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CHAPITRE 2. LE SOLU, L'EXEMPLE DE JUBING VDC

4. L'ETUDE DES SYSTEMES PASTORAUX EN 2014

4.2. L ES SITES DU PASTORALISME ET LEURS PLANNINGS

4.2.3. Propriété, système de location et paiement

Comment connaître le propriétaire d'un kharka ? Le kharka, est-il un espace commun d'un village ou appartient-il à une famille et surtout à quel individu ?

Le système de propriété et les méthodes de paiement pour la location sont simples mais tendent à se complexifier.

Le plus dur de l'exercice est de remonter le temps et de comprendre comment cette disposition et ce système ont évolué.

groupe d'individus sherpa est descendu du Nord et a demandé au thaluk ou thalukdar, le chef du village officiant comme collecteur d'impôts, s'ils pouvaient s'installer sur les terres des hauts versants (informations personnelles et DUPLAN T., 2011). Le thaluk ne possède pas toutes les terres non cultivées, les forêts et les pâturages mais il les distribue aux nouveaux villageois qui s’enregistreront sur le registre du cadastre. Certains thaluk profitaient de cette position et conservaient les meilleures terres.

A ce moment là, les villages sont de taille réduite, la forêt est plus dominante et les terres ne manquent pas. Comme il m'a été raconté : « Premier arrivé, premier servi », les Sherpa ont ainsi acquis les villages de Bupsa, Kharte, Bhalukhop, Kupra et Pangom.

Les premiers arrivés ont reçu du thaluk une terre assez vaste pour une famille puis au fil du temps le découpage du territoire pour l'héritage a réduit de taille la première terre et a diversifié les propriétaires, qu'ils soient de la famille ou issus de mariages inter-village.

Pour les kharka, ce fut le même principe et l'on se rend compte que les kharka de la zone de Pangom utilisés par Kasi et Jambo Sherpa sont les propriétés de la famille de la femme de Kasi, Pasang Anshi Sherpa. Elle possède quelques uns de ces kharka, pour le reste, ils appartiennent aux frères et sœurs ainsi qu’à la mère Lackpadoma Sherpa qui vit encore à Pangom. Les autres membres de la famille n'utilisent pas ces kharka car ils sont partis dans l’espoir d’une meilleure vie dans la capitale ou dans la vallée de Kathmandu.

A propos de l’époque du thaluk, le VDC était une société tributaire centralisée. Chaque paysan est obligé de s'enregistrer auprès du thaluk et de lui payer une taxe foncière dont une partie sera reversée au roi (DUPLAN T., 2011). Le thaluk est une personne importante du village, la plus riche souvent, mais elle est nommée par les villageois. Les taxes peuvent être parfois importantes et les villageois qui ne parviennent pas à les payer peuvent en échange travailler un ou plusieurs jours sur l'exploitation du thaluk.

Cette taxe est payable en argent mais surtout en denrées alimentaires comme du beurre ou des céréales ou encore de l'alcool artisanal, tchang - rakchi.

Le thaluk décidait également des dates des récoltes, de la vaine pâture et de la montée dans les pâturages.

Le système des thaluk est révolu depuis les années 1980. Le thaluk tenait un registre qui dans les années 75-80 a été actualisé et a permis de mieux ordonner les taxes car la corruption était beaucoup trop courante. Nous avons entendu bien des histoires sur la question des propriétés et il semble que la fin des thaluk fut une bonne chose pour tout le monde.

Aujourd’hui, les terres sont plus ou moins taxées en fonction de leur potentiel agricole. Si le terrain permet plusieurs rotations de cultures la taxe est plus élevée que si cet espace est un terrain de pâture.

Nous n'avons pas réussi à obtenir cette classification, les registres sont flous et difficilement déchiffrables sans une parfaite connaissance de la langue mais nous avons rencontré des secrétaires de Salleri venant pour donner des aides aux personnes âgées.

Ils nous expliquent qu'en 1994-1995 vraisemblablement, des techniciens sont venus mesurer les terrains et attitrer des taxes. Le Buddha Lodge où nous étions à Khari Khola est la propriété de Prem Tapa Magar, le chef du village qui détient les registres de Jubing VDC. Les secrétaires arpentent tout le Solukhumbu village par village afin de récolter les taxes ou de donner des aides.

Les secrétaires considèrent que les taxes du gouvernement ne sont pas élevées (1,5- 2Rs/an/kharka) et qu’elles permettent de donner de l'importance à la terre, à la propriété et à l’environnement. Ce faible coût est établi pour responsabiliser les villageois de la gestion de leur propriété. De plus, les secrétaires considèrent que cet argent servira pour le bien commun : aides pour des panneaux solaires, constructions d'écoles ou de centrales hydroélectriques. Prem Tapa Magar, le chef du village, a financé en partie une deuxième centrale pour Khari Khola et le reste provient des aides de l’Etat.

Concernant les kharka, la mission est plus délicate. Les parcelles n'ont pas pu être enregistrées correctement car les propriétaires sont souvent absents et qu'il est difficile d'établir la mesure exacte et la répartition de ces espaces dans un relief accidenté et peu facile d'accès.

Sur le registre est donc juste inscrit le nom du kharka et le ou les propriétaire(s), la localisation et la superficie n’apparaissant pas. Une taxe d’une dizaine de roupies est demandée par an. Toutefois le paiement pour la location des kharka, les utilisateurs connaissent plus ou moins les propriétaires, il s’effectue par système de troc, de services ou rarement sur un échange monétaire. Pour nous, retrouver le propriétaire d’un kharka s’avère parfois difficile. Pour donner un exemple, le kharka proche de Pangom, Sangasim, est divisé entre dix propriétaires de plusieurs familles différentes. Il faut alors en trouver au moins un et lui demander la permission d’utiliser sa propriété. Généralement ces espaces sont gratuits (Kami Kantshi ne paie pas ce kharka). Parfois il faut savoir que des kharka sont des kharka « traditionnels » c'est à dire qu'ils sont communs depuis des générations, utilisés par les ancêtres. On y retrouve les kharka pour les buffles et les bovins tels que Gekukharka, Kutra, Bhalua, Lenjikharka, utilisés par certains Sherpa et les autres ethnies à des moments différents de l’année. Plus en amont en lien avec le village de Bhalukhop : Pherkedingma est un kharka traditionnel, à Pangom, Pumdokharka est un kharka public et donc traditionnel.

Pour les pasteurs que nous avons interviewés, certains possèdent déjà quelques kharka, d’autres utilisent gratuitement des propriétés par le biais de connaissances (le voisin, le frère de la femme ou encore plus loin généalogiquement) et tous peuvent pâturer dans des kharka publics qu’ils appellent traditionnels.

Pour ceux qui louaient des kharka, le prix était bien souvent d’un darni de ghi soit 2,5 kg de beurre clarifié pour l'emplacement.

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