• Aucun résultat trouvé

A/ La Dégénérescence Wallérienne

III. 1.2) la protéine Wld(s)

La découverte du phénotype d’un mutant spontané Wld(s) (pour Wallerian Degeneration slow), chez qui les portions distales des axones sectionnés demeurent morphologiquement (Figure 19) et fonctionnellement intactes trois semaines après lésion, a permis de montrer que la DA est un phénomène actif qui n’est pas uniquement explicable par une simple absence de support trophique (Gillingwater TH et al., 2003 ; Mack TG et al., 2001 ; Lapper SR et al., 1994 ; Lyon MF et al., 1993).

Figure 19 : La protéine Wld(s) protége de la DA après axotomie. Cinq jours après lésion tous les axones sont

fragmentés dans la condition contrôle (wt 5 days post lesion) tandis que les axones surexprimant Wld(s) ne sont pas fragmentés même après douze jours post lésion (Wld(s) 12 days post lesion) (Coleman MP et al., 2001). L’un des pionniers à travailler sur Wld(s) fut E.R Luun. Ce chercheur Américain constata chez la souris C57BL/Ola, que la dégénérescence de la portion distale du nerf sciatique après transsection était anormalement lente (Luun ER et al., 1989). Chez cet animal au phénotype surprenant, la portion périphérique du nerf sectionnée demeurait fonctionnellement intacte (capacité à transduire une activité électrique) jusqu’à trois semaines post transsection, tandis

50

que dans la condition contrôle, l’activité électrique était perdue en à peine deux jours (Perry VH et al., 1992 ; Luun ER et al., 1989). En réalisant des croisements entre cette souris C57BL/Ola et d’autres au fond génétique différent, Perry et al., constatèrent que ce phénotype était transmis à la génération suivante sur le mode autosomique dominant (Perry VH et al., 1990). De plus, cette même équipe localisa le gène impliqué dans le retard de DW sur le chromosome 4 (Lyon M.F et al., 1993). Se basant sur le phénotype de la souris présentant cette mutation spontanée, le locus du gène fut appelé et symbolisé, Wld pour Wallerian degeneration et l’allèle par, Wld(s) pour Wallerian degeneration slow (Lyon MF et al., 1993). Cinq ans après, on identifia une triplication en tandem d’une région de 85 kb à l’intérieur de la région candidate pour Wld(s), sur le chromosome 4 (Coleman MP et al., 1998) (Figure 19). Le sous-clonage et le séquençage de cette région, ont permis la découverte d’un gène chimérique composé du gène Ube4b (ou Ufd2a) qui code pour 70 acides aminés situés en position n-terminale de la protéine Wld(s) (N70) et de la séquence complète du gène D4Cole1e codant pour les 302 acides aminés situés en position c-terminale. (Conforti L et al., 2000). Le gène Ube4b code pour protéine impliquée dans le protéasome. Le protéasome est un complexe enzymatique multi-protéique qui a pour rôle de dégrader de manière ciblée des protéines dénaturées ou mal repliées. Les protéines sont ainsi découpées en petits peptides qui sont ensuite hydrolysés hors du protéasome et recyclés. Les protéines qui sont amenées à être dégradées sont marquées par une protéine appelée ubiquitine. Ces opérations sont réalisées à l’aide de trois enzymes appelées E1, E2, E3. Le gène Ube4b code pour une « E2 like » appelée E4, une ubiquitine ligase, qui a pour rôle d’ajouter une ubiquitine à la protéine cible qui doit être dégradée.

Le gène D4Cole 1e code pour une enzyme impliquée dans la voie de biosynthèse du NAD+, appartenant à la famille des NMNAT. Les NMNAT qui sont des Nicotinamide mononucleotide adenyltransferase sont des enzymes clefs dans la biosynthèse du NAD+ en catalysant la condensation du nicotinamide mono nucléotide (NMN) en nicotinamide adénine di nucléotide (NAD).

Pour résumer, le gène Wld impliqué dans le phénotype Wld(s) code une protéine chimère qui porte à la fois un domaine NMNAT, impliqué dans le métabolisme du NAD+, et un domaine Ebe4b impliqué dans la voie du protéasome (Figure 20) (Conforti L et al., 2007 ; MacInnis BL et al., 2005).

51

Figure 20 : La séquence de la protéine Wld(s). La région de 85kDa située sur le chromosome 4 est répliquée

trois fois. Cette protéine Wld(s) est issue d’une fusion entre la région Ube4b et la région Nmnat. (Conforti L et al., 2007)

Bien que le mécanisme d’action de cette protéine soit encore énigmatique, il semble que les deux activités agissent de concert pour protéger l’axone via une action nucléaire (Mack T.G et al., 2001). Ainsi, chez les souris exprimant le gène chimérique Ube4b/Nmnat, les axones moteurs et sensoriels sont protégés (Mack T.G et al., 2001). La conduction nerveuse, la transmission synaptique, le recyclage des vésicules synaptiques, en plus de la morphologie des axones et des synapses, sont préservés. De façon un peu surprenante, cette protéine chimérique qui confère une axono-protection après axotomie se trouve principalement localisée dans le noyau des neurones (Figure 21) suggérant qu’il existe un intermédiaire entre la protéine Wld(s) et l’axone (Mack TG et al., 2001).

Figure 21 : La localisation intracellulaire de la protéine chimérique Wld(s). (a) Tandis que la protéine Wld(s) est détectée dans les noyaux de neurones, (b) cette protéine est absente dans les tissus contrôl de souris

52

C57BL. Le marquage rouge représente l’anticorps (N70) dirigé contre la portion n-terminal de la protéine

Wld(s), lequel détecte Wld et Ube4. Le marquage vert représente l’anticorps anti MAP2 délimitant le contour des

neurones. (c) Les astrocytes (GFAP en vert) représentés par une flèche ne présentent par de marquage pour la protéine Wld(s) (rouge). Coloration de Hoechst en bleu. (d-f) Imagerie en confocale de préparations de muscle sternum triangulaire immunomarquées a bungarotoxin (rouge). (d) la lignée murine transgénique pour la protéine Wld(s) 4836 homozygote, (e) les souris Wld(s) et (f) enfin les souris contrôles C57BL. (g-i) Neurones moteurs de la moelle épinière, au niveau thoracique, issus des souris Wld(s)

(g), de la lignée 4836 (h), présentant un marquage nucléaire pour la protéine Wld(s) (red), en comparaison avec

les souris C57BL qui ne présentent aucun marquage pour cette même protéine (i). Barres d’échelle représentent 5µm (a,b) 10µm (c) et 50µm (d-i). (Mack TG et al., 2001)

D’autre part, Wld(s) se compose de l’isoforme nucléaire des Nmnat notée Nmnat 1 (Magni G et al., 2004), confirmant une action nucléaire de Wld(s).

III.1.3) Wld(s) confère une forte axono protection dans des modèles « DW like » Il est possible de modéliser la DW autrement qu’en réalisant une axotomie. Dans ce cas, on assimile ces modèles à de la « DW like », c’est à dire que la dégénérescence de la portion distale de l’axone n’est pas la conséquence d’une axotomie. Dans le contexte de la « DW like », la portion axonale est encore physiquement liée au corps cellulaire. Pour modéliser cette « DW like », de nombreux modèles visent à bloquer le transport antérograde et/ou rétrograde entre la portion distale de l’axone et le corps cellulaire en déstabilisant la cyto- architecture tubuline. Pour cela, des approches toxicologiques (utilisation de drogues issues de la cancérologie comme le taxol ou la colchicine), génétiques (comme le modèle de souris

pmn (progressive motor neuropathy) qui présentent une mutation de la chaperonne spécifique

à la tubuline (TBCE)) et physique (en comprimant un nerf (nerve crusch)) sont utilisées. Dans ces modèles où le transport est sévèrement bloqué, la protéine Wld(s) retarde significativement la DA (Martin N et al., 2002).

Ce gène Wld codant pour la protéine Wld(s) représente donc un outil inestimable pour approcher les mécanismes moléculaires impliqués dans la DA, d’autant que le ADNc murin de Wld(s) retarde la DA chez le rat, la mouche, ainsi que dans des modèles de culture cellulaire (MacDonald JM et al., 2006 ; Adalbert R et al., 2005 ; Araki T et al., 2004 ; Wang MS et al., 2001).