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1.1. Démarche générale et dispositif mis en place

En raison du manque de littérature scientifique sur notre question de recherche, nous avons opté pour une recherche exploratoire. La démarche inductive (dite aussi qualitative ou compréhensive) nous a semblé plus adaptée pour repérer les logiques déclaratives et procédurales, les systèmes de valeurs, les repères normatifs du public étudié.

Contrairement à la méthode quantitative, il ne s'agit pas ici d'obtenir des résultats représentatifs de la population mais de décrire « un bout de la réalité ». Cette méthode est d'autant plus indiquée qu'il existe peu de travaux scientifiques sur le sujet.

Le dispositif mis en place a consisté en une série de dix entretiens individuels semi-directifs auprès d'un échantillon non représentatif de la population âgée de 15 à 17 ans résidant en France, à domicile ou par téléphone (hors contexte scolaire, donc), entre le 27 janvier et le 4 février 2018. Les jeunes interviewés ont été choisis au hasard, sans autre considération que celle de leur âge et de leur volonté de participer à ces entretiens.

Nous avons opté pour des entretiens individuels pour permettre à chacun de s'exprimer le plus librement possible et recueillir un plus vaste registre de connaissances, de représentations et d'opinions. Des entretiens collectifs auraient permis des échanges intéressants entre participants mais présentaient un risque fort d'inhibition : en groupe, les jeunes interviewés auraient été moins enclins à avouer s'être déjà fait duper et plus enclins à aligner leur discours sur celui de leurs pairs, du fait de certains biais bien connus des chercheurs : théorie du leader d'opinion (Lazarfeld & Katz, 1955), théorie de l'appartenance de groupe (Riley & Riley, 1959), théorie de la spirale du silence (Noelle- Neumann, 1974), la ″tyrannie de la majorité″ (Pasquier, 2005).

Lors de la prise de contact initiale, nous avons expliqué à chaque interviewé dans quel cadre s'inscrirait l'entretien, à savoir, un travail de recherche universitaire sur le thème des fake news, et nous leur avons annoncé les modalités générales de cet entretien (anonymat, durée approximative, captation sonore avec leur accord et l'autorisation écrite de leurs parents…).

Le jour de l'entretien, nous nous sommes fait remettre l'autorisation écrite des parents. Nous n'avons apporté pour tout matériel que le terminal mobile qui serait utilisé pour l'enregistrement, ainsi qu'un bloc note et un stylo.

Au début de chaque entretien, nous avons rappelé le cadre de notre démarche et que l'entretien serait enregistré. Pour mettre le jeune interviewé en confiance et limiter certains biais cognitifs (biais de désirabilité sociale notamment), nous lui avons clairement indiqué qu'il n'y avait pas de bonnes ou de mauvaises réponses aux questions qui lui seraient posées et que la seule chose attendue de lui était qu'il fasse preuve de la plus grande sincérité possible.

Durant l'entretien, nous avons adopté une attitude bienveillante, tant sur le plan verbal (formules d’approbation) que physique (sourires, regards encourageants). Chaque fois qu'opportun, nous avons reformulé les propos de l'interviewé pour vérifier que nous l'avions bien compris, relancer l'échange sans poser de nouvelle question ou rassurer notre interlocuteur sur notre qualité d'écoute.

A la fin de l'entretien, nous avons remercié l'interviewé. Une fois le micro coupé, celui-ci a parfois complété ses propos. Nous avons consigné ces propos par écrit.

1.2. Guide d'entretien

Pour inciter l'interviewé à s'exprimer le plus librement possible, nous avons élaboré un guide d’entretien alternant les phases où il est questionné (phase directive) et celles où il peut s'exprimer sans qu'on lui pose de questions (phase de libre expression), en veillant à lui poser des questions suffisamment ouvertes pour éviter de conditionner sa réponse, conformément aux préconisations de Blanchet et Gotman (2007)34.

Ce guide d'entretien a ensuite été testé pour vérifier que les questions posées étaient comprises par le public visé. Il a ensuite été ajusté. La version finale a été structurée autour de trois grands thèmes. Les questions posées aux dix jeunes de notre échantillon visaient à déterminer leurs connaissances, leurs représentations et leurs opinions sur les fake news : En ont-ils déjà entendu parler ? Quelle définition et quels exemples en donnent-ils ? Que pensent-ils de celles-ci ? Estiment-ils y être très exposés ? S'estiment-ils assez outillés pour y faire face ?

Ces trois grands thèmes ont été abordés avec chaque enquêté mais pas nécessairement dans cet ordre. Chaque fois que nécessaire, nous avons varié la formulation des questions posées pour faciliter la compréhension par l’interviewé ou l'interaction interviewé/intervieweur. Le but final étant de sonder la capacité des jeunes âgés de 15 à 17 ans à évaluer l'information disponible sur Internet et leurs éventuels besoins de formation.

1.3. Traitement des propos recueillis

Une fois tous les entretiens réalisés, les propos recueillis ont été intégralement transcrits. Transcrire à l'écrit des données orales est une forme de paradoxe (Blanche-Benveniste & Jeanjean, 1987). Delais-Roussarie (2009) préconise « de transcrire ce qui a été dit », et « d’éviter au

maximum de faire des interprétations ». Mais le transcripteur, constamment tiraillé entre « la fidélité à la chose parlée » et « la lisibilité de son rendu à l’écrit » (Blanche-Benveniste &

Jeanjean, 1987), est contraint d'opérer des choix.

Il existe trois types de transcriptions : phonétique (fidèle à l'enregistrement sonore), orthographique standard (fidèle aux codes orthographiques et syntaxiques), orthographique aménagée (sorte de compromis entre les deux) (Sandré, 2013)35. Afin de faciliter la lisibilité des

résultats, nous avons opté pour une transcription orthographique standard. Nous avons conscience que le choix opéré n'est pas neutre puisqu'il gomme une partie des mécanismes discursifs de l'oral. Mais nous assumons ce choix, dans la mesure où le travail exploratoire que nous avons mené ne visait pas à une analyse linguistique fine.

Nous avons modifié le prénom des jeunes interviewés pour respecter leur anonymat.

Après transcription, les propos recueillis ont fait l'objet d'une analyse thématique transversale. Cela nous a permis de comparer les réponses des dix jeunes de notre échantillon puis de dégager des points communs et des points divergents.

1.4. Limites de la méthode utilisée

S'agissant d'une méthode déclarative, l'écart entre les réponses des jeunes interviewés et leurs connaissances, représentations, opinions et pratiques réelles peut être important. Même si nous avons veillé à ce qu'elles soient les plus neutres possibles, les questions que nous leur avons posées ne sont pas anodines. Leurs réponses peuvent donc être plus ou moins artificielles, du fait d'un possible biais de désidérabilité sociale notamment.

Autre limite : l'étude étant menée sur un échantillon restreint, les résultats recueillis n'ont qu'une faible représentativité. Ils permettent de dégager des tendances (minoritaires ou majoritaires), des estimations, des ordres de grandeur... Mais ils demandent à être explorés plus avant pour en tirer des enseignements plus généraux. Il serait sans doute pertinent de mener une étude quantitative pour vérifier dans quelle mesure les variables socio-démographiques influent sur ces résultats.