• Aucun résultat trouvé

Une des caractéristiques importantes de ces eutectiques à microstructure interconnectée est de présenter une grande stabilité des propriétés mécaniques en température.

La résistance en flexion 3 points à différentes températures a été étudiée pour plusieurs compositions eutectiques solidifiés au four Bridgman à 5 mm/h pour des systèmes binaires et à

30 mm/h pour des systèmes ternaires (Y. Waku et al., 2002, 2005; Y. Waku and Sakuma, 2000).

Les résultats sont rassemblés dans la figure I.25. Ces matériaux possèdent une contrainte à la

rupture constante voire en augmentation dans le cas du composite solidifié Al2O3 – YAG – ZrO2

jusqu’à des températures proches de la température de fusion. Cette caractéristique est liée à la microstructure interconnectée qui ne présente pas de joint de grains, ni de phase amorphe localisée aux interfaces qui conduiraient à du glissement intergranulaire. L’ajout de zircone permet d’augmenter considérablement la résistance à la rupture par un effet combiné de l’introduction de contraintes résiduelles et de la diminution de la taille de la microstructure.

Figure I. 25 – évolution de la résistance à la flexion en température de quelques composite eutectiques solidifiés (Y. Waku et al., 2002, 2005; Y. Waku and Sakuma, 2000).

La résistance à la flexion des composites eutectiques augmente avec la diminution de la taille des phases (figure I.26) du fait de la diminution de la taille du défaut critique initiant la rupture du

matériau (Matson and Hecht, 1999; Pastor et al., 2005).

Pour le composite fibreux Al2O3 – YAG élaboré par EFG et LHFZ, la contrainte à la rupture en

différentes durées reste globalement inchangée (Farmer et al., 1995). En revanche, lors d’essais de

traction en température, la contrainte à la rupture des composites Al2O3 – YAG et Al2O3 – YAG

– ZrO2 diminue à mesure que la température de l’essai augmente (Lee et al., 2001; Y. Waku et al.,

1998b). Cette diminution est encore plus marquée pour le composite ternaire (Lee et al., 2001).

Figure I. 26 – évolution de la taille du défaut critique et de la taille des phases alumine et YAG en fonction de la vitesse de solidification du composite Al2O3 – YAG (Pastor et al., 2005).

La tenue en fluage des céramiques eutectiques élaborées par solidification dirigée est un autre point essentiel au vu de l’application visée. Les phases constitutives des composites eutectiques de la présente étude sont des oxydes réfractaires présentant une bonne résistance à la déformation en fluage en compression (figure I.27).

Figure I. 27 – vitesses de déformation de monocristaux d’alumine et de YAG en fluage en compression en fonction de la température et de l’axe de sollicitation sous une contrainte de 100 MPa (Corman, 1993).

La vitesse de déformation en régime quasi-stationnaire de déformation suit une loi de type Norton :

ε̇=Aσnexp(- Q

RT) [I.20]

ε̇ : vitesse de déformation (s-1) ;

σ : contrainte (MPa) ;

n : exposant de sensibilité à la contrainte (sans dimension) ;

Q : énergie d’activation (J.mol-1) ;

R : constante des gaz parfaits (J.mol-1.K-1) ;

Comme le montre la figure I.28, la résistance au fluage à haute température des composites

eutectiques solidifiés Al2O3 – YAG et Al2O3 – ErAG est supérieure aux équivalents frittés du fait

de l’absence de joints de grains (Y. Waku et al., 1998a; Y. Waku and Sakuma, 2000). Ces deux

composites présentent des résistances à la déformation similaires. Pour des composites Al2O3 –

ZrO2 et Al2O3 – YAG frittés, les exposants de sensibilité obtenus à 1250°C (resp. 1,8 et 2,6) sont

compatibles avec un mécanisme de déformation contrôlé par des réactions aux interfaces ou du glissement aux joints de grains qui accompagnent la formation d’une phase liquide intergranulaire à haute température. Des observations en Microscopie Electronique en Transmission n’ont révélé

aucune activité de dislocations ni de cavitation (French et al., 1994).

Figure I. 28 – comparaison de la déformation en fluage en compression des eutectiques solidifiés Al2O3 – YAG (□) et Al2O3 – ErAG (○) à 1500°C, 1600°C et 1700°C avec leur équivalent fritté à 1600°C (Nakagawa et al., 2000; Y. Waku et al., 1998a).

Les composites eutectiques élaborés par solidification dirigée présentent une tenue à la

déformation aussi bonne, voire meilleure, que les monocristaux pour une même température (cf.

figure I.29). De plus la vitesse de déformation dépend peu de la direction de la contrainte

appliquée, contrairement à celle des monocristaux (figure I.30). Pour un composite Al2O3 – YAG

solidifié en four Bridgman à 5 mm/h la vitesse de déformation est légèrement plus importante lorsque la contrainte est perpendiculaire à la direction de croissance (figure I.30) (Y. Harada, Suzuki, Hirano and Waku, 2004). En revanche pour le même composite solidifié au four à image

à 10 mm/h, elle ne semble pas dépendre de la direction de compression (Mazerolles et al., 2011).

Les conditions d’élaboration choisies sont, probablement, à l'origine de ces légères différences.

Figure I. 29 – comparaison du comportement en fluage entre le composite eutectique solidifié Al2O3 – YAG et des monocristaux d’alumine et de YAG en fonction de la contrainte (Y. Harada, Suzuki, Hirano and Waku, 2004).

Al2O3 YAG Axe de

solidification 112̅0 210

Figure I. 30 – vitesse minimum de déformation en fluage en compression du composite eutectique solidifié Al2O3 – YAG entre 1773 K et 1923 K parallèlement (O°) et perpendiculairement (90°) à l’axe de solidification (Y. Harada, Suzuki, Hirano and Waku, 2004),

comparaison avec un monocristal d’alumine (Corman, 1993).

Après déformation, les composites eutectiques solidifiés présentent une activité de dislocations.

L’eutectique Al2O3 – (c)ZrO2 montre une résistance au fluage supérieure à celle d’un monocristal

d’alumine avec la même orientation [0001]Alumine , interprétée par un effet couplé d’interfaces

cohérentes et de microstructure (Sayir and Farmer, 2000). La déformation est supposée contrôlée par la phase alumine et son orientation lors de la déformation favoriserait la montée de

dislocations pyramidales 1/3<1̅101> (Yi et al., 2005).

La résistance au fluage de l’eutectique Al2O3 – YAG est supérieure à celle de l’eutectique Al2O3 –

(c)ZrO2. En plus de posséder une microstructure interconnectée homogène, ce matériau contient

une phase grenat qui est un des oxydes les plus résistants au fluage (Corman, 1993; Karato et al.,

1995). La modélisation de la déformation de cet eutectique à 1600°C montre une hétérogénéité de la déformation, celle-ci étant plus rapide dans les zones épaisses de l’alumine et les zones fines du YAG.

Le comportement en fluage de différents eutectiques binaires et ternaires dans les systèmes Al2O3

– T.R.2O3 – ZrO2 (T.R. = Y, Er, Gd) a été étudié par sauts de contrainte entre 70 et 200 MPa et

par sauts de température entre 1400°C et 1600°C (Mazerolles et al., 2011; Perriere, 2008). Les

composites ternaires présentent une vitesse de déformation légèrement supérieure aux composites binaires et ces derniers ont atteint une déformation maximale plus importante (10 – 15%) que les composites ternaires (<5%). Les valeurs de n et Q ont permis de mettre en évidence l’existence de deux mécanismes contrôlant la déformation pour les eutectiques contenant une phase grenat contre un seul pour ceux contenant une phase pérovskite. Les configurations des

dislocations dans les composites Al2O3 – YAG et Al2O3 – GAP montrent que la microstructure

interconnectée induit une redistribution de la contrainte appliquée rendant la déformation hétérogène. La phase alumine est celle qui subit en grande partie la déformation (densité de dislocations plus importante que dans le grenat ou la pérovskite) et des processus de montée contrôlée par la diffusion sont mis en jeu. Les contraintes sont localement suffisamment élevées pour activer le glissement pyramidal dans la phase alumine. Cependant, ces observations ont été réalisées sur des eutectiques déformés par sauts de contrainte ou sauts de température ne permettant pas de mettre en évidence les différents mécanismes activés pour une température et une contrainte fixée.

Documents relatifs