• Aucun résultat trouvé

Le titre de brevet essentiel à une norme ne porte que sur des innovations brevetées.

Un brevet est un titre de propriété pouvant être délivré par les pouvoirs publics ou par une autorité reconnue par l’Etat, conférant à son titulaire un monopole temporaire d’exploitation

36

sur l’invention brevetée36. Un titre de brevet peut être demandé par l’inventeur pour toute invention à caractère technique, nouvelle, et susceptible d’avoir une application industrielle. Le brevet permet pour son propriétaire d’empêcher les tiers de disposer de l’invention sans un accord préalable (délivrance de licence).

Au sein de l’Union Européenne, il est possible pour un inventeur d’enregistrer ses brevets au niveau national ou au niveau européen. Chaque législation étatique est différente, un inventeur peut choisir de faire une demande de brevet en France, en Italie, en Allemagne ou ailleurs, la procédure ne sera pas la même et le régime juridique de la protection pourra varier. L’enregistrement auprès de plusieurs états peut cependant être très coûteux pour le demandeur. Il existe par ailleurs un brevet dit « européen ».

Avant 2012, beaucoup d’entreprises voulant obtenir la protection de leurs innovations en Europe, relevaient la difficulté d’enregistrer ses droits, les coûts de procédure très élevés, et l’absence de droit uniforme, ce qui freinait en grande partie l’avancée de l’innovation européenne face à l’innovation américaine37.

En effet, il était et il est toujours possible de demander l’enregistrement de ses brevets auprès de l’office européen des brevets (OEB). Cependant, afin que les brevets produisent pleinement leurs effets dans un état membre de l’Union Européenne, ces derniers doivent être traduits et déposés auprès de l’office national en charge des brevets, dudit état. Cette situation a pour conséquences d’obliger à faire traduire dans chacun des états membres, afin d’obtenir une protection des inventions sur l’ensemble du territoire européen. C’est donc une procédure lourde, longue et coûteuse, qui est une véritable entrave à l’innovation.

C’est pourquoi il a été développé et adopté le « paquet législatif sur le brevet de l’Union Européenne » avec le règlement mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine du

36 Jacques Azéma et Jean-Christophe Galloux Droit de la propriété industrielle, Le brevet d’invention, p.129-

133, 8ème édition, 2017

37 David Medina, How The Unitary Patent Will Fragment European Patent Law, Arizona State Law Journal,

37

brevet à effet unitaire38. La protection unitaire a pour objet de rendre l’accès au système de brevet plus facile, moins coûteux et juridiquement plus sûr39. Cette procédure est accessible à tout titulaire de brevet européen, indépendamment de sa nationalité, de son lieu de résidence ou son lieu d’établissement40. Ainsi une entreprise américaine, ou chinoise, peut obtenir une protection uniforme sur le sol européen. Par ailleurs « le paquet législatif sur le brevet de l’Union Européenne » instaure une juridiction unifiée pour trancher les litiges relatifs à ce type de brevet.

Pour ce faire, l’inventeur doit dans un premier temps procéder à une demande dite « classique » auprès de l’OEB. Ce n’est qu’après validation du brevet par cet office, que le titulaire du brevet devra déposer au plus tard dans un délai d’un mois suivant la date de délivrance, une « demande d’effet unitaire »41. Le régime du brevet européen « classique » cohabite donc avec le régime du brevet unitaire européen.

Le régime juridique du brevet américain a quant à lui évolué depuis l’entrée en vigueur du « America Invents Act » le 16 mars 201342. Auparavant, il était prévu un régime du premier inventeur « first-to-invent », la priorité était donnée au premier inventeur en cas de plusieurs dépositions par différents demandeurs

Aujourd’hui, le régime est en faveur du premier déposant « first-to-file », ce qui est le système également en Europe et ce qui permet aux Etats-Unis de s’aligner sur le principe international en la matière43. Ainsi dès lors qu’une entreprise développe une innovation technologique, elle se doit de faire une demande de brevet le plus rapidement possible, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Sur le territoire européen comme américain, la protection offerte à l’inventeur

38 Règlement (UE) n ° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre

la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet

39 Considérant 4 Règlement (UE) n ° 1257/2012 40 Cf. note 38

41Gwilym Roberts et Julia Venner, Comprendre le brevet unitaire européen, OMPI Magazine, Juin 2014

https://wipolex.wipo.int/fr/legislation/details/13315

42 LEAHY–SMITH AMERICA INVENTS ACT, PUBLIC LAW 112–29—SEPT. 16, 2011

https://www.uspto.gov/sites/default/files/aia_implementation/20110916-pub-l112-29.pdf

43 Henry Heines, First To File: Patents for Today’s Scientist and Engineer, p.1-9, Hoboken, New Jersey : Wiley,

38

est généralement de 20 ans à partir du dépôt de la demande, passés ces 20 ans le brevet tombe en principe dans le domaine public, et le propriétaire de brevet ne peut plus recevoir de royalties pour l’exploitation de son invention44.

Il est plus rapide et facile d’obtenir des brevets aux Etats-Unis, ce qui amène certaines entreprises qui ne se « nourrissent » que de recettes de licences, à abuser du dépôt de droit de propriété intellectuelle (« les patent trolls »). C’est une situation qui se retrouve particulièrement dans le domaine des TIC en Amérique45.

Ainsi les entreprises, titulaires de brevets, qui obtiendront le titre de brevet essentiel à une norme auprès d’un organisme de normalisation, recevront des royalties aussi longtemps que les brevets restent dans le patrimoine de l’entreprise et aussi longtemps que l’invention brevetée reste la norme. Ces brevets se rapportant à des standards permettent à leur propriétaire d’acquérir un pouvoir de marché pendant minimum 20 ans, et des recettes de licences quasi certaines et constantes, sauf à ce que le standard devienne obsolète et soit remplacé par un autre.