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Propriétés ferromagnétiques et ferroélectriques locales des super-réseaux

Chapitre II - Microdispositifs à base de couches minces d'YBCO

B) Propriétés locales des couches: morphologie, domaines magnétiques, domaines

4- Propriétés ferromagnétiques et ferroélectriques locales des super-réseaux

super-réseaux La0,7Ca0,3MnO3 / BaTiO3[A29, A30, A31]

Un matériau multiferroique est un matériau dans lequel le ferromagnétisme et la ferroélectricité coexistent [Schmid94]. Les domaines magnétiques pourraient alors être commandé par un champ électrique externe, ou, inversement, les domaines électriques pourraient être retournés par un champ magnétique externe. Cela présenterait alors un grand intérêt dans de nombreux dispositifs. Jusqu'à présent, peu de matériaux ont présenté des propriétés de multiferroisme [Prellier05]. W. Prellier et M. Singh de l'équipe « Couches minces » du CRISMAT étudient des super-réseaux constitués de matériaux ferromagnétiques (La0,7Ca0,3MnO3, noté LCMO) et ferroélectrique (BaTiO3, noté BTO) afin de créer cette propriété de multiferroisme [Singh05, A29, A30, A31]. Je suis intervenue dans cette étude sur les caractérisations AFM [A29, A30], ainsi que sur l'observation à température ambiante des domaines magnétiques par MFM et électriques par EFM d'un super-réseau constitué de 55 bi-couches LCMO/BTO, l'épaisseur de chaque couche étant égale à quatre maille élémentaires. Cet échantillon était particulièrement intéressant car les courbes d'aimantation mesurées par SQUID ont montré du ferromagnétisme jusqu'à un température de 380 K, avec un pic à 370 K, qui pourrait correspondre à la température de Curie de BTO [A31].

La figure III-16 présente la topologie de surface du super-réseau et le déphasage lié aux gradients de forces magnétiques correspondantes mesurés à 300 K. L'image magnétique a été obtenue en mode lift à une hauteur de quelques nanomètres au dessus de la couche. Lors des études MFM, il est essentiel de toujours douter des images obtenues. Il faut notamment s'assurer que le contraste a bien une origine magnétique. Dans le cas présent, plusieurs éléments sont favorables. L'image de phase présente un signal non négligeable (pleine échelle 3°) qui semble décorrélé de la topologie. Un déphasage lié aux forces de Van der Waals, traduisant donc la topologie de la couche, est généralement beaucoup plus grand. Lors de l'acquisition de l'image, il était possible de faire apparaître l'image de phase correspondant à la topologie en approchant légèrement la pointe de la surface mais l'échelle était dix fois plus grande. L'étude MFM confirme ainsi la mesure d'aimantation par SQUID qui avait indiqué que l'échantillon était encore ferromagnétique à 300K, en ajoutant l'information que l'aimantation présente une composante perpendiculaire.

a) b)

Figure III-16: Images en modes lift de taille 1 µm × 1 µm montrant (a) la topologie et (b) le déphasage lié aux gradients de forces magnétiques

J'ai ensuite procédé à l'étude des propriétés électriques locales du super-réseau décrit ci-dessus par EFM. Une première étape, appelée la « phase d'écriture », consiste à utiliser le mod epolariser les domaines électriques par application d'une tension électrique continue entre la pointe conductrice (en contact avec la surface de l'échantillon) et l'échantillon (figure III-17). La seconde étape est la lecture en mode lift (figure III-13), de façon similaire au mode MFM décrit précédemment. La différence est ici que la pointe doit être polarisée lors de la lecture par une tension continue pour créer le champ électrique (équivalent de l'aimantation de la pointe dans le cas MFM). Un grand avantage par rapport au mode MFM est que l'on peut choisir l'intensité et la polarité du champ électrique appliqué.

Figure III-17: Phase d'écriture de l'étude AFM: une tension continue Vdc est appliquée entre la pointe conductrice (en contact avec la surface de l'échantillon) et l'échantillon.

La figure III-18 montre les images du déphasage en mode lift obtenues après écriture d'une zone de taille 1 µm × 1 µm par une tension de + 12 V. Les figures III-18-a) et b) ont été enregistrées avec une polarisation de pointe opposée, égale à -4 V dans le cas a) et +4 V dans le cas b). La même pointe de type PtIr a été utilisée pour l'écriture et la lecture. On retrouve clairement la zone préalablement polarisée, indiquant que la phase d'écriture a bien aligné les domaines ferroélectriques. Sur la durée de l'expérience (quelques heures), ces domaines étaient stables. On remarque de plus l'inversion du contraste entre les deux images, attendu puisque la pointe présentait un champ électrique de polarité opposée dans chaque image.

Nous avons ensuite cherché à vérifier que les domaines ferroélectriques pouvaient être retournés par un champ électrique de polarité opposée. Nous avons alors écrit une zone de taille 0,7 µm × 0,7 µm avec une tension de -12 V dans une zone de taille 1 µm × 1 µm polarisée préalablement avec une tension de +12 V. la figure III-19 montre l'image du déphasage en mode lift, où l'on observe bien les deux zones de polarité inverse.

Les études MFM et EFM ont permis d'apporter une preuve microscopique de la double nature ferromagnétique et ferroélectrique de l'échantillon [A31]. Elles ont confirmé les mesures d'imantation par SQUID réalisées sur l'ensemble de la couche. Des mesures macroscopiques de polarisation électrique n'ont pas été réalisées car l'échantillon ne disposait pas d'électrode de base. Nous envisageons maintenant la réalisation de dispositifs à base de ces super-réseaux.

a) Lecture avec polarisation de pointe égale à -4 V

b) Lecture avec polarisation de pointe égale à +4 V

Figure III-18: Images en mode EFM (contraste de phase) de taille 2 µm ×2 µm où une région de taille 1 µm × 1 µm a été préalablement polarisée par une tension de +12 V en mode contact. La hauteur de lift

lors du passage EFM était de l'ordre de 30 nm.

Figure III-19: Image en mode EFM (contraste de phase) de taille 1 µm ×1 µm où deux régions de tailles respectives 1 µm × 1 µm et 0.7 µm×0.7 µm ont été préalablement polarisées par une tension respective de

+12 V et -12 V en mode contact. La hauteur de lift lors du passage EFM était de l'ordre de 30 nm et la tension de lecture égale à -6V.