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Proposition de loi de Sylvain Waserman relative à la responsabilité financière des

Cette proposition de loi s’inscrit dans la suite de la résolution votée le 30 novembre 2017 relative à la vie associative, et concerne les risques endurés par des présidents bénévoles d’association.

Dans un souci de moralité des affaires, le droit des entreprises en difficulté a toujours prévu la possibilité de sanctionner les dirigeants ayant contribué au dépôt de bilan de leur société, soit par des fautes de gestion, soit par des actes frauduleux accomplis dans leurs propres intérêts (hors du champ de la réflexion bien entendu).

Ces sanctions touchent les dirigeants de droit comme les dirigeants de fait, les dirigeants rémunérés mais aussi les dirigeants bénévoles des associations.

Les sanctions encourues sont de deux sortes :

• les sanctions de nature pécuniaire qui conduisent à condamner le dirigeant fautif à indemniser l’association lésée ; • les sanctions personnelles qui consistent en une interdiction de gérer et de diriger des personnes morales

(entreprises ou associations) pour l’avenir.

La condamnation au comblement du passif prévue à l’article L. 651-2 du code de commerce fait partie du 1er cas.

Le dirigeant d’une association en liquidation judiciaire engage sa responsabilité s’il a commis une ou plusieurs fautes de gestion qui ont conduit à générer une insuffisance d’actifs.

Le dirigeant peut ainsi être amené à supporter personnellement tout ou partie des dettes, alors même que le patrimoine du dirigeant d’association est bien distinct de celui de l’association.

La notion de faute de gestion n’est pas définie par la loi, la notion a donc été encadrée par la jurisprudence. Il peut s’agir d’une absence générale ou partielle de gestion ou d’actes de gestion, soit frauduleux soit engagés en dépit du bon sens. Constitue ainsi une faute de gestion une insuffisance de fonds propres ou la poursuite d‘une activité déficitaire.

Attention : la notion de faute de gestion peut inclure la non déclaration de faillite lorsque le passif dépasse l’actif (ex : attente d’une subvention nécessaire pour payer les salaires)

En général, les difficultés naissent pour les petites associations de la rupture d’un soutien financier local subi. Le dirigeant peut ainsi se placer en situation de commettre une faute de gestion en ayant engagé des projets avec la certitude que le soutien financier récurrent de la collectivité allait être accordé, renouvelé, et que celui-ci ne l’a finalement pas été. Avec les épisodes de retrait de financement subis ces dernières années par certaines associations notamment de la part de certains conseils départementaux qui ont recentré leurs soutiens sur leurs compétences d’attribution, de telles situations peuvent survenir, d’autant plus que la faute de gestion peut être retenue même si le caractère non intentionnel est avéré.

Le président d’une association ne peut se prévaloir du fait que l’association est d’intérêt général pour s’exonérer de sa responsabilité dans le cadre d’une action en comblement de passif (Cass. Com., 27 juin 2006, n° 04-16.296, inédit). A noter que les tribunaux disposent d’un pouvoir d’appréciation tant sur le principe même de la condamnation que sur son montant. Il relève donc du seul pouvoir du juge de tenir compte ou non du caractère bénévole pour appliquer plus ou moins rigoureusement la responsabilité aux dirigeants bénévoles.

Ainsi, il faut relever certaines jurisprudences contradictoires aux termes desquelles des magistrats retiennent que l’absence d’objet lucratif comme le statut de bénévole de ses dirigeants ne peut exonérer totalement les dirigeants de leur responsabilité pour insuffisance d’actif (Cass.com., 22 janv. 2013, n° 11-27.420), tandis que d’autres magistrats peuvent prendre en considération ces éléments pour atténuer la responsabilité du dirigeant condamné à supporter le passif de l’association. Par exemple, la cour d’appel de Grenoble (14 novembre 2007, n° 06/02661), a pu motiver sa décision en prenant en compte le statut de bénévole, le souci louable dont chacun a fait preuve d’œuvrer à une entreprise à finalité sociale, le fait que les dirigeants n’ont tiré aucun profit des activités de l’association, et leur condition de fortune personnelle, ce dernier élément étant commun à d’autres chefs d’entreprise.

On doit par ailleurs sur ce point noter une absence de parallélisme des formes entre le Code de Commerce dans son action en comblement du passif et le Code Civil qui, au titre de l’action en responsabilité contractuelle à l’encontre des responsables d’associations qui auraient mal appliqué le mandat qui leur est confié en commettant une faute de gestion, prévoit, en son article 1992 que « la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire104 ».

A noter que les dirigeants de droit comme de fait d’associations peuvent être couverts par une assurance responsabilité civile, qui couvre notamment les fautes de gestion. Si les compagnies concluent non avec le dirigeant mais avec l’association qui prend donc à sa charge le paiement des primes d’assurances, il faut toutefois relever que cette possibilité de couverture assurantielle est peu connue des dirigeants de petites associations et que le montant de ces primes peut aussi parfois être dissuasif.

104 Art. 1992 du Code civil : « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet

dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ».

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A noter enfin par ailleurs que la simple négligence d’un dirigeant a pu être retenue par la jurisprudence pour le condamner personnellement à payer tout ou partie du passif.

Afin d’éviter cette situation, et d’après les travaux préparatoires «faciliter le rebond du dirigeant de bonne foi», la loi dite « Sapin 2 » de décembre 2016105 encadre la faute de gestion en excluant les cas de simple négligence dans « la gestion

de la société ».

Ainsi, la rapidité avec laquelle le dirigeant agit est de nature à l’exonérer.

Si l’on retient une interprétation littérale du texte, seul le dirigeant de société bénéficie de cette « exception de négligence », et non le dirigeant d’association.

Cette insécurité juridique concourt à une crise du renouvellement associatif dans les fonctions de dirigeant bénévole. En particulier, les dirigeants d’associations de taille moyenne ou intermédiaire ne disposent pas nécessairement d’un personnel suffisant pour assurer les fonctions support et ainsi réduire la complexité par la professionnalisation de ces fonctions, notamment la gestion financière.

La préservation de l’engagement bénévole constitue manifestement un motif d’intérêt général justifiant un aménagement aux conditions dans lesquelles le dirigeant responsable d’une insuffisance d’actif peut voir sa responsabilité engagée. Afin d’encourager la prise de responsabilité associative et de tenir compte de la réalité du monde associatif et de ses contraintes fortes, la proposition de loi vise à atténuer les condamnations de dirigeants bénévoles d’associations au titre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs (dans les cas de liquidation judiciaire de l’association) en contraignant les magistrats à tenir compte du statut de bénévole et à examiner si l’association disposait de moyens pour se prémunir des risques financiers.

Il s’agit ainsi de tenir compte des situations ou le dirigeant est allé chercher un conseil extérieur (avocat, structure d’accompagnement des associations, fédération, ou qui aurait mobilisé des ressources internes, de manière préventive, pour asseoir les décisions à l’origine de la liquidation judiciaire.

Elle étend par ailleurs de manière formelle l’exception de négligence à toute personne morale en incluant désormais les associations.

L’Article L651-2 du Code de commerce est ainsi rédigé :

« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

Proposition de nouvelle rédaction

« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

« Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat

d’association ou, le cas échéant, par le code civil applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et qui est considérée comme poursuivant une utilité sociale au sens de l’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, le tribunal apprécie l’existence d’une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant et le cas échéant des moyens limités qu’il avait à sa disposition pour se prémunir des risques financiers ».

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Annexe 8 : Focus sur les fondations actionnaires - Rapport de l’IGF sur le Rôle