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CHAPITRE 7 DISCUSSION GÉNÉRALE

7.3 Proposition de modèles conceptuels d’écoulement de l’eau

Le deuxième volet de l’interprétation hydrogéologique des données de résistivité électrique est l’intégration de l’ensemble des données pour proposer des modèles d’écoulement de l’eau qui tentent d’expliquer l’ensemble des mesures effectuées. L’analyse des imageries 3D de résistivité au cours du temps a été complétée par l’analyse de l’évolution de la résistivité électrique de l’eau à la surface de la halde, au-dessus et en-dessous de l’interface entre la couche de contrôle des écoulements et les stériles. En particulier, il a été montré que la résistivité électrique de l’eau peut être utilisé comme un traceur pour suivre l’infiltration de différents types d’eau. L’analyse des données de terrain a été complétée par les observations faites en laboratoire sur une colonne de mesure utilisant des échantillons de roches stériles prélevés sur la halde expérimentale. Finalement, deux modèles conceptuels d’infiltration dans la halde ont été proposés pour représenter de façon simplifiée les processus en jeu lors de l’écoulement de l’eau. Un premier modèle décrit l’infiltration de l’eau à l’échelle locale en surface de la halde (profondeur inférieure à 1.3 m) au cours du temps. Le deuxième modèle d’écoulement de l’eau représente schématiquement l’infiltration de l’eau à l’échelle de toute la halde à stérile en définissant les principaux types d’infiltration identifiés. Le modèle d’infiltration local de l’eau à la surface de la halde présenté sur la Figure 7-1 permet de visualiser schématiquement l’écoulement de l’eau dans la couche de contrôle des écoulements et le haut des stériles au milieu de la halde (𝑥 = 30 𝑚). L’analyse des résistivités électriques de l’eau a permis d’identifier trois types d’eau : une eau résistive provenant des précipitations, une eau de résistivité électrique intermédiaire partiellement ionisée par le contact avec les stériles réactifs (sulfates et calcium) et une eau conductrice utilisée pour l’essai d’infiltration. Le suivi de l’infiltration de chacun de ces types d’eau permet de mettre en évidence un phénomène de remplacement de l’eau : l’eau conductrice arrosée à la surface de la halde remplace l’eau résistante provenant d’anciennes précipitations.

Par ailleurs, ce modèle d’infiltration local présente différents modes d’infiltration ayant lieu simultanément à la surface de la halde expérimentale (Figure 7-1). Un rapide écoulement vertical associé à un écoulement par les macropores et les fissures est mis en évidence (I.). Cet écoulement favorise le passage de l’eau directement vers les stériles réactifs et a déjà été simulé dans le cadre des haldes à stériles avec couches de contrôle des écoulements par Broda et al. (2013b). Un deuxième mode d’écoulement vertical également mais plus lent est observé dans la couche de

contrôle des écoulements (II.). Cet écoulement s’effectue dans la matrice de grains sous l’effet du gradient vertical et la nature de l’eau évolue au cours de l’écoulement au fur et à mesure que l’eau nouvelle remplace l’eau ancienne. Le modèle de double porosité permet d’expliquer que les deux écoulements (I.) et (II.) aient lieu simultanément dans la halde. Enfin, une diversion latérale de l’eau (III.) est observée à l’interface entre la couche de contrôle des écoulements et les roches stériles : la teneur en eau volumique augmente considérablement dans le sable. Une partie de l’eau résistante provenant du sable traverse néanmoins la barrière capillaire au milieu de la halde (IV.), ce qui a pour conséquence d’augmenter la résistivité électrique de l’eau présente dans les stériles d’ilménite. Ce modèle conceptuel d’écoulement à l’échelle intermédiaire a servi de base pour constituer l’écoulement global de l’eau.

Le modèle d’écoulement de l’eau global présenté sur la Figure 7-2 décrit schématiquement l’infiltration de l’eau à l’échelle de la halde. De même que précédemment, les imageries de résistivité électrique en 3D dans la halde ont été complémentées par les données de résistivité électrique de l’eau pour la totalité des sondes de mesures GS3 ainsi que par les valeurs de teneur en eau volumique calculées à partir de l’imagerie hydrogéophysique. De même que pour le modèle d’écoulement local, la résistivité électrique de l’eau a été utilisée comme traceur pour suivre l’écoulement des différents types d’eau. En particulier, l’augmentation de la résistivité électrique de l’eau sous la barrière capillaire dans les stériles d’ilménite a été utilisée comme une mesure de la quantité d’eau qui traverse la barrière capillaire. Le modèle d’écoulement local a en effet suggéré que l’eau provenant de la couche de contrôle des écoulements est résistive et augmente la résistivité électrique de l’eau qui est au contact des roches stériles minéralisée est qui est conductrice. Cette méthode de traitement des données a permis de suggérer que pour la moitié de la halde située en amont de la pente, l’infiltration de l’eau au travers de la barrière capillaire serait négligeable tandis que l’augmentation significative de la résistivité électrique de l’eau dans la seconde moitié de la halde en aval de la pente traduisant une infiltration considérable. L’efficacité de la déviation latérale de l’eau par une barrière capillaire dépend de plusieurs paramètres comme le contraste de granulométrie entre la couche de contrôle des écoulements et les roches stériles, la pente ainsi que l’absence ou la présence de macropores favorisant l’écoulement vertical de l’eau vers les stériles.

L’infiltration significative de l’eau dans les stériles dans la moitié de la halde vers le bas de la pente peut être interprétée comme une perte de l’effet de barrière capillaire. Un grand nombre de travaux de modélisation et de laboratoire montrent que la déviation latérale de l’eau par une CEBC n’est effective que sur une certaine distance (appelée longueur de déviation). Au-delà d’une zone appelée zone DDL (Down Dip Limit) l’infiltration devient significative (Bussière et al., 1999; Aubertin et al., 2009). La zone de la halde où l’eau est déviée efficacement en amont de la pente est identifiée comme étant la longueur de diversion en amont de la zone DDL.

Les modes d’écoulement identifiés pour le modèle conceptuel global sont les mêmes que ceux présentés précédemment à l’échelle intermédiaire. Deux types d’écoulements différents semblent se produire : le premier type d’infiltration s’effectue par la matrice de grains (I.), le second s’opère le long de macropores et de fractures dans la halde (II.). Le mode d’écoulement (I.) est lent et vertical dans le haut de la couche de contrôle des écoulements, l’eau arrosée sur la halde est conductrice et remplace au fur et à mesure l’eau présente provenant d’anciennes précipitations. L’eau s’infiltrant est ensuite déviée latéralement au-dessus de l’interface entre les matériaux fins et grossiers (III.). Le mode d’écoulement (II.) est plus rapide et affecte la capacité de déviation de l’eau par la CEBC puisqu’une partie de l’eau traverse la barrière capillaire et s’infiltre dans les stériles. Enfin, une quantité considérable de l’eau s’infiltre dans les stériles (IV.), surtout dans la deuxième moitié de la halde (en aval de la pente).

Les modèles conceptuels ont pour objectif de résumer et de simplifier les écoulements d’eau dans la halde expérimentale qui ont été identifiés par l’analyse couplée des imageries de résistivité électrique de l’eau et du sol. Bien que qualitatifs, ces modèles sont appuyés par les mesures quantitatives réalisées en parallèle des travaux de géophysique sur la halde expérimentale, notamment par les composantes hydrogéologiques et géochimiques du projet. Ainsi l’analyse des volumes d’eau mesurés à la sortie de la halde montre que plus de 70 % de l’eau récupérée provient de la seconde moitié de la halde en aval de la pente. Par ailleurs, l’analyse géochimique des eaux d’exfiltration de la halde permet de confirmer les valeurs de résistivité électrique de l’eau calculées pour chaque lysimètre au cours du temps. De manière générale, les travaux d’intégration des résultats des différentes disciplines vont permettre d’obtenir une idée plus précise du comportement hydrogéologique de la halde à stériles.

CHAPITRE 8

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS