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Projets d’exposition soumis, refusés ou retenus

8. COMMENT S’ORGANISENT-ILS? LES CADRES INSTITUTIONNELS DE LA CARRIÈRE

8.2 Projets d’exposition soumis, refusés ou retenus

Avec une question portant sur les expositions non retenues, l’enquête permettait aussi d’évaluer indirectement le niveau de discrimination relatif des différents types de lieux. Le tableau 8.2.1 donne, pour les six d’entre eux généralement jugés les plus sélectifs, les pourcentages d’artistes qui, soit n’y ont jamais présenté de projet d’exposition, soit y ont présenté au moins une fois un projet qui n’a pas été retenu, soit y ont vu un projet accepté au moins une fois. Ce tableau ne fait pas de distinction entre expositions individuelles et collectives4.

Tableau 8.2.1 : Projets d’expositions soumis, refusés ou retenus selon les types de lieux

Lieu d’exposition N’y a jamais présenté de projet % Projet présenté mais refusé % Y a eu au moins une exposition %

Centre d’artistes autogéré 41 10 49

Musée d’art ou centre d’exposition équivalent

40 8 52

Galerie universitaire ou collégiale 42 3 55

Galerie privée 31 7 62

Événement spécial (biennale, symposium)

28 10 62

Maison de la culture, galerie municipale, bibliothèque

23 6 72

Quel que soit le lieu d’exposition, la proportion de ceux qui ont présenté des projets n’ayant pas été acceptés ne dépasse jamais 10 % (dans le cas des centres d’artistes autogérés notamment). Si certains lieux paraissent plus sélectifs que d’autres, comme ici les centres d’artistes et les musées d’art ou centres d’expositions équivalents, les phénomènes d’« autosélection », d’« abstention » ou de « défection » semblent jouer davantage encore.

C’est en effet beaucoup moins le nombre des refus essuyés auprès des diffuseurs qui étonne dans ce tableau, que le niveau d’abstention plus élevé face à trois de ces lieux : les centres d’artistes, les musées d’art et les galeries universitaires. Dans ces trois cas, l’abstention concerne quatre artistes sur dix. Le taux de « vrais » refusés est quant à lui quatre fois plus faible dans les centres d’artistes (10 %) et un peu plus faible encore dans les musées (8 %) ou plus encore dans les galeries universitaires (3 %).

Normalement, dans la plupart des professions, l’âge représente un facteur positif. Le nombre d’années d’exercice professionnel accroît en effet généralement les chances d’acquérir une certaine renommée, ou du moins un minimum de reconnaissance. Cela semble ne se vérifier que partiellement chez les artistes en matière d’expositions obtenues. Comme le montrent les tableaux suivants, la tendance joue fortement dans le cas des galeries privées, elle joue plus faiblement dans le cas des musées, mais elle ne joue plus du tout et même s’inverse dans le cas des centres d’artistes.

Tableau 8.2.2 : Projets d’expositions soumis, refusés ou retenus selon les groupes d’âge

Lieu d’exposition Groupe d’âge N’y a jamais présenté de projet % Projet présenté mais refusé % Y a eu au moins une exposition % Galerie privée Né avant 1939 15 3 82 De 1939 à 1949 24 5 71 De 1950 à 1960 29 9 62 Après 1960 43 9 48

Musée d’art ou centre d’exposition

Né avant 1939 28 9 63

De 1939 à 1949 33 6 61

De 1950 à 1960 39 8 53

Après 1960 50 10 40

Centre d’artistes autogéré

Né avant 1939 62 6 33

De 1939 à 1949 42 9 49

De 1950 à 1960 39 11 50

Après 1960 35 13 52

Le tableau 8.2.2 indique d’abord que, si on a plus de 60 ans, on a également beaucoup plus de chances d’avoir déjà exposé dans une galerie privée. Les écarts sont ainsi très marqués d’une tranche d’âge à l’autre, les proportions d’exposants doublant pratiquement de la tranche des plus jeunes (48 %) à celle des plus âgés (82 %). Par ailleurs, sélection et autosélection s’y additionnent pour diminuer les chances relatives des plus jeunes d’obtenir une exposition.

Le cas des musées d’art et des centres d’exposition équivalents est un peu du même ordre, mais à un degré plus faible. Par ailleurs, les pourcentages de ceux qui ont présenté un ou

des projets et ont essuyé un ou des refus varient ici assez peu d’une catégorie d’âge à l’autre, ce qui diffère du cas précédent. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’on est plus jeune qu’on est plus souvent refusé, ni parce qu’on est plus vieux qu’on est plus souvent accepté. Par contre, le phénomène d’autosélection y suit tout à fait la courbe des âges : plus on est jeune, plus faibles sont les chances que l’on ait déjà tenté de soumettre un projet dans ce type d’institution.

Dans le cas des centres d’artistes, une tout autre logique prévaut. L’âge, comme on l’a vu, n’y est plus un avantage, bien au contraire. Cela n’implique pas pour autant qu’il y ait discrimination institutionnelle selon l’âge. En fait, c’est chez les plus jeunes que l’on trouve le plus fort pourcentage de « refusés ». On y observe par contre un très haut taux d’abstention des plus de 60 ans : près des deux tiers d’entre eux disent n’y avoir jamais présenté de projet, contre seulement le tiers chez les moins de 40 ans. De ce point de vue, le niveau d’abstention diminue progressivement avec l’âge, ou sous l’autre angle, le taux de défection augmente progressivement avec l’âge. On a là en effet deux hypothèses assez différentes à considérer à partir d’un même phénomène.

Le jeu des projets soumis-acceptés-refusés varie également en fonction des disciplines, comme l’indique le tableau suivant. Celui-ci ordonne les disciplines en fonction de la fréquence des expositions obtenues dans les trois mêmes types de lieux précédents et démontre des caractéristiques assez semblables à celles que l’on vient à peine d’observer. En effet, les galeries privées privilégient les disciplines de « longue tradition », les centres d’artistes privilégient les « jeunes disciplines », tandis que les musées occupent, entre les deux, une position médiane, ou plus « conciliatrice ». Toutefois, malgré cette différence de leurs programmations respectives, tous les lieux font état d’un bon niveau de diversité. Ainsi, même s’ils sont moins nombreux, on peut tout de même trouver dans les galeries privées des proportions non négligeables d’artistes qui pratiquent l’installation (52 % disent y avoir exposé au moins une fois), la performance (37 %) ou la vidéo (54 %). Et on peut également trouver dans les centres d’artistes des peintres (46 %), des graveurs (53 %), des dessinateurs (50 %) ou des sculpteurs (59 %). En revanche, ces chiffres ne permettent pas de savoir si les œuvres exposées étaient bien des produits de cette discipline. Il faut en effet se rappeler que la plupart des artistes déclaraient plus d’une (et sans doute bien plus d’une) discipline : les vidéastes des centres d’artistes, par exemple, sont bien souvent aussi des peintres qui peuvent avoir présenté des peintures, plutôt que leurs vidéos, dans une galerie privée. De même, les peintres font bien souvent des œuvres qui ne sont pas des toiles et peuvent ainsi plus facilement avoir trouvé place dans un centre d’artistes.

Le tableau n’en permet pas moins de constater l’association assez forte des galeries privées d’un côté, des centres d’artistes de l’autre, avec deux blocs de disciplines parfaitement distincts : la peinture, l’estampe et le dessin dans les galeries; l’installation, la performance

et la vidéo dans les centres d’artistes. Les tableaux montrent par ailleurs que cette répartition résulte moins d’une discrimination institutionnelle que de l’autosélection, ou de l’abstention. Si les centres d’artistes autogérés paraissent un peu plus sélectifs que les autres, ils semblent en même temps l’être indifféremment pour les différentes disciplines. Dans les musées d’art, le pourcentage d’artistes refusés varie encore une fois assez peu d’une discipline à l’autre. Dans la mesure où l’autosélection est également assez bien répartie, il en résulte une assez faible variation d’une discipline à l’autre en ce qui a trait au pourcentage d’artistes exposants. La seule catégorie qui émerge est, comme on l’a vu, celle des artistes d’art public qui, dans les trois lieux, fait partie du peloton de tête. C’est dans cette catégorie qu’on trouve au musée le moins de « refusés » mais surtout le plus faible pourcentage d’artistes n’ayant jamais proposé de projet d’exposition.

Tableau 8.2.3 : Projets d’expositions soumis, refusés ou retenus selon les disciplines pratiquées

Lieu d’exposition Disciplines

N’y a jamais présenté de projet % Projet présenté mais refusé % Y a eu au moins une exposition % Galerie privée Gravure-estampe 18 7 75 Peinture 22 8 70 Dessin 25 9 66 Art public 31 5 64 Sculpture 32 7 61 Installation 37 10 52 Vidéo 44 12 44 Performance 52 11 37

Musée d’art ou centre d’exposition

Art public 26 6 68 Sculpture 33 8 58 Gravure-estampe 36 8 56 Installation 35 10 55 Peinture 37 9 54 Vidéo 36 10 54 Dessin 38 9 53 Performance 41 7 52

Centre d’artistes autogéré

Installation 14 12 73 Performance 18 9 72 Art public 21 8 71 Vidéo 23 12 65 Sculpture 31 10 59 Gravure-estampe 38 9 53 Dessin 39 11 50 Peinture 43 11 46

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