0.3 Plan de la thèse
1.2.3 Propriété métrique du bord d’un espace hyperbolique
Cette partie est consacrée à l’étude métrique du bord à l’infini. M. Gromov a proposé une construction d’une métrique sur tout espace δ−hyperbolique. Nous ne travaillerons pas dans la généralité de ces espaces, le fait est qu’une variété d’Hadamard est hyperbolique au sens de Gromov. Ainsi, nous confinerons notre présentation à ce cadre. Une référence classique pour l’étude du bord d’un espace hyperbolique est le livre d’E. Ghys et P. De la Harpe, [GdlH90].
Définition 1.2.14. Soit (X, d) un espace d’Hadamard et o ∈ X un point base. On appelle produit de Gromov de (x, y) ∈ X2 le réel défini par
(x|y)o= 1
2(d(x, o) + d(y, o) − d(x, y)).
Définition 1.2.15. Soit xi une suite de points de X. On dit que xi tend vers l’infini si
limi,j→∞(xi, xj)o = ∞. Cette définition ne dépend pas du points o choisi. Deux suites de
points xi et yi sont dites équivalentes si limi,j→∞(xi, yj)o= ∞
Cette compactification concorde avec celle donnée par les rayons géodésiques.
Proposition 1.2.16. [GdlH90, Ch7. Prop 4] L’ensemble des classes d’équivalence des
suites tendant vers l’infini est en bijection avec le bord ∂X.
Un point du bord ξ ∈ ∂X est donc représenté soit par un rayon géodésique,c, soit par une suite de points xi. On dit que c(t) → ξ ou xi→ ξ. Soit ξ ∈ ∂X on note
où (ξ, η)o := sup lim infi,j(xi, yj)o, et où le supremum est pris sur l’ensemble des suites xi
et yj telles que xi → ξ, yj → η. Le bord ∂X est muni de la topologie engendrée par les
Vr(ξ). Pour cette topologie ∂X est compact.
Définition-Théorème 1.2.17. [GdlH90] Soit X une variété d’Hadamard. La fonction
D
(
∂X × ∂X −→ R+
(ξ, η) 7−→ e−(ξ,η)o si ξ 6= η, 0 sinon .
est une distance, dite de Gromov, qui induit la topologie conique.
Donnons tout de suite l’exemple élémentaire suivant :
Proposition 1.2.18. [BS07, lemma 2.4.4] Dans le modèle du disque hyperbolique,
exp(−(ξ1, ξ2)o) = sin(
θ
2)
où θ est l’angle entre ξ1 et ξ2 vu comme des points de S1.
Démonstration. Soient γi : [0, ∞[→ H2 les rayons géodésiques entre o et ξ
i et h(t) = d(γ1(t), γ2(t)). On a e−(ξ1,ξ2)o = lim t→∞ eh(t)e−2t1/2.
La formule du cosinus entre o, γ1(t) et γ2(t) donne
cosh(h(t)) = cosh2(t) − sh2(t) cos(θ). Comme 1 − cos(θ) = 2 sin2(θ/2) on a
eh(t)∼t→∞e2tsin2(θ/2).
Ceci conclut la preuve.
Corollaire 1.2.19. Pour H2 les ensembles Vr(ξ) coïncident avec {η ∈ S1| ≺o (ξ, η) ≤
2 arcsin exp(−r)}. La distance de Gromov définit la topologie usuelle sur S1.
Prolongement des quasi-isométries au bord Une quasi-isométrie entre deux espaces est une fonction qui respecte les distances « à grande échelle » :
Définition 1.2.20. Soit (X1, d1) et (X2, d2) deux espaces d’Hadamard. Une fonction F : X1 → X2 est une quasi-isométrie si il existe C1 > 1 et C2> 0 tel que pour tout x, y ∈ X1 :
1
C1d1(x, y) − C2≤ d2(F (x), F (y)) ≤ C1d2(x, y) + C2.
Une des propriétés clés des quasi-isométries est qu’elles s’étendent en des fonctions continues entre les bords, par le lemme de Morse
Proposition 1.2.21. [GdlH90, Ch.5, Th.6] L’image d’une géodésique de X1 par une quasi-isométrie est à distance bornée d’une unique géodésique de X2.
Ceci permet d’étendre au bord de l’espace hyperbolique une quasi-isométrie. En effet, soient F une quasi-isométrie et c1 un rayon géodésique représentant ξ ∈ ∂X1. D’après la
proposition, F (c1) est à distance bornée d’une unique géodésique : c2. Si c01 est un autre représentant de ξ, c1et c01 sont à distance bornée et comme F est une quasi-isométrie F (c01) est à distance bornée de F (c1) et donc de c2. Ainsi, [c2] ne dépend pas du représentant de ξ et on définit F au bord par F (ξ) = [c2].
Exemple Munissons S de deux métriques à courbure négative : S1 et S2. Soit f un
difféomorphisme entre elles, par compacité, la norme de la différentielle est bornée sur S1, donc tout relevé F :Sf1 →Sf2 est une quasi-isométrie.
Théorème 1.2.22. [Hyp90, Ch.7,Prop.14] [BS11, Theorem 6.5] L’application F obtenue
en relevant un difféomorphisme entre deux surfaces compactes à courbure négative difféo- morphes, s’étend en une application continue entre les bords des revêtements universels, toujours notée F . Cette fonction F est Hölder et vérifie la propriété dite de quasi-symétrie suivante : il existe C > 0 tel que pour tout ξ ∈ ∂H2 pour tout r > 0 il existe r0 tel que
B(F (ξ), 1 Cr
0
) ⊂ F (B(ξ, r)) ⊂ B(F (ξ), Cr0) (1.11)
Si S1 et S2 sont hyperboliques, les exposants Hölder peuvent être pris égaux à dil± : il existe C et λ±> 0 tel que pour tout ξ, η ∈ ∂H2 on a
1
Cd(ξ, η)
dil+ ≤ d(F (ξ), F (η)) ≤ Cd(ξ, η)dil−,
où λ−= infΓ l(γl(γ21)) et λ+= supΓ
l(γ2)
l(γ1).
Démonstration. Le fait que F soit Hölder est prouvé dans [Hyp90, Ch.5,Prop.15]. D’après
cette proposition, si F vérifie d(F (x), F (y)) ≤ λd(x, y) + C, on peut choisir l’exposant Hölder de F−1 égal à λ. Si S1 et S2 sont hyperboliques, W. Thurston a prouvé dans
[Thu98] que la meilleure constante pour un homéomorphisme bi-Lipschitz entre S1 et
S2 est donnée par dil+ := supc∈C `2(c)
`1(c). Par densité des fonctions C
1 dans les fonctions
Lipschitz, il existe un difféomorphisme, g : S1 → S2 dont la norme de la différentielle est majorée par dil++ε pour tout ε > 0. Ainsi, il existe K > 0 tel qu’un relevé de ce difféomorphisme G vérifie
d2(G(x), G(y)) ≤ (dil++ε)d2(x, y) + K.
L’exposant Hölder de G−1peut donc être pris égal à dil+. En faisant le même raisonnement avec f−1on prouve que l’exposant Hölder de G peut être pris égal à 1
sup`1(c)
`2(c)
= dil−. Comme
F et G sont à distance bornée, elles définissent la même application au bord, ainsi on peut
choisir les exposants Hölder de la façon annoncée.
La propriété de quasi-symétrie est prouvée en plus grande généralité dans [BS11, Theo- rem 6.5].
Finissons cette sous partie en introduisant la notion d’ombre qui permet de passer de la géométrie de l’intérieur de X à la géométrie de son bord.
Définition 1.2.23. Soit X un espace d’Hadamard . Soient x et y deux points de X, et
R > 0 un réel positif. On appelle l’ombre de B(y, R) vu de x le sous-ensemble de ∂X définie par
O(x, y, R) := {[c] ∈ ∂X | c(0) = x et c ∩ B(y, R) 6= ∅}.
Soit ρi les représentations de Γ dans Isom(fSi), notons γi := ρi(γ), et choisissons F une quasi-isométrie, (ρ1, ρ2)équivariante, telle que F (o) = o. Comme F est une quasi- isométrie, une géodésique à distance inférieure à R de γ1o est envoyée sur une géodésique
à distance bornée (dont la borne ne dépend que R et des constantes de quasi-isométrie.) de γ2o. Autrement dit, il existe K > 0 et R0 tel que pour tout R > R0 et tout γ ∈ Γ on a
O(o, γ2o, R
Les ombres sont comparables à des boules pour la distance de Gromov sur le bord. Ceci est prouvé pour des groupes hyperboliques dans [Cal13, Lemma 2.5.7] et dans la preuve de [Cal13, Lemma 2.5.10].
Proposition 1.2.24. [Cal13, Lemma 2.5.7] Il existe des constantes C > 1, R > 0 telles
que pour tout ξ ∈ ∂X et tout r > 0 on ait
B(ξ, 1
Cr) ⊂ O(o, x, R) ⊂ B(ξ, Cr), où x ∈ X est tel que e−dX(x,o)= r.
De même, il existe C > 1, R > 0 tel que pour tout ξ ∈ ∂X, r > 0 il existe x, y ∈ X vérifiant O(o, x, R) ⊂ B(ξ, r) ⊂ O(o, y, R) et tel que C1r ≤ e−d(o,x) et e−d(o,y)≤ Cr.
La deuxième propriété implique que |d(o, x) − d(o, y)| ≤ 2 log(C), comme de plus il existe une géodésique [o, ξ) qui rencontre la boule B(x, R) et B(y, R) on a donc d(x, y) ≤ 2 log(C). Ainsi, on peut reformuler cette propriété par, il existe C > 1, R > 0 tel que pour tout ξ ∈ ∂X et r > 0, il existe x ∈ X tel que O(o, x, R) ⊂ B(ξ, r) ⊂ O(o, , R + 2 log(C)) et C1r ≤ e−d(o,x) ≤ Cr.