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Programme Pain Bio : perspectives d’évolution en adaptant la filière « du champ à l’assiette »

(d’après Fischer et Bar-L’Helgouach, 2008)

L’impact des procédés de transformation sur le potentiel boulanger des variétés biologiques, ainsi que la pertinence des indicateurs de qualité technologique utilisés dans la filière conventionnelle ont été étudiés dans le cadre du programme Aliment – Qualité – Sécurité (AQS) qui associe Arvalis – Institut du végétal, l’Inra et l’Itab, puis d’un programme de recherche réunissant l’Inra, l’Association de coordination technique pour l’industrie agro-alimentaire (Actia) et l’Acta, l’Association de coordination technique agricole regrou-pant le réseau des instituts des filières animales et végétales.

L’étude a porté sur trois variétés : Apache et Caphorn, les variétés de blé panifiable supérieur les plus cultivées en France en 2004 et Renan, la première variété cultivée en bio, souvent utilisée comme blé amé-liorant. Elle a permis d’établir les résultats suivants :

◆ Malgré des teneurs en protéines significativement plus faibles, de l’ordre de 9 % contre environ 11 % en agriculture conventionnelle, et des forces boulangères inférieures à 150, les blés biologiques présentent des aptitudes à la panification aussi bonnes que celles des blés conventionnels. Le recours à ces seuls critères n’est donc pas suffisant pour décrire correctement l’aptitude à la panification d’un blé en AB.

◆ La qualité des protéines, en particulier le ratio gliadines / gluténines, les deux principales protéines du blé, est déterminante pour la valeur boulangère. L’aptitude à la panification de chaque variété dépend en effet davantage de la relation entre sa teneur en protéines et son rapport gliadines / gluténines que du mode de culture, biologique ou conventionnel. Ainsi, la variété Renan possède-t-elle une bonne aptitude à la panification pour des taux de protéines inférieurs à 12 % (Graphique 6) et apparaît adéquate pour renforcer la teneur en protéines dans un mélange de farines.

◆ Le procédé de mouture sur cylindres ou sur meules de pierre, davantage utilisées en bio, joue sur la com-position de la farine. Quel que soit le type de mouture retenu, Renan cultivé en AB se comporte mieux qu’en culture conventionnelle. Le ratio gliadines / gluténines trop élevé à partir de 12 % de protéines pénalise la valeur boulangère.

Graphique 6

Influence des teneurs en protéines, des modes de culture et de mouture sur la valeur boulangère : l’exemple de la variété Renan

(Note globale de panification – Méthode CNERNA, sans acide ascorbique)

Enfin, compte tenu de l’interdiction d’utiliser des fertilisants minéraux et des prix que peut atteindre l’azote, le choix de variétés performantes à bas niveaux d’intrants, mais surtout les associations culturales et l’intégration de légumineuses dans l’assolement constituent des solutions intéres-santes.

Ces innovations concernent souvent toutes les étapes de la chaîne alimentaire et conduisent à analyser le système dans son intégralité, favori-sant les interventions préventives et cherchant à optimiser la complémentarité entre des techniques alternatives dont les effets restent souvent partiels.

Au-delà des dimensions techniques, ces innova-tions sont aussi de l’ordre du social avec la création de nouvelles formes de coopération et de collectifs.

L’obligation d’utiliser des fertilisants et du fourrage issus de l’agriculture biologique entraîne ainsi de nombreux agriculteurs à s’organiser pour mieux gérer les ressources à l’échelle du territoire.

2.3.2. L’AB, prototype

d’une agriculture durable L’agriculture biologique constitue « un véritable laboratoire pour l’agriculture de demain » 103. Elle se situe en position extrême dans le conti-nuum de contraintes croissantes de l’agriculture conventionnelle, raisonnée, puis intégrée. Cette position amène à la considérer comme prototype d’un système dont la connaissance scientifique et la maîtrise technique aideront les opérateurs engagés et irriguera, en solutions et en méthodes, les autres formes d’agriculture, y compris l’agri-culture conventionnelle. Face aux problèmes que les techniques classiques ne parviennent plus à maîtriser correctement, tel le développement de mauvaises herbes, d’insectes ou de maladies résis-tants aux pesticides, l’AB offre l’opportunité de changer radicalement d’approche en recherchant et légumes. Il est donc primordial de réviser les

normes organisationnelles et techniques actuelles, peu adaptées au mode de production en AB.

2.3. Les cahiers des charges : des difficultés créatrices

Un cahier des charges impose des contraintes, des règles et des principes : comment composer à par-tir de cela ? Quel espace de créativité et de concep-tion reste-t-il à l’agriculteur ? Pour surpasser ces contraintes, le modèle bio est source d’innovations et ceci fait de lui un prototype pouvant servir à l’ensemble de l’agriculture.

2.3.1. Les contraintes, source d’innovations

Les contraintes de leurs cahiers des charges obli-gent les agriculteurs bio à adopter des techniques et des systèmes agronomiques innovants.

Pour pallier à l'interdiction d'insecticides de syn-thèse et limiter le recours aux intrants, l’enherbe-ment entre les rangs de pommiers ou la plantation de haies diversifiées (zones de compensation éco-logiques) favorisent les populations d’auxiliaires et la régulation naturelle des bio-agresseurs. En cas de forte infestation, les agriculteurs recourent à des méthodes curatives, mais l’interdiction des pro-duits de synthèse oblige à trouver de nouvelles pré-parations minérales ou à base de plantes, souvent moins toxiques pour l’homme et l’environnement.

L’interdiction des herbicides pose de réels pro-blèmes de gestion des adventices et conduit à innover : maîtrise de l’assolement (rotation des cultures) pour perturber le cycle des adventices, travail du sol comme le faux semis ou le choix du labour pour enfouir les graines en profondeur et couverture du sol via la sélection et le semis de variétés rustiques concurrentes des adventices 102.

102 - Fontaine et al., 2009.

103 - Hervieu, 2000.

d’application destinés aux organismes certifica-teurs ou aux opéracertifica-teurs et il constitue le « socle de base » de l’AB dans l’Union européenne.

2.4.1. La nouvelle réglementation : quels changements, quelles conséquences ?

Par rapport aux précédents textes européens 105, les modifications portent essentiellement sur l’éti-quetage, les contrôles, les importations et la subsi-diarité. Les règles de production et de transforma-tion sont peu concernées. Néanmoins, ce nouveau règlement a globalement été assez mal perçu par les agriculteurs biologiques français car sup-primer le principe de subsidiarité a eu pour effet d’abroger le cahier des charges français jugé plus rigoureux 106. De ce fait, certaines organisations de producteurs cherchent à remplacer le cahier des charges public : soit en adoptant des cahiers des charges privés existants, comme Demeter ou Nature & Progrès, plus restrictifs que l’ancien règlement français, soit en développant un nou-veau cahier des charges privé, telle l’association Alternative Bio 2009.

Il est vrai que le précédent règlement montrait des dispositions légèrement plus strictes pour l’attri-bution du label que celles désormais en vigueur : notamment en productions animales du fait de la diminution des contraintes relatives au « lien au sol » 107, de la possibilité d’avoir des élevages sans surfaces agricoles en dehors des surfaces mini-males de parcours, ainsi que de la suppression de la limite à 50 % de la part d’ensilage dans l’alimen-tation des herbivores, des limites d’utilisation des produits anti-parasitaires, des surfaces maximales pour les bâtiments d’élevage de poules pondeuses, des solutions au niveau du fonctionnement global

d’un système de culture ou d’élevage. Dans un contexte de réduction des pesticides et de révision des substances actives 104, ces innovations pour-raient bénéficier à tous les systèmes. Des entre-prises fabriquant des herses et des bineuses pour le travail du sol, dont les clients sont surtout des agriculteurs bio, verraient par exemple, la part de leurs clients conventionnels augmenter du fait de la rumeur sur l’interdiction du glyphosate, déjà interdit au Danemark depuis 2003.

2.4. Les perspectives ouvertes par la nouvelle réglementation européenne et par le plan Barnier « AB horizon 2012 »

À l’échelon communautaire, la révision de la régle-mentation concernant l’agriculture biologique a été initiée en juin 2004 dans le cadre du Plan d’action Européen proposé par la Commission européenne pour simplifier les textes. Le but était triple :

◆ Reformuler plus explicitement les principes et les objectifs de l’AB

◆ Compléter et améliorer les normes, notamment celles concernant la transformation, la viticulture et l’aquaculture

◆ Surmonter les dysfonctionnements du marché intérieur résultant des normes et des logos nationaux ou privés en supprimant le principe de subsidiarité car l’existence de dispositions spécifiques dans les États-membres générait des distorsions de concurrence entre producteurs communautaires et pouvait constituer un frein au développement de certaines filières.

Depuis 2007, le nouveau texte-cadre – RCE n° 834/2007 – a été suivi de plusieurs règlements

104 - Plan Ecophyto 2018 et Directive 91/414.

105 - RCE 2092/91 pour les productions végétales et RCE 1804/1999 pour les productions animales.

106 - Comme le permettait le règlement européen 1804/1999, la France avait adopté en août 2000 un cahier des charges – CC REPAB F – établissant les règles d’obtention du label Agriculture biologique sur son territoire. Caduc depuis le 1er janvier 2009, celui-ci ne concerne plus que quelques productions non prises en compte par le nouveau texte d’harmonisation communautaire : élevage de lapins, d’escargots, d’autruches et de poissons ou de crustacés issus de l’aquaculture (CCF du 15 janvier 2010).

107 - Le principe du « lien au sol » est que l’exploitation biologique assure un lien direct entre le sol, les productions végétales et les animaux puisque les effluents animaux fertilisent les surfaces destinées à l’alimentation des animaux.

gations. Les engrais azotés autrefois « interdits » car ne figurant pas dans la liste des engrais autorisés sont désormais explicitement interdits. De même, l’hydroponie est interdite et les critères d’entrée dans la liste d’intrants autorisés ont été détaillés.

du nombre maximum de porcs et de l’âge minimum d’abattage pour les poulets et les porcs 108.

Par contre, en productions végétales, le nouveau règlement explicite plus clairement plusieurs inter-dictions, inscriptions, modalités de contrôle et

déro-Encadré 5