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Chapitre 2 : Théorie des capteurs électrochimiques potentiométriques

3. Propriétés de détection

a. Sensibilité et limite de détection (LOD)

La courbe d’étalonnage d’un capteur potentiométrique représente le signal de sortie (en V ou mV) en fonction du logarithme de l’activité (ou de la concentration) de l’ion primaire (Figure 46). La sensibilité du capteur s’obtient ensuite en calculant la pente de la partie linéaire de la courbe d’étalonnage.

En dessous d’une certaine concentration en ion primaire, la pente de la réponse du capteur diminue progressivement avec la baisse de concentration, jusqu’à devenir nulle.

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Plusieurs méthodes existent pour déterminer la limite de détection (LOD) des capteurs potentiométriques. La plus simple et largement acceptée est définie comme le point d’intersection des extrapolations des deux parties linéaires de la courbe de calibration (Figure 46).

Figure 46 : Définition de la limite de détection d’un capteur potentiométrique

La baisse de sensibilité avec la diminution de concentration peut s’expliquer par une perturbation locale de la concentration de la solution engendrée par la membrane à l’interface membrane/solution. Cette perturbation peut être causée par le relargage d’une faible quantité d’ions primaires de la membrane vers la solution, créant une concentration d’ions primaires non nulle à l’interface. L’abaissement de la sensibilité peut également être causé par l’interférence des autres ions contenus dans la solution dont la concentration n’est alors plus négligeable [38].

Dans le cas d’une ISE conventionnelle, des flux d'ions sont générés à l'intérieur de la membrane en raison des différences de concentrations des solutions de part et d’autre de la membrane. En incitant le profil de concentration des ions primaires contenus dans la membrane à diminuer vers la solution interne, leur extraction vers l’analyte peut être évitée et la limite de détection améliorée. Dans le cas d'un capteur ISFET ou ISE à contact solide, il n’y a pas de réservoir interne d’ions pour maintenir les conditions d’équilibre du gradient de concentration. Il est néanmoins possible d’introduire temporairement de tels gradients en conditionnant un capteur ISFET/ISE à contact solide dans une solution qui contient seulement des ions interférents et aucun ion primaire. Ce type de conditionnement entraîne un échange entre les ions primaires de la membrane et les ions interférents de la solution. Après conditionnement, lorsque le capteur est à nouveau mis en contact avec une solution contenant peu d'ions primaires, un processus inverse se produit avec un flux d'ions primaires dirigé de la solution vers la membrane. Cela se traduit par une meilleure limite de détection [39].

b. Sélectivité

La sélectivité caractérise la capacité du capteur à distinguer l’ion primaire des autres ions. Cette propriété est particulièrement essentielle dans le cadre du projet INNOPERF-Blé puisqu’il est évident que le sol est toujours composé d’un vaste nombre d’ions présents en quantité variable. La modification de la réponse d’un capteur potentiométrique engendrée par un ion interférent dépend de la nature et de la concentration de ce dernier. Il est important que l’évaluation de la sélectivité d’un ion donné se fasse par une méthode reproductible autorisant la comparaison des résultats obtenus par différentes équipes de recherches travaillant sur

71 différentes membranes. Ceci est particulièrement vrai dans le cadre du développement d’une membrane afin de déterminer si les améliorations de sélectivité souhaitées ont été atteintes [40].

Dans le but de faciliter la communication scientifique, l’IUPAC a recommandé des méthodes pour la détermination d’un coefficient de sélectivité 𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡 témoignant de l’interférence d’un ion 𝐽 sur la détermination de l’activité de l’ion primaire 𝐼 [6]. Ces recommandations se basent sur l’équation étendue de Nikolskii-Eisenman:

𝐸𝑀 =

𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡 +𝑅𝑇

𝑧

𝑖

𝐹ln

(

𝑎

𝑖

+

𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡

𝑎

𝑗𝑧𝑖𝑧𝑗

) (66)

D’après l’équation (66), la sélectivité doit être quantifiée à partir de l’activité ionique. Or, dans la littérature scientifique, les changements induits par les variations de force ionique sont très souvent négligés lors de la détermination des coefficients de sélectivité [40]. Dans la pratique, ils sont donc souvent calculés directement à partir des valeurs de concentration.

De plus, les recommandations de l'UICPA insistent sur le fait que les coefficients de sélectivité ne sont vraiment significatifs que lorsque l'électrode présente une réponse quasi-Nernstienne aux ions primaires et interférents.

Il existe un grand nombre de méthodes pour la détermination des coefficients de sélectivité. L’usage d’une méthode plutôt qu’une autre fait encore débat dans la communauté scientifique. Certaines publications récentes proposent encore de nouvelles méthodes pour corriger l’influence de certains paramètres comme le temps ou le conditionnement du capteur [41]. Dans cette partie, seules les méthodes proposées par l’IUPAC seront présentées. Ces méthodes peuvent être regroupées en deux catégories :

- « Fixed Interference Methods » (FIM) : la détermination de la sélectivité se fait dans une solution contenant simultanément l’ion primaire et l’ion interférent.

- « Separate Solution Methods » (SSM) : la détermination de la sélectivité se fait successivement dans des solutions où l’ion primaire et l’ion interférent sont séparés.

i. Fixed Interference Method (FIM)

La réponse du capteur est mesurée dans une solution contenant un ion interférent dont l’activité 𝑎𝑗 est constante tandis que l’on fait varier l’activité

𝑎

𝑖 de l’ion primaire. On trace ensuite la variation du potentiel électrique mesuré en fonction du logarithme de l’activité de l’ion primaire

𝑎

𝑖. L'intersection de l'extrapolation des parties linéaires de cette courbe indique la valeur de

𝑎

𝑖 à utiliser pour calculer 𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡 à partir de l'équation (Figure 47):

𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡=

𝑎

𝑖

𝑎

𝑗𝑧𝑖𝑧𝑗 (67)

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Figure 47 : Exemple de la détermination du coefficient de sélectivité envers l’ion chlorure Cl- pour un capteur d’ammonium

Dans la présentation des coefficients obtenus avec cette méthode, il est important de spécifier quelle était l’activité de l’ion interférent.

ii. Separate Solution Method (SSM)

Le potentiel électrique 𝐸𝑖 du capteur est mesuré successivement dans une solution contenant uniquement l’ion primaire 𝐼 d’activité

𝑎

𝑖. Le potentiel électrique 𝐸𝑗 est ensuite mesuré dans une autre solution contenant uniquement l’ion interférent 𝐽 d’activité 𝑎𝑗, telle que 𝑎𝑗=

𝑎

𝑖. Le logarithme du coefficient de sélectivité 𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡 peut alors être calculé à partir de l’équation suivante :

log 𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡=(𝐸𝑗− 𝐸𝑖)

𝑧

𝑖

𝐹

2,303𝑅𝑇 + (1 −

𝑧

𝑖

𝑧

𝑗

) log 𝑎

𝑖 (68)

iii. Separate Solution Method (SSM) II

Le potentiel électrique 𝐸𝑖 du capteur est d’abord mesuré dans une solution contenant uniquement l’ion primaire 𝐼 d’activité

𝑎

𝑖. Puis, le capteur est placé dans une solution contenant uniquement l’ion interférent 𝐽 dont on fait varier l’activité 𝑎𝑗 jusqu’à obtention d’un potentiel 𝐸𝑗 tel que 𝐸𝑗 = 𝐸𝑖. Après avoir déterminé la valeur de l’activité 𝑎𝑗 donnant lieu à cette égalité, on peut calculer le coefficient K en utilisant l’équation ci-dessous :

𝐾𝑖𝑗𝑝𝑜𝑡=

𝑎

𝑖

𝑎

𝑗𝑧𝑖𝑧𝑗 (69)

Quelques éléments théoriques ont été introduits dans ce chapitre afin de décrire le comportement électrique attendu d’une structure ISE ou ISFET recouverte d’un matériau ionosensible pouvant être une membrane polymérique ou un matériau inorganique tel que le nitrure de silicium Si3N4. Les prochaines parties tenteront d’expliquer plus concrètement comment réaliser une membrane polymérique ionosensible disposant de propriétés de détection satisfaisantes. Pour rappel, dans le cadre du projet INNOPERF-blé, nous souhaitons développer des microcapteurs ISFET pour la détection du pH, de l’ion ammonium NH4+ et de l’ion nitrate NO3- du sol. La détection de ses deux derniers ions est réalisée par

73 fonctionnalisation des puces génériques pH-ISFET en déposant une membrane polymérique ionosensible.