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Les projets de loi Salvandy et Le Fort

Le projet Salvandy

Narcisse-Achille de Salvandy (1795-1856), ministre de l'Instruction publique, présente, en 1847, le Projet de loi sur l’enseignement et l’exercice de la médecine, et de la

pharmacie. Le projet est ambitieux. Il a pour but de régler l’exercice de la médecine et

de toutes les branches de l’art de guérir en France108. Il est fondé sur des rapports de commissions, notamment ceux de la Faculté de médecine qui soutient que « l'art

dentaire est une partie de la chirurgie dont l'exercice ressort à une profession libérale et non à un commerce109 ».

106 MORGENSTERN H. Les dentistes français au XIXe siècle., op. cit., p. 70.

107 LEGENT F. Une brève histoire de la stomatologie [en ligne]. 2012 [cité le 11 mai 2016]. Disponible sur: http://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/orl/i.php

108 SALVANDY NA. Projet de loi sur l’enseignement et l’exercice de la médecine et de la

pharmacie, avec l’exposé des motifs. Paris : V. Masson ; 1847. p. 6.

109 BESOMBES A. Histoire de l’Art dentaire du XVIIIe siècle à l’époque contemporaine. Dans : MARTIGNY M. Histoire de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art

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Le ministre de Salvandy garde comme base la loi du 19 ventôse an XI, mais, la jugeant d’« un caractère essentiellement transitoire110 », il entend élaborer un texte plus moderne. Ce projet revêt une importance particulière pour les dentistes, car il propose, dès 1847, la création d’un « brevet spécial » pour deux professions assimilées à des

branches de la médecine : dentiste et sage-femme. Le Titre V du projet de loi s’intitule

De l’exercice de la médecine et contient les articles suivants :

« - Art. 34 : La loi ne reconnaît pas d’autres professions spéciales, dans l’art

médical, que celle de dentiste et de sage-femme.

- Art. 35 : Nul ne peut exercer la profession de dentiste, s’il n’est docteur en

médecine, ou s’il ne justifie d’un brevet spécial, délivré par une faculté ou par une école préparatoire111 ».

L’article 17 précise les conditions d’obtention de ce brevet de dentiste : deux années d’études dans une école préparatoire ou dans une faculté, ou un stage de quatre années chez un dentiste bien établi. Dans tous les cas, les candidats doivent subir deux examens spéciaux. L’article 49 déclare que seront punis de six mois à deux ans d’emprisonnement tous ceux qui exerceront la médecine ou l’une de ses branches, sans être pourvus au préalable d’un diplôme de docteur ou d’un brevet spécial qui leur donne le droit de l’exercer. La notion d’exercice illégal de la profession de dentiste

est établie.

En 1847, l’art dentaire est donc tout proche de retrouver légalement une place dans la médecine, quand l’histoire de France entrave, une nouvelle fois, sa course vertueuse. Le projet de loi est bien adopté par la Chambre des Pairs, mais la Révolution de 1848112 en empêche la promulgation et retarde d’un demi-siècle toute législation. La

110 SALVANDY NA. Projet de loi sur l’enseignement et l’exercice de la médecine et de la

pharmacie, avec l’exposé des motifs., op. cit., p. 6.

111 La Gazette médicale de Paris : journal de médecine et des sciences accessoires - 1847, série 3, n° 02 [en ligne]. [cité le 9 juillet 2016]. Disponible sur : http://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/?p=545&cote=90182x1847 x02&do=page

112 Louis-Philippe d’Orléans (1773-1850), roi des Français de 1830 à 1848, doit abdiquer après la révolution de février 1848 qui voit la proclamation de la Deuxième République.

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profession doit ainsi continuer à être exerçable par tous, en étant soumise, en cas de conflit devant la justice, au droit commun113.

Le projet Le Fort

En 1879, Jules Ferry (1832-1893), ministre de l’Instruction publique, soumet à la Faculté de médecine de Paris un projet de loi concernant les dentistes, connu sous le nom de son rapporteur, le chirurgien Léon Le Fort. Ce projet fait suite à une pétition d’Edmond Andrieu, médecin-dentiste, stomatologiste convaincu et défenseur, dans un premier temps, du doctorat en médecine obligatoire pour exercer l’art dentaire. Cette

position se fait sentir dans le projet. Les deux questions centrales soumises à l’avis de la Faculté de médecine concernent la nécessité d’un examen sanctionnant un diplôme pour exercer la profession de dentiste et l’astreinte des postulants à un stage professionnel. L’ambition est double. Une formation largement médicale, mais

également pratique par « deux années de stage, soit chez un dentiste, soit dans une

école d’odontologie ».

Ce projet, très exigeant pour les futurs dentistes, va jusqu’à leur imposer, pour exercer, des compétences dépassant celles d’un docteur en médecine114. De plus, le diplôme de dentiste devient le seul à permettre cette activité, ce qui de fait l’interdit aux médecins. Les critiques sont vives et la médicalisation de l’art dentaire ne semble satisfaire personne :

-ni les médecins, craignant de voir leur champ de compétences réduit par un diplôme leur ôtant le droit de pratiquer une partie de la médecine ;

-ni les dentistes, particulièrement les jeunes diplômés, à qui une clause rétroactive impose de se soumettre à des examens effectués au sein d’une Faculté de médecine. La question de la réglementation de la chirurgie dentaire suscite donc un débat avec en toile de fond la mise en place d’un diplôme. Un diplôme se délivrant généralement suite à un enseignement, la création d’écoles va immanquablement se poser et animer

113 MORGENSTERN H. Les dentistes français au XIXe siècle., op. cit., p. 61.

114 VIDAL F, CARON P, GRANIER D, MORGENSTERN H. Histoire d’un diplôme (9). Le

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les passions. L’ouverture des deux premières écoles dentaires en France est un chapitre de l’histoire de notre profession indissociable de deux personnages aux conceptions radicalement différentes : Edmond Andrieu (1833-1889) et Charles Godon (1854-1923).