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II. Rôle du canal calcique de type T dans l’excitabilité thalamique

II.2. Propriétés des courants T

II.2.1. Propriétés biophysiques

Activation et inactivation du canal T : L’expression des canaux Cav3.1, Cav3.2 et Cav3.3 dans des cellules HEK montre que les potentiels de demi-activation sont respectivement de -52 mV, -43 mV et -60 mV. Les potentiels de demi-inactivation de -85 mV, -74 mV et -93 mV (McRory et al., 2001) (figure 20A).

La cinétique d’activation des canaux T est relativement lente (entre 0,5 et 5 msec) (Burgess et al., 2002), comparée à celle des canaux calciques HVA, tels que les canaux de type P/Q. La constante d’activation de ces canaux est dépendante du potentiel, s’accélérant lorsque la dépolarisation augmente. La particularité de ces canaux est leur capacité à s’ouvrir pour des potentiels proches du potentiel de repos des neurones (figure 20A). Malgré la diversité des propriétés biophysiques entre les différents isotypes, le seuil d’activation des canaux T se situe aux alentours de -65 mV et le courant maximal vers -30 mV (Perez-Reyes, 2003) (figure 20B). Ce potentiel d’activation est bas comparé aux canaux HVA (autour de -40 mV), d’où la terminologie LVA pour les canaux T.

L’autre particularité des canaux T est d’avoir une décroissance rapide du courant liée à l’inactivation des canaux, environ 20 msec pour les canaux Cav3.1et Cav3.2, mais cinq fois plus lente pour les canaux Cav3.3 (environ 110 msec) (figure 20C). Ces différences de cinétique induisent des réponses spécifiques de ces canaux en fonction du temps passé à des potentiels dépolarisés. Ainsi, lors de décharge de PA, les canaux Cav3.1et Cav3.2 s’inactivent rapidement lorsque la fréquence de décharge excède 20 Hz. À l’inverse, les Cav3.3 peuvent continuer à s’ouvrir lorsque la fréquence de décharge dépasse 100 Hz (Kozlov et al., 1999). Ainsi, ces canaux pourraient contribuer différemment à l’intégration des signaux et à la définition des patrons de décharge. Il a été proposé que les canaux Cav3.1et Cav3.2 seraient plutôt impliqués lors de courtes décharges en bouffées de PA alors que les canaux Cav3.3 contribueraient aux décharges de plus longue durée (Chemin et al., 2002).

Contrairement à la cinétique d’activation, la cinétique d’inactivation est indépendante du potentiel de membrane. Pour des potentiels de membrane aux alentours de -55 mV, les canaux sont majoritairement dans un état inactivé. La levée de cette inactivation (déinactivation) nécessite un passage par un potentiel hyperpolarisé, le potentiel moyen de demi-déinactivation se situe entre -85 mV et -75 mV (Leresche et al., 2004; Perez-Reyes, 2003) (figure 20A) et on peut considérer qu’au-delà de -90 mV, la quasi-totalité des canaux T est déinactivée. Un des paramètres biophysique très important du point de vue physiologique est la valeur de la cinétique de déinactivation. De ce point de vue, les canaux Cav3.1 sont les plus

rapides. En effet environ 100 ms à un potentiel de -90 mV permettent aux canaux Cav3.1 de sortir de l’inactivation, alors qu’une hyperpolarisation de 350 à 400 ms est nécessaire pour les canaux Cav3.2 et Cav3.3 (Klöckner et al., 1999).

Une fois ouvert, la constante de temps guidant la fermeture des canaux T (déactivation) est relativement lente. De 2 à 12 msec contre moins de 0,3 msec pour les canaux calciques HVA (McRory et al., 2001). Les canaux T se ferment d’autant plus rapidement que le potentiel test est plus hyperpolarisé (Klöckner et al., 1999). Là aussi, il existe des différences notables entre les différents isotypes de canaux T, le canal Cav3.3 étant plus rapide que les 2 autres isotypes (Kozlov et al., 1999). Une fois inactivés, tous les canaux Cav3 doivent passer à nouveau par un potentiel hyperpolarisé pour se déinactiver (figure 20A ; courbe d’inactivation à l’état stationnaire).

Figure 21 : Représentation schématique des processus d’activation et d’inactivation des canaux calciques de type T

A : un canal est représenté comme deux protéines transmembranaires associées au sein d’une

bi-couche lipidique. Ce canal présente trois conformations, inactivé, déinactivé/fermé et activé/ouvert. Les flèches représentent les transitions entre ces trois états, les valeurs donnent les gammes de constantes de temps obtenues en système recombinant et en système natif. Flèche 1 : déinactivation, flèche 2 : activation, flèche 3 : déactivation, flèche 4 : inactivation

B : les différentes configurations du canal sont présentées schématiquement en relation avec le niveau

de polarisation de la membrane du neurone

Genèse d’un courant calcique : Une hyperpolarisation entraîne donc une déinactivation des canaux T, qui restent néanmoins fermés à ce potentiel hyperpolarisé. Ils s’ouvrent sous l’effet d’une dépolarisation, avant de repasser dans un état inactivé, induisant un courant calcique transitoire qui induit la dépolarisation brève appelée PCBS (figure 21). Ce phénomène est paradoxal, dans le sens où, suite à une inhibition, permettant l’hyperpolarisation du neurone, les canaux T sont susceptibles de provoquer une excitation. Au moment de sa description, ce phénomène de « rebond » (Jahnsen, 1986) remettait en cause la terminologie classique, qui voulait que des PPSE soient excitateurs et des PPSI, inhibiteurs (Eccles, 1951).

Les cinétiques de courant calcique des différentes sous-unités de canaux T dépendant de leur constante de temps, d’activation, d’inactivation et du recouvrement de l’inactivation (déinactivation), échafaudant un courant calcique qui leur est propre (figure 22).

Figure 22 : Enregistrements représentatifs de courants calciques issus des 3 isotypes de canaux T

Courants calciques Cav3.1 (α1G), Cav3.2 (α1H), Cav3.3 (α1I) évoqués par des créneaux de potentiel dépolarisant de 150 msec entre -90 et 0 mV avec des incréments de 10 mV, à partir d’un potentiel de repos de -110 mV. Canaux de type T de rats exprimés dans des cellules HEK.

D’après (McRory et al., 2001)

Si l’on observe, pour chaque sous-unité des canaux T, les courbes d’activation et d’inactivation à l’état stationnaire (figure 20A), on remarque un chevauchement des deux courbes formant une aire. Au niveau de cette aire, les états ouvert, fermé et inactivé coexistent, laissant une fraction des canaux continuellement ouverte. Cet équilibre donne lieu à un courant calcique, faible, mais maintenu, appelé « courant de fenêtre », (ITwindows) (Crunelli et al., 2005; Williams et al., 1997). Malgré sa taille relativement faible de l’ordre de quelques dizaines de picoampères (Dreyfus et al., 2010), la présence de ce courant dans une gamme de potentiel comprise entre -60 mV et -70 mV, lui confère une importance particulière dans l’excitabilité des neurones thalamiques. Dans les neurones TC et NRT, ce courant

participe au maintien du potentiel de repos et serait un des acteurs indispensables permettant la bistabilité (Dreyfus et al., 2010; Hughes et al., 1999).

Spécificités d’expression des sous-unités de canaux T dans le thalamus : Les courants calciques enregistrés dans les neurones TC et les neurones du NRT, présentent des différences de cinétique d’activation et d’inactivation. Dans les neurones TC, le courant est inactivé en 110 msec lors d’une dépolarisation à -30/-40 mV, le double de temps est nécesaire pour les neurones du NRT (Huguenard and Prince, 1992) (figure 23).

Figure 23 : Courants calciques de type T dans les neurones du NRT et dans les neurones TC

Les courants calciques ont été enregistrés dans des neurones isolés de rats âgés de 7 à 12 jours, dans un neurone NRT (gauche) et dans un neurone TC du VB (droite). Ils ont été évoqués par des sauts de potentiel, à partir de -100 mV, au potentiel test indiqué sur la figure.

D’après (Huguenard and Prince, 1992)

Cependant, à un niveau plus détaillé, des propriétés biophysiques légèrement différentes ont été décrites selon les sytèmes d’étude. Ainsi, sur des neurones natifs enregistrés sur tranches de cerveau l’amplitude maximale de courant est obtenue pour des potentiels membranaires plus hyperpolarisés (-45 mV) qu’en système recombinant et même en cellules isolées (-30 mV) (Perez-Reyes, 2003). Cette différence pourrait être expliquée par l’absence ou la perte de régulation des canaux T dans ces dernières conditions. Cependant elle peut aussi en partie découler de la difficulté à imposer un potentiel de membrane uniforme sur l’intégralité de l’arborisation dendritique des neurones enregistrés dans de stranches de cerveau.

Pharmacologie et régulation du canal T : L’étude du rôle des différents canaux calciques dans l’activité électrique de la cellule nécessite l’utilisation de bloqueurs spécifiques. En ce qui concerne les canaux calciques à haut seuil d’activation que sont les canaux de type L, N, P et Q, chacun d’eux possède depuis longtemps un antagoniste qui lui est propre, ce qui n’était pas le cas pour les canaux de type T. Ce n’est en effet que depuis la synthèse en 2008 par le laboratoire Merck du TTA-P2, et la confirmation de la sélectivité et

de l’efficacité de cette molécule par différentes études (Choe et al., 2011; Dreyfus et al., 2010), que les canaux T possèdent enfin un antagoniste digne de ce nom. Avant cela, l’utilisation de métaux, comme le nickel (Lee et al., 1999b), ou d’inhibiteurs non spécifiques, comme le mibefradil (Lory and Chemin, 2007; Perez-Reyes, 2003) étaient les seules options posibles pour bloquer les canaux T.

A ce jour, une seule régulation des canaux T ont été décrites dans les neurones thalamiques. Dans les neurones TC sensoriels uniquement, l’amplitude du courant T peut être augmentée de façon transitoire (x1,5 en moyenne) suite à une période d’inactivation des canaux (Leresche et al., 2004). Ce phénomène appelé « potentiation » impliquerait un mécanisme enzymatique qui phosphorylerait les canaux T inactivés lorsque le neurone est à un potentiel dépolarisé. Les canaux se déphosphorylent lentement lors d’une hyperpolarisation qui sort les canaux de l’inactivation tout en les laissant fermés. C’est donc l’équilibre entre les cinétiques de déphosphorylation et de déinactivation ayant lieu lors de l’hyperpolarisation qui détermine l’amplitude du courant T évoqué. La déphosphorylation se produit 10 fois plus lentement que la déinactivation. Ainsi, si la durée d’hyperpolarisation est longue, tous les canaux T seront sortis de leur inactivation, mais ils seront tous déphosphorylé. Après 10 s à un potentiel de -100 mV, la totalité des canaux T est dépotentiée et le courant généré est d’amplitude minimale. Inversement, si la durée d’hyperpolarisation se situe autour de 1 s, les canaux auront le temps de sortir de leur inactivation tout en restant potentiés, le courant généré est alors maximal (Leresche et al., 2004).

Sur la base des données de la littérature, d’autres régulations des canaux T thalamiques pourraient exister. En effet, des études effectuées dans d’autres structures ou sur des canaux recombinants suggèrent l’existence de nombreux mécanismes régulant l’activité de ces canaux, en particulier par des voies de signalisation intracellulaire dépendantes pour la plupart des protéines G (Iftinca and Zamponi, 2009). Il faut mentioner que les canaux T possèdent de nombreux sites de phosphorylation mis en évidence par l’analyse des séquences protéiques. Une étude a montré par exemple, une potentialisation des canaux Cav3.1 au niveau des cellules de Purkinje, par l’activation des récepteurs mGluR1 (Hildebrand et al., 2009).