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M. Jean-François Husson, rapporteur général. – Comme chaque année, le Gouvernement a déposé un amendement qui tire les conséquences sur le solde budgétaire des votes intervenus au Sénat au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.

Cette année, il devrait également déposer un amendement sur l’article liminaire.

Même si son dépôt formel n’est pas encore intervenu, il est important que je vous en présente le cadre général afin de comprendre ensuite l’impact sur les recettes.

L’amendement à l’article liminaire devrait réviser à la hausse la prévision de déficit public pour 2021, qui s’élèverait à 8,1 % du PIB, contre une prévision initiale de 6,7 % du PIB.

80 % de cette dégradation du déficit public s’explique par la révision du scénario macroéconomique, qui pèse à la fois sur les recettes, les dépenses et le dénominateur du ratio, à savoir le PIB.

La prise en compte des amendements adoptés par le Sénat sur la première partie n’explique donc que 20 % de la dégradation du déficit public, soit 0,3 point de PIB.

Venons-en maintenant à l’amendement sur l’article d’équilibre, qui concerne un périmètre différent, puisqu’il vise uniquement à tenir compte de l’effet de la révision du scénario macroéconomique et des amendements adoptés par le Sénat sur les recettes de l’État.

C’est sur cet amendement que nous allons voter.

Cet amendement porte le déficit inscrit à l’article d’équilibre à 180,4 milliards d’euros, contre 153,1 milliards d’euros dans le texte transmis au Sénat, soit une dégradation de 27,3 milliards d’euros.

Près de la moitié toutefois de cette dégradation est due à la révision du contexte macroéconomique que je vous ai présentée, et non aux amendements présentés par les sénateurs. Je rappelle que cette dégradation du contexte macroéconomique est prise en compte pour les recettes, mais pas encore pour les dépenses.

La révision du scénario macroéconomique réduit en effet les recettes fiscales nettes de 11,8 milliards d’euros, dont 0,9 milliard d’euros pour l’impôt sur le revenu, 5,3 milliards d’euros pour les derniers acomptes d’impôt sur les sociétés, 1,2 milliard d’euros pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), 2,5 milliards

d’euros pour les recettes de TVA, 0,4 milliard d’euros pour les recettes non fiscales et 2,3 milliards d’euros liés à l’augmentation des remboursements et dégrèvements.

S’agissant des amendements adoptés, on peut noter en particulier :

- l’amendement I-1085, modifié par le sous-amendement I-1241, augmentant temporairement le taux forfaitaire d’abattement pour frais professionnels, diminuant les recettes de 3,3 milliards d’euros en 2021 ;

- l’amendement I-85 qui affecte deux nouvelles fractions de TICPE au titre du financement des collectivités ayant adopté un plan climat air énergie territorial (PCAET) et un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), qui diminue les recettes de 1,0 milliard d’euros ;

- l’amendement I-339 qui majore de 1,0 milliard d’euros le prélèvement sur recettes qui compense les pertes de recettes au titre des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en matière de logement social ;

- l’amendement I-70 qui institue un prélèvement sur recettes, à hauteur de près de 1 milliard d’euros, pour compenser les pertes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2021 au profit des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et des départements ;

- l’amendement I-879 qui étend le dispositif de compensation, prévu par l'article 21 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, pour les pertes de recettes fiscales et domaniales aux pertes de redevances tarifaires, dont le coût est de 1,0 milliard d’euros ;

- l’amendement I-57 qui augmente le plafond de report en arrière des déficits à cinq millions d’euros, dégradant les recettes de 0,9 milliard d’euros environ.

S’agissant enfin du tableau de financement, des rachats de titres effectués depuis début septembre entraînent une révision à la baisse de 5 milliards d’euros du montant de la dette à moyen et long termes à amortir.

Nous pourrions discuter certains de ces chiffrages. Par exemple, les conséquences de l’amendement I-58 de la commission, instituant une contribution acquittée par les assureurs afin de participer à l’effort de solidarité nationale et sous-amendé à l’initiative de M. Delahaye, ne sont pas prises en compte, pas plus que les conséquences de l’amendement I-1252 de la commission qui instaure une taxe sur la vente à distance.

Le chiffrage de l’amendement I-1085, modifié par le sous-amendement I-1241, qui augmente le taux forfaitaire d’abattement pour frais professionnels, semble exagéré. En partant d'hypothèses maximalistes, la commission des finances estime que la mesure coûterait environ 2,3 milliards d'euros. Pour rappel, seuls les contribuables imposables, actifs, salariés ou fonctionnaires, n'ayant pas opté pour les frais réels, pourront bénéficier de cette mesure.

Par ailleurs, seuls les contribuables dont le revenu brut est supérieur à environ 66 700 euros (soit une fraction ne représentant même pas l'intégralité du dernier décile) pourront atteindre le plafond de 1 500 euros, la déduction demeurant nettement plus limitée pour les autres.

Toutefois, d’autres éléments pourraient également être pris en compte parmi les votes intervenus. En tout état de cause, les modifications que nous pourrions proposer seraient d’importance assez réduite.

Contrairement aux deux années précédentes, je pense que nous n’avons pas à proposer ni un rejet, ni un sous amendement.

Je vous proposerai un avis de sagesse.

M. Claude Raynal, président. – Comme depuis le début de nos discussions sur ce projet de loi de finances, il y a une part factuelle et une part exceptionnelle dans cet amendement présenté par le Gouvernement. Cette dégradation du solde de 27 milliards d’euros nous emmène bien loin des ordres de grandeur que nous avons connus ces dernières années.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. – Je suis toujours gêné, qu’à travers cet amendement à l’article d’équilibre, le ministère de l’économie et des finances ne souhaite pas chiffrer certaines de nos mesures améliorant le solde budgétaire. Nous avons tout de même introduit une contribution exceptionnelle des assurances et une contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires des entreprises de vente à distance.

Il est quand même étonnant que le Gouvernement ne prévoie aucun chiffrage pour ces deux mesures emblématiques proposées par le Sénat !

Avant, le Gouvernement exagérait à outrance les estimations des mesures adoptées par notre assemblée, afin de faire croire que le Sénat n’était pas responsable et qu’il votait des mesures très coûteuses. Je me rappelle du temps où le ministre Christian Eckert prenait sa calculette et présentait des montants faramineux pour nous accuser d’être dispendieux. Maintenant que les ordres de grandeurs ne sont plus les mêmes, et que les chiffres du déficit paraissent secondaires, les mesures qui pourraient contribuer à améliorer à le solde ne sont même plus chiffrées !

La question demeure de savoir si cet amendement à l’article d’équilibre reflète, oui ou non, nos votes. Si c’est non, il faudrait le sous-amender.

M. Jean-François Husson. – En effet, cela ne nous a pas échappé, cet amendement ne rentre pas dans le détail, mais présente tout de même les grandes tendances.

Un grand nombre de mesures ont été chiffrées, dont certaines que le ministère n’avait d’ailleurs pas chiffrées par le passé. Nous enchaînons dans des délais très courts des délibérations importantes : le quatrième projet de loi de finances rectificative, cette première partie du projet de loi de finances, le plan de relance demain… Nous ne pouvons pas, hélas, faire d’excès de pointillisme. Évidemment, nous devons rester vigilants et exprimer notre désaccord sur la méthode et la façon dont ces chiffres nous sont parvenus. Les chiffres annoncés hier par le président de la République auront un impact évident sur nos finances publiques, mais on ne le retrouve pas dans cet amendement. Je comprends la volonté d’Albéric de Montgolfier de sous-amender, mais je préfère que nous en remettions à la sagesse du Sénat sur cet amendement, afin d’avancer dans la discussion des grands enjeux.

M. Vincent Capo-Canellas. – Je comprends la position de notre rapporteur général, mais je m’interroge simplement sur les conséquences d’un éventuel rejet de cet amendement du Gouvernement.

M. Claude Raynal, président. – Un rejet aboutirait à conserver la rédaction de l’article d’équilibre telle qu’issue de la délibération à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Dallier. – Ce serait encore pire, l’article d’équilibre serait davantage éloigné de la réalité et ne reflèterait aucunement nos votes !

Mme Christine Lavarde. – Je regrette que seules les mesures coûteuses pour l’État aient été chiffrées, et non les recettes nouvelles que nous avons introduites. Je pense notamment à la contribution exceptionnelle des assurances qui représente un montant significatif.

M. Jean-François Husson. – En effet, les deux contributions exceptionnelles que nous avons votées, pour les assurances et le commerce à distance, n’ont pas été chiffrées.

Mais certaines pertes de recettes ne l’ont pas été non plus.

M. Rémi Féraud. – Par-delà nos divergences politiques, il me semble quelque peu paradoxal d’être défavorable à un tel amendement déposé au Sénat, même si je ne suis pas en accord avec l’article liminaire qui entérine une politique économique dans laquelle je ne me reconnais pas. Le Gouvernement aurait en effet pu réserver le débat en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, pour gagner du temps. Mais il a préféré le présenter devant notre Assemblée, ce qui est plutôt respectueux des débats parlementaires.

Comme Christine Lavarde, je regrette l’absence de chiffrage des recettes supplémentaires que nous avons votées.

M. Claude Raynal, président. – Malgré cette absence de précisions dont nous convenons tous, cet amendement reflète mieux la réalité que la rédaction actuelle de l’article 32. Je propose donc de suivre le rapporteur général et l’avis de sagesse donné sur les deux amendements.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-1258 à l’article 32 ainsi que sur l’amendement à l’article liminaire, sous réserve de son dépôt.

La réunion est close à 14 h 55.

Jeudi 26 novembre 2020

- Présidence de M. Claude Raynal, président - La réunion est ouverte à 11 h 05.

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