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4.4 Evaluation des services de régulation

4.4.4 Protection et stabilisation côtière

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augmentation des événements extrêmes, changement de températures, élévation du niveau de la mer : autant d’impacts du changement climatique qu’il est nécessaire d’intégrer dans les politiques de gestion des risques(De Cacqueray et Rocle, 2015) ; (Office de l’Eau Martinique, 2014). Les mangroves peuvent constituer une solution naturelle d’adaptation au changement climatique. Elles aussi sont toutefois menacées par ces impacts (cf illustration ci-dessous). La montée des eaux peut entraîner une modification de la composition végétale de la mangrove, la disparition de certaines espèces et la perte de fonctionnalités écologiques tandis que l’intensification des cyclones peut mener à la destruction des palétuviers (Comité de Bassin de la Martinique, 2015).

Illustration 11: Schéma en coupe de l'évolution de la Baie de Génipa à l'horizon 2100. Auteur : C. Yvon (Source : De Cacqueray et Rocle, 2015)

A travers le monde, de nombreux programmes de restauration se montent pour replanter et restaurer de la mangrove afin qu’elle protège la côte. Elle constitue ainsi une solution douce d’adaptation au changement climatique (UNEP et al., 2014). Des opérations de replantage ont par exemple déjà eu lieu en Guadeloupe (à Petit-Bourg notamment) ; il est cependant difficile de replanter de la mangrove et de récréer une diversité d’espèces et un réseau racinaire capable de protéger efficacement la côte (De Cacqueray, 2015).

Evaluation économique de ce service

Deux méthodes économiques sont encore ici mobilisables pour évaluer le service de protection de la côte par les mangroves : la méthode des coûts évités et la méthode des coûts de remplacement. La mobilisation de ces deux méthodes à l’échelle de la Martinique exige cependant des données et des exercices de modélisation que nous ne pouvons mener pour cette étude.

- Approche par les coûts évités

Quels seraient les dommages causés par des submersions marines ou des événements extrêmes si les mangroves de Martinique n’existaient pas ou n’assuraient aucune fonction écologique ? C’est la question à laquelle vise à répondre cette approche. Pour pouvoir y répondre, il est nécessaire de connaître le coût socio-économique des catastrophes (bâti impacté, destruction d’activités, dommages humains, etc.) avec la présence des mangroves et sans elles pour calculer le différentiel. Or, les connaissances sur les risques associées aux événements naturels et le rôle de la mangrove ainsi que le chiffrage économique des dommages sont encore trop partiels pour mener un tel exercice.

Un travail de modélisation a été mené par Pascal Saffache sur les conséquences de l’élévation du niveau de la mer dans les Antilles. Il a notamment modélisé l’augmentation du niveau de l’eau dans la Baie de Génipa, en présence ou non de mangroves et son impact sur des épisodes de submersion marine (Saffache, 2016) (cf Illustration 12.). Il ne permet cependant pas de définir avec précision les dommages liés à ces submersions marines et les coûts économiques liés. L’état de santé de la mangrove de la Baie de Génipa, déjà aujourd’hui classée comme zone vulnérable, ne permet également pas d’avancer que la mangrove sera capable d’assurer sa fonction d’atténuation des phénomènes de submersion marine à l’horizon 2100. L’envasement déjà constaté aujourd’hui de la mangrove provoque par exemple des inondations en

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amont de celles-ci (inondations de la route allant reliant Fort-de-France aux Trois Ilets lors d’épisodes de fortes pluies, Félix Bompy, entretien mission de terrain, 2016).

Illustration 12: Conséquences de l'élévation du niveau de la mer en 2100 lors d'épisodes de submersion marine - Comparaison dans la baie de Génipa avec ou sans mangrove (Source : Saffache, 2016)

D’autres coûts évités liés à la présence des mangroves et qui pourraient être évalués sont ceux liés à l’érosion.

Un travail de recherche mené par l’IRD sur les mangroves de Guyana, dont la frange de mangrove a été considérablement réduite par l’installation d’activités aquacoles et agricoles, a par exemple montré que la protection assurée par les mangroves contre la houle pourrait entraîner une forte érosion des 370 km de côtes du pays (Anthony et Gratiot, 2012). Si les coûts évités par la présence de la mangrove sont donc bien réels, leur évaluation monétaire à l’échelle de plusieurs sites de mangrove reste difficile.

- Approche par les coûts de remplacement

Les coûts de remplacement de la fonction de protection du littoral par la mangrove correspondent aux coûts de constructions d’ouvrages de protection de la côte permettant de remplir le même rôle que la mangrove (digues, enrochements, épis, etc.). Calculer ce coût de remplacement exige cependant de connaître le nombre d’ouvrages (ainsi que leur dimensionnement) et leur capacité à assurer les différentes fonctions de la mangrove à savoir : protection contre l’érosion, le vent, la houle et l’élévation du niveau de la mer. La modélisation de ces ouvrages n’est pas réalisable dans le cadre de cette étude.

Différentes valeurs économiques sont cependant intéressantes à mettre en avant pour illustrer ce coût de remplacement :

- Selon un rapport du BRGM, le coût moyen d’un enrochement va de 2500€HT/ml pour les épis à 4000€HT/ml pour les brises lames émergés. L’entretien de ces ouvrages coûte chaque année entre 3 et 5% du prix de leur installation (BRGM, 2012).

- Une étude de faisabilité pour la protection d’habitations dans le quartier de Bagasse à Grand Rivière contre la houle évalue le coût de la construction d’un ouvrage de protection de 180 mètres de longueur sur 22 mètres de large à 1,27 million d’euros hors taxes (SAFEGE Ingénieurs conseils, 2014). Un kilomètre d’ouvrage pourrait revenir à près de 7 millions d’euros. Si l’on appliquait cette valeur à 60% des 46km de linéaire côtier de la mangrove de Martinique (soit la Baie de Génipa), le coût d’un tel ouvrage de remplacement de la mangrove située en bordure littorale pourrait s’élever à près de 200 millions d’euros et ne remplirait qu’un nombre de services très limités par rapport à la mangrove. Bien sûr, cette valeur n’est donnée qu’à titre indicatif, le dimensionnement de l’ouvrage étant soumis à un grand nombre d’hypothèses (hauteur et force de la houle, récurrence de l’aléa, etc.).

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- Il est aussi intéressant de s’interroger sur les coûts que la collectivité de Martinique devrait assurer si elle souhaitait replanter de la mangrove pour protéger sa côte. Dans de nombreuses îles des Antilles, des opérations de plantation de mangrove ont lieu pour restaurer notamment le service de protection de la côte (création de nurserie de palétuviers à Haïti par exemple).

Une étude sur la mise en œuvre de solutions naturelles réalisée par l’IUCN sur une baie des Philippines a comparé les coûts de différentes options (Baig et al., 2015) :

Tableau 16 : Comparaison de différentes options de protection du littoral - Source : adapté de Baig et al. 2015.

Options d’adaptation Coûts sur 20 ans (avec un taux d’actualisation de la VAN de 3%) – en euros

Protection assurée par la mangrove – coûts liés à sa protection et à l’ingénierie écologique à mettre

en œuvre pour assurer son bon état et fonctionnement

12,5 millions

Plantation de mangroves Entre 58 et 72 millions

Construction d’ouvrages en dur (enrochements) Entre 222 et 267 millions

- Utilisation de la méthode de transfert de valeur

Afin d’approcher la valeur du service de protection côtière fourni par la mangrove, nous utilisons une valeur de transfert, les données propres à la Martinique étant lacunaires pour mener une évaluation économique.

Une étude réalisée au Bélize sur les services de régulation de la mangrove a estimé le service de protection de la côte entre 2 775$ et 4 000$ par hectare et par an (Cooper et al., 2009). L’approche utilisée dans l’étude est celle par les coûts évités. Si l’on corrige cette valeur de l’inflation et qu’on la convertit en euros en la pondérant par la différence de PIB/habitant, on estime la valeur du service entre 7200 et 12650 euros par hectare. Si l’on applique cette valeur à l’ensemble des mangroves de Martinique, le service de protection de la côte peut être évalué entre 14,8 millions et 26 millions d’euros par an.

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