• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ DANS UN CONTEXTE DE

1.3. Cadre réglementaire pour la protection de l’environnement lors d’un conflit armé

1.3.2. Le Protocole I de Genève (1977)

Alors que la Convention ENMOD interdit la guerre « géophysique », le Protocole I de Genève (1977) s’attaque à la guerre « écologique » (Dorsouma et Bouchard, 2010). Le Protocole contient notamment deux dispositions-clés qui traitent des dangers que constitue la guerre pour l’environnement :

« La guerre sera conduite en veillant à protéger l’environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves. Cette protection inclut l’interdiction d’utiliser des méthodes ou moyens de guerre conçus pour causer ou dont on peut attendre qu’ils causent de tels dommages à l’environnement naturel, compromettant, de ce fait, la santé ou la survie des populations » (Protocole I de Genève, art. 55 al. 1)

« Les attaques contre l’environnement naturel à titre de représailles sont interdites. » (Protocole I de Genève, art. 55 al. 2)

À l’instar de la Convention ENMOD, le Protocole I de Genève a ses limites en termes d’application puisqu’elle se restreint aux États l’ayant ratifié (Fauteux, 1992). De surcroit, les termes « dommages étendus, durables et graves » sont une fois de plus employés et leur imprécision nuit à l’atteinte les objectifs de protection de l’environnement en temps de guerre (Dorsouma et Bouchard, 2010; Tignino, 2011). Par exemple, la destruction de raffineries et d’installations industrielles situées au bord du Danube par les forces de l’OTAN (Organisation

du traité de l’Atlantique Nord) au Kosovo en 1999 avait mené à l’échappement de substances polluantes dans ce cours d’eau et dans les nappes phréatiques à proximité (Tignino, 2011). Malgré ces observations, la Commission qui avait été mise en charge par les Nations Unies d’enquêter sur ce cas en était venu à la conclusion que l’OTAN ne pouvait être poursuivie, faute de données scientifiques et de précision quant à la signification des « dommages étendus, durables et graves » (Tignino, 2011).

1.3.3. Le droit coutumier

Le droit coutumier peut également contribuer de façon indirecte à protéger l’environnement lors des conflits armés. En effet, trois règles du droit de la guerre en particulier peuvent être invoquées à cet effet : le principe de proportionnalité, le principe de nécessité et le principe de distinction. Le premier consiste à limiter les méthodes et les moyens de guerre afin d’éviter qu’ils soient disproportionnés par rapport à l’avantage militaire recherché. Le second exige que ne soient prises que les mesures nécessaires permettant l’atteinte des buts de la guerre. Enfin, le troisième demande de faire une distinction entre les objectifs militaires et civils (Fauteux, 1992). Ces règles du droit de la guerre sont toutefois difficiles à faire appliquer en période de conflit armé (Dorsouma et Bouchard, 2010). Un exemple est celui de la guerre du Golfe lors de laquelle l’Irak a provoqué des marées noires ainsi que la mise à feu d’installations pétrolières au Koweït. Selon la communauté internationale, le désir de vaincre ne justifiaient en rien les actes posés par les Irakiens, c’est-à-dire que ces actes n’étaient pas « impérativement exigés par les nécessités de la guerre » (Fauteux, 1992).

Chapitre 2

Portrait de l'Afrique centrale

2.

Selon le Fund for Peace (FFP), plusieurs pays d’Afrique centrale sont exposés à un risque élevé d’effondrement du gouvernement et de la société. De plus, les risques d'’éclatement d’un conflit y sont accrus. On dit de ces États qu’ils sont défaillants (FFP, 2013). Les analyses du FFP sont basées sur un indice calculé annuellement : l’Indice des États défaillants, connu en anglais sous le nom de Failed States Index (FSI; figure 2.1). L’indice est composé de 12 indicateurs sociaux, économiques, politiques et militaires. Les résultats obtenus en 2013 par les pays d’Afrique centrale pour chacun de ceux-ci sont disponibles à l’annexe 2.

Figure 2.1 Cartographie des résultats de l’IED pour l’année 2013. L’Afrique centrale est encerclée.

Adapté de : FFP (2013)

En Afrique centrale, le risque d’éclatement s’est matérialisé au cours des années par des conflits violents dont certains perdurent encore aujourd’hui. C’est notamment le cas en RDC,

au Rwanda et en République centrafricaine (RCA; Uppsala Data Conflict Program, 2012). Le contexte d’insécurité et d’instabilité politique dans la région, couplé à l’impressionnante richesse biologique qui la caractérise, en font un lieu particulièrement adapté à l’étude des stratégies de conservation de la biodiversité dans un contexte de conflit armé. C’est pourquoi cette région a été retenue.

Ce deuxième chapitre brosse un portrait de l'Afrique centrale, permettant ainsi une meilleure compréhension du contexte régional. Les limites géographiques de la région sont d'abord définies et un bref aperçu de la situation socio-économique des pays concernés est présenté. Par la suite, il est question de la diversité biologique de la région et des efforts déployés pour la conserver. Enfin, les activités d'importance majeure pour les populations humaines et pour l'économie régionale, mais qui constituent aussi des menaces pour le maintien de la biodiversité, sont abordées.

2.1. Définition de la région et contexte socio-économique

Le continent africain est divisé en cinq régions géographiques principales (figure 2.2) : l'Afrique du nord, l'Afrique de l'est, l'Afrique de l'ouest, l'Afrique centrale et l'Afrique du sud (United Nations, 2012). Les délimitations géographiques de ces régions varient grandement en fonction des sources consultées. Les Nations Unies, à des fins statistiques et sans considérer d’aucune manière une quelconque affiliation politique ou autre de la part des pays (United Nations, 2010), considèrent que l'Afrique centrale, la région à l'étude, est constituée des neuf pays suivants : l'Angola, le Cameroun, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine (RCA), la RDC, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad (United Nations, 2012). De son côté, l'Observatoire des Forêts d'Afrique Centrale (OFAC) définit cette même région de façon relativement similaire, mais en exclut l'Angola et y intègre le Burundi et le Rwanda (OFAC, s.d.). Aux fins de ce travail, le territoire désigné "Afrique centrale" est composé de l'agglomération des 11 pays désignés par les Nations Unies et l'OFAC.

Figure 2.2 Les cinq sous-régions du continent africain telles que définies à l'origine par les Nations Unies (United Nations, 2012), mais où le Burundi et le Rwanda ont été joints à l'Afrique centrale (*).

Modifié de : Wikipedia (2013)

En 2011, la région abritait un peu moins de 150 millions de personnes (The World Bank, 2013). Le tableau 2.1 présente différentes données d'intérêt au niveau de la démographie, de l'économie et du développement humain de chacun des 11 pays en question pour l’année 2011 ou 2012, selon le pays. Celles-ci mettent en relief des différences importantes d'une nation à l'autre. Tout d'abord, le revenu net brut par habitant (RNB/habitant) exprimé en fonction de la parité du pouvoir d'achat (PPA) est extrêmement variable avec un minimum de 340 $ en RDC et un maximum de 25 620 $ en Guinée équatoriale. De la même façon, l'indice

du développement humain (IDH) varie entre 0,304 en RDC et 0,683 au Gabon. La densité de population dans la région est à son minimum au Gabon où l'on compte 6 habitants/km² et atteint un maximum d'environ 444 habitants/km² au Rwanda. Enfin, c'est aussi au Gabon que l'on observe la plus grande proportion de la population vivant en milieu urbain (86,1 %), alors qu'au Burundi, un peu moins de 12 % de la population du pays est établie dans les villes. Il est important de mentionner que ces données ne peuvent rendre compte à elles seules de la situation économique et du niveau de développement des pays de la région. Par exemple, le peuple guinéen vit encore dans des conditions de pauvreté même si le pays a le RNB/habitant le plus élevé de la région (S. Calmé, comm. personnelle). Malgré tout, ces statistiques fournissent un aperçu intéressant de la variabilité existante.

Tableau 2.1 Données sur la démographie, l’économie et le développement humain des 11 pays d'Afrique centrale.

Pays RNB/habitant

($ PPA)1 IDH

2 Population

totale1 Densité population (habitant/km²)1 Population urbaine (%)1 Angola 5 230 0,508 19 618 432 15,7 59,1 Burundi 610 0,355 8 575 172 333,9 10,9 Cameroun 2 330 0,495 20 030 362 42,4 52,1 Gabon 13 740 0,683 1 534 262 6,0 86,1 Guinée équatoriale 25 620 0,554 720 213 25,7 39,5 RCA 810 0,352 4 486 837 7,2 39,1 RDC 340 0,304 67 757 577 29,9 34,3 République du Congo 3 240 0,534 4 139 748 12,1 63,6 Rwanda 1 270 0,434 1 942 950 443,6 19,1 Sao Tomé et Principe 2 080 0,525 168 526 175,5 62,7 Tchad 1360 0,340 11 525 496 9,2 21,8

1 Pour l'année 2011. Source : The World Bank (2013) 2 Pour l'année 2012. Source : PNUD (2012)