Une expérimentation de compostage est difficilement réalisable à petite échelle, les conditions optimales étant obtenues pour des andains de taille respectable (Pipet, en cours d’édition), comme réalisés sur la plate forme de Loire Compost Environnement. La collaboration de l’équipe scientifique avec ce type de structure est donc indispensable à la mise en place d’une
expérimentation. Cependant, elle nécessite la participation d’un agent extérieur à la plate forme, en charge de l’expérimentation. En effet, malgré un investissement de l’exploitant de Loire Compost Environnement dans le projet de compostage de la Jussie en 2004, il manque quelques données essentielles pour la caractérisation exacte du compostage de Jussie (analyse agronomique des intrants et extrants, quantités exactes de structurant apportées en mélange à la Jussie et des produits issus du compostage notamment). Toutefois, il est à souligner que l’exploitant de la plate forme est amené à gérer des flux annuels de produits sur la plate forme : il n’est pas nécessaire pour lui d’effectuer le bilan matière de chacun des andains qu’il met en compostage. D’ailleurs, le produit de criblage est systématiquement accumulé puis recyclé dans un même tas de compost.
Enfin, des tests de germination spécifiques au compost de Jussie doivent être réalisés. Pour Loire Compost Environnement, le besoin de compost par l’exploitant pour la fertilisation de ses terres n’a pas permis d’avoir le temps et le volume nécessaire pour réaliser ces tests en 2004.
Comme, la mise en place d’une expérimentation de compostage ne peut pas se faire sans l’aide d’une plate forme de compostage, afin de se rapprocher au maximum des conditions réelles du traitement ainsi que de s’assurer de la cohérence du protocole grâce au savoir faire de l’exploitant, la mise en place d’un protocole d’expérimentation devra prendre en compte au minimum les éléments suivants.
5.1 Mesures à réaliser
5.1.1 Analyse quantitative pour un bilan matière
Les quantités de déchets d’espaces verts et de Jussie devront être pesées séparément avant tout mélange pour chaque andain. Les quantités de produits finis (compost et refus de criblage) devront aussi être déterminées spécifiquement pour chaque andain expérimenté.
5.1.2 Analyse qualitative
Les analyses agronomiques de tous les matériaux en jeu dans le processus du compostage devront permettre d’établir les bilans matières sur produit sec et sur la matière organique. Seuls ces bilans permettront d’avoir une vision rigoureuse et critique de la qualité du compostage. De plus, elles devront permettre de connaître les caractéristiques des intrants et d’optimiser le mélange structurant / Jussie à tester. Enfin, elles devront permettre d’estimer les qualités de l’amendement obtenu à partir du compostage de la Jussie. Des répétitions de mesures sont à envisager afin de pouvoir intégrer la notion de variabilité de la qualité des différents matériaux.
Ceci suppose d’avoir des possibilités de séparer les structurants selon leur nature.
5.1.3 Tests de germination et de viabilité des graines de Jussie
La viabilité des graines de Jussie doit être testée de différentes manières afin de permettre de caractériser rigoureusement le risque pris lors du compostage de la plante. Trois types de test peuvent être proposés.
¾ Germination de Jussie sur des échantillons de compost : les tests peuvent être réalisés tels que le prévoyait le protocole développé par AGRO DEVELOPPEMENT. Le potentiel de présence et de viabilité des graines est mesuré sur des échantillons de compost en pot, en mélange avec différentes proportions de terreau et en conditions favorables au développement de la Jussie, en maintenant une forte humidité dans au moins une partie des pots.
¾ Viabilité des graines de Jussie dans un andain : la viabilité d’une graine dans un andain en compostage et ses caractéristiques létales (température et temps d’exposition minimums) peuvent être déterminées. Comme le propose Tompkins et al. (1998), Grundy et al. (1998), Eghball & Lesoing, (2000) ou encore Larney & Blackshaw (2003), des filets à mailles fines contenant des graines de la plante à analyser peuvent être insérés dans l’andain, à différentes profondeurs. A intervalles de temps prédéfinis, des tests de viabilité (méthode chimique) et de germination (test en pot) des graines sont réalisés en laboratoire.
¾ Test en plein champ : la seule façon de s’assurer de l’innocuité totale du produit est d’utiliser l’ensemble du tas de compost sur une (ou un groupe de) parcelle(s). Le compost pourrait être utilisé sur une zone à risque (zone humide) sans présence préalable de Jussie et le potentiel de repousse mesuré. Cependant, le risque environnemental lié à ce type d’expérimentation est important et ce type d’expérience ne serait à envisager que si l’hypothèse de viabilité des graines s’est déjà révélée négative aux deux tests précédents ; dans ce cas, un suivi détaillé de la flore adventice sera à réaliser avec des spécialistes capables d’identifier la Jussie dès ses premiers stades.
5.2 Paramètres à étudier
5.2.1 L’espèce de Jussie
L’espèce de Jussie ne joue probablement pas sur la qualité du compost. Par contre, elle influence le risque de dissémination de la plante. Des andains contenant uniquement l’une ou l’autre des deux espèces doivent pouvoir répondre à deux objectifs :
• des graines de Ludwigia peploïdes sont-elles encore viables à l’issue du compostage ?
• Ludwigia uruguayensis ne présente-t-elle aucun risque de germination par rapport au site d’arrachage ?
5.2.2 Technique mise en œuvre
Les techniques de compostage mises en œuvre peuvent jouer sur les temps de compostage et l’hygiénisation du compost. Afin de trouver la technique optimale pour assurer l’innocuité du compost, différentes techniques doivent être expérimentées, et notamment :
• l’influence d’un pré stockage de la Jussie sur les paramètres de contrôle du compostage ;
• l’étude du système d’oxygénation de l’andain, soit en retournement simple (sous différents rythmes de retournement), soit en retournement et aération contrôlée ;
• l’efficacité de la pause d’une bâche sur l’andain pour maximiser l’hygiénisation du produit en compostage.
5.2.3 Proportion de Jussie
L’étude de la proportion de Jussie dans le tas en compostage doit répondre à deux objectifs :
• quelle est la proportion maximale de Jussie permettant encore un compostage convenable de la matière organique ?
• à partir de quelle proportion de Jussie le risque de survie des graines devient-il positif ? Le développement d’un protocole d’étude de ce paramètre est directement lié aux caractéristiques du structurant employé ainsi qu’au type de Jussie récolté (période de récolte, pré
séchage,…). L’expérimentateur devra adapter ces proportions en fonction de la qualité des intrants par l’analyse des paramètres teneur en eau, rapport C/N et pH pour se rapprocher des optimums de compostage.
5.3 Conclusion
Le protocole qui sera développé doit être suivi rigoureusement et implique que l’exploitant de la plate forme s’engage personnellement. Cependant, il est clair que ce type d’expérimentation est contraignant et difficile à appliquer sur une plate forme de compostage qui doit gérer des flux importants de matière et répondre à des objectifs de rendement. Le dégagement d’une zone expérimentale sur la plate forme et l’utilisation des équipements peut engendrer des contraintes techniques et financières. L’organisme chargé de l’expérimentation pourra être amené à réfléchir à des compensations pour l’exploitant de la plate forme.
Tous les paramètres présentés ci-dessus ne pourront probablement pas être étudiés lors d’une même expérimentation, à moins de pouvoir réaliser un nombre d’andains de compostage élevé représentatif de l’ensemble des situations rencontrées. Le croisement de trop de paramètres d’étude (espèces de Jussie, technique mise en œuvre, proportion de déchets d’espaces verts incorporés,…) sur un nombre réduit d’andains en expérimentation risquerait d’aboutir à des données peu interprétables alors que les moyens mis en œuvre auront été importants. Il est donc préférable d’envisager l’étude de paramètres jugés prioritaires.