La promotion de la lecture

3.2.1 La sélection des acquisitions

Certains interrogés ont clairement exprimé que le CDI ne leur proposait pas de lecture correspondant à leur goût. Framboise et Texas apprécient de lire des livres adulte et en retirent une fierté. Panda lui aime les BD classiques et les mangas sur la boxe. Ces goûts sont particu- liers et difficiles à deviner pour le professeur documentaliste. Pour en avoir connaissance il faudrait faire une enquête de satisfaction auprès des élèves en leur proposant de citer des genres ou des titres. Plus facile à mettre en place un cahier de suggestion permet d'avoir un aperçu des attentes des élèves. Il a aussi l'avantage de montrer qu'ils sont écoutés et que leur avis est important même si ces suggestions ne seront pas toutes suivies à la lettre selon leur qualité, ce qu'il faut être en mesure de justifier auprès d'eux. A ce sujet le professeur documen- taliste doit réaliser de délicats arbitrages quand il réalise ses acquisitions entre les ressources prisées par ceux qui sont dotés en capital culturel et les ressources plus populaires auprès des élèves. Mais le CDI est selon Pierre Périer (Périer, 2007) un « tiers lieu » ni totalement sco- laire ni dédié à l’animation culturelle, et à ce titre il peut parfaitement mêler pratiques de lec- ture loisir et lecture de travail. Il est à même de gérer les différences de goût et d'habileté à lire de ses usagers. A lui de trouver les médiations humaines et matérielles qui conviendront aux bons lecteurs et lèveront les inhibitions et freins des non-lecteurs. Comme en bibliothèque, s'il est louable de proposer des ressources de qualité aux élèves les moins dotés en capital culturel pour leur permettre d'élargir leur paysage culturel, il faut aussi proposer des produits popu- laires, même en faible proportion, de manière à ce que ces élèves là ne se sentent pas étran- gers au lieu en ne retrouvant aucun élément de leur propre culture. Au professeur documenta- liste de choisir parmi les produits populaires ceux qui ne véhiculent pas de stéréotypes de genre, « ethno-raciaux », ou relatifs à l’origine sociale.

Texas lit sur son téléphone et Panda aimerait emprunter une liseuse. Le CDI pourrait être un lieu de démocratisation et d'acculturation au livre numérique. Ce serait pour lui une façon d'être en phase avec les pratiques culturelles numériques des élèves, d'assurer son rôle pédagogique et l'égalité d'accès à ces nouveaux supports car tous les usagers seraient ainsi en mesure de découvrir la lecture numérique et de s'y former. De plus, l’abondance d’ouvrages de littérature classique numérisés libres de droit, est particulièrement intéressante pour limiter

le coût des achats papier. Le CDI du lycée Alfred Kastler de Cergy-Pontoise1 a adopté les li- seuses notamment pour les prêter aux élèves les plus fragiles qui n'achètent jamais les clas- siques demandés par les enseignants mais aussi pour former les élèves au livre numérique en leur proposant une base de livres à télécharger sur leurs outils numériques personnels. D'autres solutions existent comme les BiblioBox qui sont des outils de partage de ressources numériques libres de droit. Elles génèrent un réseau wifi permettant de télécharger les conte- nus déposés au préalable dans la BiblioBox via un appareil numérique portable.

3.2.2 Les animations autour du livre

Certains élèves vont quitter le collège en n'ayant jamais eu l'occasion de découvrir le plaisir de lire. Peut-être ne leur a-t-on jamais lu une histoire et la lecture se résume pour eux à un déchiffrage fastidieux qui les prive de la compréhension immédiate et du travail de l'ima- gination. Certaines bibliothèques proposent ainsi des siestes littéraires où l'usager conforta- blement installé peut profiter pleinement de la lecture d'un texte qui lui est faite. La lecture est une activité qui isole des pairs. Pierre Périer (Périer, 2007) propose de « désindividualiser » le rapport à la lecture et de provoquer une émulation entre pairs par le biais entre autres de ral- lyes ou défis lecture. Les clubs mangas ou BD débouchant sur l'élection du meilleur ouvrage sont motivants pour les élèves et peuvent amener certains élèves à découvrir ces lectures en accompagnant leurs pairs. Christian Poslaniec (Poslaniec, 2001) fourmille d'idées pour inven- ter des animations autour de la lecture permettant d'entrer dans le monde du livre par des moyens détournés et stimulant pour l'imagination. Par exemple à partir de la première et de la quatrième de couverture d'un livre demander d’inventer l'histoire ou bien proposer une série de revues et un article photocopié issu de chacune d'elle pour faire deviner de quelle revue il provient, ou encore enregistrer des bruits se rapportant à plusieurs livres pour faire deviner duquel il s'agit etc... Ces animations proposées de la maternelle au lycée donnent de très bons résultats et les élèves empruntent souvent les livres qui sont au centre des jeux.

Il explique également combien il est important de rapprocher la bibliothèque de ses lec- teurs. Pour cela, l’initiative d'une bibliothèque de cour est excellente et ce d'autant plus qu'elle est animée par des élèves jouant le rôle de médiateurs. Il suffit parfois de faire sortir les livres pour susciter un intérêt. Effectivement, notre étude a montré que l'un des élèves, Matt, n'ayant eu aucune socialisation livresque petit, avait découvert le bonheur de choisir ses lec- tures en toute liberté et de les emporter à la maison pour la durée de son choix grâce à une « cabane à livres » installée dans la cour de son collège. Ce dispositif proche des « boîtes à

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livres » évoqué dans un billet de Claude Poissenot sur le site Livreshebdo.fr2, se place dans le sillage des tentatives de bibliothèques « hors les murs » pour conquérir des publics éloignés. La venue d'un auteur est un événement marquant qui peut donner l'occasion d'appréhender le travail d'un écrivain, de s'intéresser à sa production, de concrétiser l'existence de l'auteur. Fa- briquer soi-même un livre est une façon de s'approprier cet objet et de le voir différemment.