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Propriétés de convexité des fonctions psh

A. Mesures de Monge-ampère et croissance des fonctions

6. Propriétés de convexité des fonctions psh

Un résultat bien connu de P .Lelong (cf. [Le1]) affirme que le sup, la moyenne et plus généralement la moyenne Lp d’une fonction psh sur la sphère euclidienne de rayonrdans Cn sont fonctions convexes delogr. Nous nous proposons d’étendre ces propriétés à une situation beaucoup plus générale.

Soit X un espace de Stein de dimension pure n, ϕ : X → [−∞, R[ une fonction psh continue exhaustive. On suppose que ϕ est Monge-Ampère homogène, i.e. qu’il existe A ∈]− ∞, R[ tel que

(6.1) (ddcϕ)n= 0 sur l’ouvert {ϕ > A}.

Pour toute fonction psh V sur X et tout r > A le théorème 3.4 montre alors que la dérivée à gauche

(6.2) d

dr µr(V) = Z

B(r)

ddcV ∧αn−1 est positive croissante en r, d’où le

Théorème 6.3.

--

La fonction valeur moyenne r 7→MV(r) = µr(V) est convexe crois-sante sur ]A, R[.

Le cas classique évoqué au début correspond à la boule de rayon eR dans Cn avec ϕ(z) = log|z|, A = −∞. Plus généralement, on a un résultat de convexité pour les moyennes en norme Lp définies par

MVp(r) =h

µr(V+p)i1/p

, p∈[1,+∞[.

Théorème 6.4.

--

La fonction r7→MVp(r) est convexe croissante sur ]A, R[.

Démonstration. Par régularisation on se ramène au cas où V est psh > 0 de classe C. Étant donné ε >0, considérons la fonction

hε(r) = Z r

r−ε

µt(Vp)dt= Z

B(r)rB(r−ε)

Vpαn−1dϕ∧dcϕ dt, r∈]A+ε, R[

(la dernière égalité résulte de la proposition 3.9 (a)) . Comme µr(Vp) = limε→0hε(r), il suffit de prouver que h1/pε est convexe pour tout ε >0. On doit donc vérifier l’inégalité

hεh00ε − 1− 1

p

h02ε >0

où la dérivée seconde h00ε est, disons, calculée à gauche. D’après la proposition 3.9 (b) et l’hypothèse (6.1) il vient

h0ε(r) =µr(Vp)−µr−ε(Vp)

= Z

B(r)rB(r−ε)

d

Vpαn−1∧dcϕ

= Z

B(r)rB(r−ε)

p Vp−1dV ∧αn−1∧dcϕ.

La formule (6.2) implique par ailleurs h00ε(r) =

Z

B(r)rB(r−ε)

ddc(Vp)∧αn−1. Grace à l’inégalité de Cauchy-Schwarz on obtient

h0ε(r)2 6 Z

B(r)rB(r−ε)

Vpαn−1∧dϕ∧dcϕ · Z

B(r)rB(r−ε)

p2Vp−2dV ∧dcV ∧αn−1, et la relation (6.5) cherchée découle de l’inégalité

ddc(Vp)>2p(p−1)Vp−2dV ∧dcV.

Corollaire 6.6.

--

Les fonctions définies par (a) MVexp(r) = logµr(eV),

(b) MV(r) = supB(r)V,

sont croissantes convexes sur ]A, R[.

Démonstration. La propriété (a) résulte du théorème 6.4 et de l’égalité logµr(eV) = lim

p→+∞p h

µr

1 + V

p p

+

i1/p

−1

. Le principe du maximum (théorème 5.1) entraîne d’autre part

sup

B(r)

V = lim

λ→+∞

1

λ logµr(eλV) par suite (b) est conséquence de (a).

En vue des applications à l’étude des espaces fibrés, nous démontrons maintenant une version avec paramètre du théorème 6.4. On se donne un morphisme π : X → Y d’espaces analytiques de dimensions pures dimX =m+n, dimY = m et des fonctions ϕ : X → [−∞,+∞[ psh continue, R : Y → ]− ∞,+∞]) (resp. A : Y → [−∞,+∞[) semi-continue inférieurement (resp. supérieurement) vérifiant les propriétés ci-dessous.

Hypothèses 6.7.

--(a) π est surjectif, et les fibres π−1(y), y∈Y sont de dimension pure n.

(b) π est un morphisme de Stein, i.e. Y possède un recouvrement ouvert (Ωj)j∈J tel que π−1(Ωj) soit de Stein pour tout j ∈J.

(c) ϕ(x)< R(π(x)) et A(y)< R(y) quels que soient x ∈X, y∈Y.

(d) Pour tout y ∈ Y et tout r < R(y), il existe un voisinage U de y dans Y tel que π−1(U)∩B(r)bX.

(e) (ddcϕ)n ≡0 sur l’ouvert {x∈X; ϕ(x)> A(π(x))}.

On note ici encoreB(r) ={ϕ < r},S(r) ={ϕ=r}etα =ddcϕ. Sous les hypothèses (c) et(d), le §3 permet d’associer à chaque fibre π−1(y) une famille de mesures µy,r portées par π−1(y) ∩S(r) pour ∈ ] − ∞, R(y)[. Étant donné une fonction psh V sur X on introduit les valeurs moyennes

MV(y, r) =µy,r(V), MVp(y, r) =

µy,r(V+p)1/p

si p∈[1,+∞[, MVexp(y, r) = logµy,r(eV),

MV(y, r) = sup

π−1(y)∩B(r)

V.

Proposition 6.8.

--

Pour toutr fixé, les applications y7→µy,r(V) ety 7→MVp(y, r) sont faiblement psh au sens de la définition 1.9 sur l’ouvert {y∈Y ; A(y)< r < R(y)}.

Démonstration. Comme le résultat est local surY, l’hypothèse 6.7 (b) permet de supposer X, Y de Stein. Un passage à la limite décroissante nous ramène alors au cas où V est psh de classe C ; si p > 1 on peut supposer de plus V > 0. Soit ε > 0 arbitraire et χ : ]r−ε, r[ →R une fonction C >0 non nulle à support compact. Par analogie avec le théorème 6.4, introduisons la fonction auxiliaire

h(y) = Z r

r−ε

µy,t(Vp)χ(t)dt= Z

π−1(y)

Vpχ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕ définie sur l’ouvert

Uε =

y ∈Y ; A(y) +ε < r < R(y) .

Pour conclure, il suffit de montrer que h1/p est faiblement psh sur Uε. Si p >1, il s’agit donc de montrer que

h ddch− 1− 1

p

dh∧dch>0.

Soient u, v, w des formes réelles de classe C sur Y à support compact dans Uε , de bidegrés respectifs(m, m),(m, m−1)⊕(m−1, m)et(m−1, m−1). D’après le théorème de Fubini, qu’on applique d’abord en supposant ϕ de classe C, il vient

Z

Y

hu= Z

X

Vpχ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕ∧πu ;

le cas où ϕest seulement continue s’en déduit par limite décroissante (théorème 2.6). On observe maintenant que l’intégrande est à support dans

π−1(Suppu)∩ B(r)rB(r−ε) bX

(hypothèse 6.7 (d)) et que le courantχ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕestd-fermé (hypothèse 6.7 (e)).

Au moyen d’une intégration par parties sur Y et d’une autre inverse sur X on obtient donc successivement

Z

Y

dh∧v = Z

X

d(Vp)∧χ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕ∧πv, (6.9)

Z

Y

ddch∧w = Z

X

ddc(Vp)∧χ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕ∧πw.

(6.10)

Supposons que la (m− 1, m− 1)-forme w soit > 0. L’égalité (6.10) ontre déjà que R

Y ddch∧w > 0, donc ddch >0 sur Uε, ce qui résout le cas p = 1. Dans le cas général p >1, soitγ une 1-forme réelleC sur Y etγc =i(γ0,1−γ1,0). L’égalité (6.9) combinée à l’inégalité de Cauchy-Schwarz entraîne

Z

Y

dh∧γc ∧w = Z

X

p Vp−1∧dV ∧πγc ∧χ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕ∧πw

6 1

2 Z

X

Vpπ(γ∧γc) +p2Vp−2dV ∧dcV

∧χ(ϕ)αn−1∧dϕ∧dcϕ∧πw

6 1

2 Z

Y

h γ∧γc + p

p−1ddch∧w,

compte tenu que ddcVp > p(p−1)dV ∧dcV. Comme ceci est vrai pour toute forme w >0, on en déduit au sens des courants l’inégalité

dh∧γc+γ∧dch6h γ∧γc+ p

p−1ddch.

Observons que h est partout >0 sur Uε d’après 4.1 ; si nous faisons tendre maintenant γ vers dh/h, il vient l’inégalité attendue

1

h dh∧dch6 p

p−1ddch.

Pour voir que h est localement majorée sur Y, il suffit de regarder le cas où V ≡ 1.

L’égalité (6.9) montre alors que dh= 0, donch est localement constante sur Xreg. La proposition 6.8 contient en fait le résultat plus général suivant, qui était notre principal objectif.

Théorème 6.11.

--

Les fonctions sur Y ×C définies par

(y, z)7→MV(y,Rez), MVp(y,Rez), MVexp(V,Rez), MV(y,Rez) sont faiblement psh sur l’ouvert

(y, z)∈Y ×C; A(y)<Rez < R(y) .

Démonstration. On considère le morphisme

˜

π =π×Id :X×C→Y ×C et on munit X×C, Y ×C des fonctions

˜

ϕ(x, z) =ϕ(x)−Rez, R(y, z) =˜ R(y)−Rez, A(y, z) =˜ A(y)−Rez,

de sorte que les hypothèses 6.7 (a-e) sont vérifiées relativement à ces données. SiV˜(x, z) = V(x) on a par construction

˜

µ(y,z),0( ˜V) =µy,Rez(V), et le théorème 6.11 découle donc de la proposition 6.8.

Corollaire 6.12.

--

Soient (Xj)16j6k des espaces de Stein de dimension pure nj et ϕj :Xj →[−∞, Rj[ des fonctions psh continues exhaustives telles que(ddcϕj)nj ≡0 sur l’ouvert {x∈Xj; ϕj(x)> Aj}. Si V est psh sur X1× · · · ×Xk, les fonctions

MV(r1, . . . , rk) =µ1,r1⊗ · · · ⊗µk,rk(V), MVp(r1, . . . , rk) =MVp

+(r1, . . . , rk)1/p, MVexp(r1, . . . , rk) = logMeV(r1, . . . , rk),

MV(r1, . . . , rk) = sup

B(r1)×···×B(rk)

V sont convexes en les variables (r1, . . . , rk) ∈ Q

16j6k]Aj, Rj[ simultanément, et crois-santes par rapport à chacune des rj.

Plus généralement, si X0 est un espace analytique de dimension pure n et si V est psh sur X0×X1× · · · ×Xk, la fonction

MVp(x0,Rez1, . . . ,Rezk) =MVp(x

0,•)(Rez1, . . . ,Rezk) (resp. p=∅, exp, ∞) est psh sur l’ouvert

X0× Y

16j6k

Aj <Rezj < Rj ⊂X0×Ck.

Démonstration. Il suffit de prouver la dernière affirmation. On raisonne par récurrence sur k. Pour k = 1, le théorème 6.11 appliqué à π :X = X0×X1 → X0 = Y et ϕ= ϕ1 montre que la fonction

(x0, z1)7→MVp(x0,Rez1)

est faiblement psh. Si de plusV est continue, cette fonction est séparément continue enx et convexe en Rez, donc continue en (x0,Rez1). Grâce au corollaire 1.12, MVp(x0,Rez) est donc psh. Le cas où V est quelconque s’obtient en écrivantV comme limite décrois-sante de fonctions psh continues.

Pour k >1, la propriété résulte à l’ordrek de sa validité aux ordres 1et k−1 en posant W(x0, x1, . . . , xk−1, zk) =MVp(x

0,...,xk−1,•)(Rezk) et en observant que

MVp(x0,Rez1, . . . ,Rezk) =MWp (x

0,•,zk)(Rez1, . . . ,Rezk−1).

Nous terminons ce paragraphe en réexaminant à la lumière des résultats précédents l’inégalité de convexité de P. Lelong, qui mesure de façon précise les variations de crois-sance d’une fonction psh sur un espace fibré le long des différentes fibres. Cette inégalité a été utilisée par H. Skoda [Sk2] pour construire un premier contre-exemple au problème, posé par J.-P. Serre en 1953, de savoir si un fibré à base et à fibre de Stein est lui-même de Stein ; voir aussi [De1], [De2] pour d’autres contre-exemples et [De3] pour une construction simple et rapide.

SoitΩun espace de Stein irréductible de dimensionm, qui jouera le rôle de base du fibré, et X un espace de Stein de dimension pure n, qui sera la fibre. On suppose qu’il existe des fonctions ψ: Ω→[−∞, R[,ϕ:X →[−∞,+∞[psh continues exhaustives telles que

(ddcψ)m = 0 sur {ψ > A}, (ddcϕ)n= 0 sur {ϕ >0}.

Par exemple siX est une variété algébrique affine de dimensionn, il existe un morphisme fini F :X →Cn (théorème de normalisation de Noether), et il suffit de prendre ϕ(z) = logkF(z)k où k k est une norme surCn ; le même raisonnement vaut localement sur Ω pour l’existence de ψ.

Soient V une fonction psh sur Ω×X et des réels a, b, c, r tels que A < a < b < c < R et r >0. La propriété de convexité du corollaire 6.12 montre que

MV(b, r)6MV(a, σr) + 1− 1

σ h

MV(c,0)−MV(a, σr)i

avec σ = c−ac−b. II résulte du théorème 7.5 démontré au paragraphe suivant que l’on a MV(a, r) → +∞ quand r →+∞, dès que V est non constante sur au moins une fibre {z} ×X, z ∈B(a). Il existe alors une constante r0 dépendant dea, b, c, V telle que (6.13) MV(b, r)< MV(a, σr) pour r > r0, où σ = c−a

c−b. Si ω est un ouvert relativement compact dans Ω, on pose maintenant

MV(ω; r) = sup

ω×B(r)

V.

Grâce à un raisonnement élémentaire de compacité et de connexité (cf. [Le2], théorème 6.5.4) on déduit alors de (6.13) le résultat suivant :

Corollaire 6.14 (Inégalité de P. Lelong).

--

Soientun espace complexe irréductible, ω1, ω2 deux ouverts relativement compacts danset V une fonction psh sur Ω× X,

supposée non constante sur au moins une fibre {z} ×X. Alors il existe une constante σ >1 ne dépendant que de ω1, ω2,Ω, et une constante r0 dépendant en outre de V, telles que pour tout r > r0 on ait

MV2; r)< MV1; σr).

Dans les applications pratiques se pose le problème du calcul explicite de la constante σ.

L’inégalité (6.13) apporte une réponse théorique complète à ce problème. Si ω1, ω2 bΩ sont des ouverts de C, on cherche une fonction harmonique ψ surΩrω1 qui tend vers0 sur ∂ω1 et vers 1 sur ∂Ω (resp. vers +∞ si ∂Ω est de capacité 0) ; on prolonge ψ par 0 sur ω1 et on pose b= supω2ψ. Toute constante σ > 1−b1 (resp. σ > 1) répond alors à la question. Le cas où la base Ωest de dimension m >1 revient à résoudre un problème de Dirichlet analogue pour l’équation de Monge-Ampère(ddcψ)m = 0surΩrω1. Il est facile de voir que la constante σ ainsi obtenue est la meilleure possible. Un calcul élémentaire montre en effet que la fonction

χ(t, r) = exp r

1−t + 1 (1−t)2

est croissante convexe sur [0,1[×[0,+∞[. La fonction psh V = χ(ψ+, ϕ+) contredit alors (6.13) pour tout σ6 1−b1 .