques. Cette deuxième acception (effacement), selon Papadopoulos (2002), n’est pas une invention linguistique ou une abstraction théorique mais une correspondance avec la réalité, lorsque des personnes, suite à un événement douloureux (traumatique), ont été secouées et prennent progressivement conscience que leur perception du monde et d’elles-mêmes a changé. Par exemple, elles apprécient plus la vie, les amitiés et la convivialité que la recherche des choses futiles et insignifiantes. Cette deuxième signification du trauma (l’effacement, avec pour résultat l’acquisition de nouvelles perspectives de vie) est plus imperceptible mais pas moins connue, ainsi que le souligne Papadoupoulos (2002).

Le terme de « névrose traumatique » reste ambigu, et même les termes de « trauma » et « traumatisme » sont souvent utilisés comme synonymes dans le monde médical. Il est cependant important de distinguer le traumatisme du trauma. Le traumatisme est l’événement qui frappe le sujet alors que le trauma est l’effet produit par cet événement répercuté sur le sujet. C’est Oppenheim qui, en 1888, utilise en premier le terme « névrose traumatique » (traumatischen Neurosen) comme une entité autonome, provoquée par un effroi entraînant un ébranlement psychique intense, aboutissant à une altération psychique durable » (Oppenheim, 1889). Chez ses patients, il constate les symptômes suivants qui, selon lui, sont d’origine somatique : la persistance des souvenirs obsédants de catastrophes, des troubles du sommeil, des cauchemars à répétition, des phobies nouvelles en lien avec l’événement, ainsi qu’une labilité émotionnelle.

1.2 Le début – Pierre Janet

En France, c’est Pierre Janet qui, en 1889, est le premier à cerner ce qu'est le traumatisme psychique, dans l'automatisme psychologique. Il définit ce dernier comme une excitation liée à un événement violent qui vient faire effraction dans le psychisme. Ces excitations demeurent dans le psychisme comme un « corps étranger ». Ce corps étranger donne lieu à

une dissociation de la conscience. Janet affirme que les événements non intégrés sont

dissociés de « l’expérience psychologique normale » et forment ce qu'il appelle la « subconscience », où se regroupent les processus psychiques qui n'ont pas accès à la conscience. Le souvenir de cet événement sous forme de sensations, d'images (que Janet

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(1895) appelle « les idées fixes ») resterait dans un coin du préconscient et engendrerait des manifestations psychiques ou psychomotrices inadaptées, comme les cauchemars ou les hallucinations (Crocq, 2007). L'état mental dans lequel se trouvent ses patients traumatisés se caractérise par le fait qu'il est impossible pour eux de se détacher du souvenir du traumatisme qui ne serait ni oublié, ni dissimulé, mais qu’il y aurait une « impuissance pour le patient à se rendre compte de ce qui se passe en lui et à s'exprimer lui-même » (Crocq, 1999, p. 239). Le concept d’idée fixe est expliqué par deux images : « le symptôme de l'accrochage » et « le discours intérieur de la sentinelle ». Le premier explique que les personnes traumatisées restent accrochées à quelque chose qu’elles n’arrivent pas à dépasser, et c’est la raison pour laquelle le cours de leur existence semble s'être arrêté. Ce phénomène est lié à un défaut de mise en mots de la situation. La deuxième image, le discours intérieur de la sentinelle, signifie pour Janet le pouvoir protecteur d'un discours intérieur lors de l'événement. Janet utilise la parabole de la sentinelle : un soldat envoyé en sentinelle pour surveiller l'ennemi doit être capable de donner des renseignements à son chef. Selon Janet, ce soldat réussit à maîtriser son angoisse grâce à un discours intérieur, qui lui permet d'occuper son esprit, et de contrôler la situation en l'objectivant. Janet souligne que la situation traumatique pourrait être éliminée dans le cas où le travail de discours interne a été fait.

Janet distingue la « mémoire de l'hallucination », qui fait revivre l'idée fixe de façon répétitive, et le « travail positif de mémorisation », permettant au sujet d'assimiler l'événement grâce à une opération de langage. Janet préconise l'hypnose comme appui thérapeutique. L’hypnose fait d’abord remonter à la surface l'événement traumatique, et ensuite, une fin heureuse lui est associée. Le langage est utilisé pour faire des souvenirs bruts des souvenirs construits.

En France, c’est aussi l’époque où Charcot présente des patients dont certains ont subi des accidents. Charcot ne voit pas de pathologie qui soit spécifiquement liée à de tels événements, et ces patients sont pour lui des hystériques, quelques-uns souffrant de neurasthénie ou d’hystéro-neurasthénie (Freud et Breuer, 1893/1956). Freud a assisté aux leçons de Charcot et s’est beaucoup inspiré de lui.

1.3 Freud

La question du trauma est au centre de la théorie psychanalytique chez Freud et a été repensée plusieurs fois dans ses travaux. Dans la période entre 1895-1905 (Laplanche et

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(1895/1956), Freud fait appel au modèle énergétique du psychisme, l’excès et le défaut des excitations induisant des troubles différents. Durant cette période, Freud théorise ce qu'il a appelé la théorie de la séduction pensée sur le mode de l'effraction. Selon cette théorie, le souvenir de scènes réelles joue un rôle déterminant dans l’étiologie des psychonévroses. Exposant le cas de sa patiente, Emma Eckstein, Freud (1956/1979) analyse la phobie anxieuse de la jeune femme qui craint d’entrer seule dans les magasins. Elle explique ce symptôme par un souvenir d’adolescence : à douze ans, alors qu’elle se trouvait dans un magasin, elle a entendu le rire de deux jeunes hommes et en a été traumatisée. Elle garde en mémoire l’un des deux. Au moment où elle les a vus rire, elle a été saisie d’effroi et s’est précipitée hors du magasin. Elle se souvient avoir pensé qu’ils se moquaient de ses vêtements, et que l’un des deux hommes lui plaisait. Cet événement paraît incompréhensible et incohérent. À travers l’association d’idées, Freud découvre un deuxième traumatisme de sa patiente. Celui-ci remonte à ses huit ans, époque où elle a été abusée par un épicier de son quartier, qui lui a pincé l’organe génital à travers ses vêtements. Cette scène s’est reproduite une deuxième fois. Emma s’est reproché d’être retournée dans l’épicerie, comme si cet attouchement était de sa faute. Donc, un sentiment de mauvaise conscience est attaché à ce souvenir. Cette scène avec l’épicier porte en elle une excitation non métabolisable psychiquement et est connotée sexuellement dans la période d’adolescence. La première scène (celle du magasin) peut être comprise à travers la seconde (celle avec l’épicier). L’évènement violent, intraitable par le psychisme du jeune enfant, viendrait s’inscrire dans le sujet comme un corps étranger, d’où vient le terme d’effraction. Dans cette théorie de la séduction, Freud explique que les événements sexuels infantiles n'induisent pas de pathologies immédiatement, même s'ils sont très traumatisants. Freud parlera alors « d'après-coup ». Il met l’accent sur la représentation de l’évènement, et pas sur l’évènement en soi. Plus tard, en abandonnant l’hypnose et certains aspects théoriques, il va repenser la notion du trauma, cette fois-ci en se focalisant sur la névrose en deux temps : le souvenir refoulé ne devient traumatique que parce qu’il est interprété après-coup, dans un deuxième temps (Laplanche, 2006). La scène (I), advenue au moment de la puberté, livre le sens de la scène (II), qui était restée incompréhensible pour le sujet. Le présent éclaire le passé. En effet, c’est un processus de maturation biologique – la puberté – qui fait le souvenir d’une scène (I), qui est accueilli par un psychisme et un organisme différents de ceux qui ont accueilli la scène (II) elle-même. Donc, une fillette qui est pubère comprend après-coup le sens sexuel qu’avaient les gestes de la scène (II). La scène devient traumatique parce que c’est son

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souvenir qui traumatise. Son souvenir traumatise parce qu’il provoque plus d’excitation que la scène elle-même, et aussi parce que cette excitation vient de l’intérieur. « Traumatisme en deux temps, cela veut dire aussi que tout traumatisme, finalement de par son second temps, est auto-traumatisme, traumatisme interne » (Laplanche, 2006, p. 51). À la question de la causalité du symptôme, Freud analyse donc le repérage d’une temporalité, d’un rapport au temps propre à la psyché. « (..) Ce qui est premier est tout aussi bien ce qui est second, il n’y a de « premier » que parce qu’il y a un « second » ou encore le « premier » n’est ni le « premier » ni le « second », mais leur rencontre dans une détermination réciproque » (Balestriere, 2008, p. 128). Suite au développement de l’après-coup, dans la période entre

1905 et 192027, Freud retrace le « développement sexuel infantile ». Il met en avant les

différents stades par lesquels passe un enfant, notamment dans son ouvrage Trois essais sur la théorie sexuelle (1905/1987). Il propose d'expliquer l'évolution de l'enfant à travers des caractères pulsionnels d'ordre sexuel qui vont muter et passer par plusieurs stades pour aboutir à la sexualité génitale. Il élabore également la métapsychologie, en termes de développement sexuel infantile et de théorie de la libido. Il introduit l’idée que les situations traumatiques paradigmatiques sont liées aux « fantasmes originaires » et aux angoisses afférentes, comme à l’angoisse de séduction, castration, scène primitive, complexe d'Œdipe ; le traumatisme est en rapport avec la force pressante des pulsions sexuelles et la lutte que leur livre le Moi. Tous les conflits et tous les traumatismes sont envisagés par référence aux fantasmes inconscients et à la réalité psychique interne ; il ne s’agit plus d’une réalité externe. En avançant dans ses travaux, Freud abandonne la théorie de Neurotica mais pas le sujet du trauma, et il y reviendra plusieurs fois dans sa vie ; ce thème va prendre « une nouvelle dimension du fait qu’il devient un concept emblématique (métaphorique) des apories économiques de l’appareil psychique » (Bokanowski, 2001). À partir de 1920, le traumatisme est redéfini comme « une effraction du pare-excitation ». Le pare-excitation est décrit comme une sorte d'appareil protecteur qui filtre les excitations dont l'intensité pourrait endommager la psyché. Ce qui fait le traumatisme est bien l'incapacité de l'appareil psychique à évacuer une surcharge pulsionnelle. Le monde interne du sujet, le monde externe, le pare-excitation qui est à la frontière psychique entre le moi et le monde extérieur se trouvent liés : le traumatisme est une expérience de détresse, provoquée par l'effraction du pare-excitation. Le traumatisme représente une « effraction du pare-excitation » (Freud, 1920/2013) : l’Hilflosigkeit, c’est-à-dire la détresse du nourrisson, devient le paradigme. Cela signifie une

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angoisse par débordement, lorsqu’une effraction quantitative – externe ou interne – est tellement importante que le moi ne peut plus se protéger. Le moi n'a plus la capacité de lier les quantités d'excitation se présentant à lui, qu'elles soient d’origine interne ou externe. Le principe de plaisir, dont le rôle serait d'évacuer cet excès, serait mis à mal par la violence d'un trauma. Freud soulignera que l'angoisse n'a pas fonctionné comme signal d'alarme et que les fonctions défensives n'ont pu se mettre en place. Cela entraînerait un débordement énergétique du Moi, qui devient incapable de maîtrise (Freud, 1920/2013). Le principe de plaisir est attaqué par l'envahissement des excitations dans l'appareil psychique. Le traumatisme se définit alors comme une situation d’excès qui se manifeste comme une compulsion de répétition et rendant justement la régulation du principe de plaisir impossible. Vers la fin de la vie de Freud, le trauma fait retour dans son travail, mais cette fois-ci, il est lié à la notion de la perte d’objet. Dans le deuxième chapitre, au-delà du principe de plaisir (1920/2013), Freud propose une réflexion sur le mode de travail de l’appareil psychique à partir du jeu des enfants. À travers un jeu qu’il appelle le « fort-da », le petit garçon met en scène la séparation d’avec sa mère. En fait, ce jeu consiste à lancer plusieurs fois un objet avec une ficelle en prononçant « o-o-o-o », signifiant fort (parti), puis à le récupérer en disant « a-a-a-a-a », en allemand da (voilà), qui exprime sa satisfaction de retrouver l’objet. Il met donc en scène les moments pénibles liés aux départs répétés de la mère et à ses retours. Selon Freud, l’enfant s’inscrit dans une posture active en répétant cet événement par le jeu, au lieu de subir le départ de sa mère. Ainsi, cet enfant peut devenir indépendant à l’égard du caractère plaisant ou déplaisant du souvenir (le départ de la mère). Cependant, il existe une autre interprétation : lorsque l’enfant jette l’objet, il satisfait un désir de vengeance envers sa mère. À partir de l’observation de ce jeu, Freud déduit que si l’enfant répète une impression désagréable, c’est parce qu’un gain de plaisir est lié à cette répétition. Les enfants répètent tout ce qui les a marqués dans leur vie. Freud met donc en évidence une compulsion chez l'humain à vouloir répéter des expériences déplaisantes. Le principe de plaisir est ainsi lui-même attaqué par l'envahissement des excitations dans l'appareil psychique. Le traumatisme est une situation d’excès : il se manifeste comme une compulsion de répétition et rend justement la régulation du principe de plaisir impossible. Freud parle alors de l'existence d'une pulsion de mort (Thanatos), qui met ce phénomène de répétition en action et qui ramène l'organisme à un état antérieur, avant que la tension ne soit intervenue. Cette compulsion de répétition est caractéristique de la névrose traumatique.

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Les dernières considérations de Freud concernant le sujet du trauma se trouvent dans Moïse et le Monothéisme (1939/2011). Freud parle de deux effets du trauma. D’abord, il y a des effets positifs, « des efforts pour remettre en vigueur le trauma, donc pour remémorer l’expérience vécue oubliée, ou encore mieux, pour la rendre réelle, pour en vivre de nouveau une répétition » (1939/2011, p. 80). Ces effets sont regroupés en tant que fixation et névrose d’une contrainte de répétition. Quant aux effets négatifs, ils poursuivent le but opposé : il s’agit de l’oubli. Rien ne doit être répété ou remémoré. Ceux-ci sont regroupés sous le nom de « réactions de défense » ; ils s’expriment par des évitements et se manifestent par des inhibitions et des phobies.

1.4 Ferenczi

« Je devais donc sans cesse me poser la même question : est-ce que la cause de l’échec est toujours la résistance du patient, n’est-ce plutôt notre propre confort qui dédaigne de s’adapter aux particularités de la personne elle-même, sur le plan de la méthode ? »

(Ferenczi, 1932/1985, p. 142).

Dans les années vingt et trente, Sándor Ferenczi avait la réputation d’accueillir les patients les plus difficiles. Doué d’un esprit créatif et novateur, il tira des réflexions à la fois théoriques et techniques d’une grande originalité, renouvelant la question du traumatisme. Sa sensibilité

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