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Profils sociologiques des Français

SERVATION DE L’IDENTITE FRANÇAISE.

A. Profils sociologiques des Français

Les données recueillies dans les registres d’immatriculation des agences consulaires de La Havane, de Santiago de Cuba et de Guantanamo permettent l’élaboration d’une véritable grille de lecture des colonies françaises de Cuba. Grâce à divers champs de la base de données

64 « Registres d’immatriculation » (sexe, âge, état civil, nationalité française, etc..) on parvient à catégoriser les membres de ces colonies et à faire émerger la façon dont elles sont structurées.

1. Étude des genres .

La catégorisation la plus évidente consiste à distinguer la part de la gent masculine de celle de la gent féminine. Sur les 1257 Français immatriculés entre 1887 et 1914, la répartition par sexes s’effectue ainsi : 1030 hommes enregistrés contre seulement 225 femmes. En procédant à une distinction entre enfants et adultes, on obtient la répartition suivante :

Figure 12: RÉPARTITION DES SEXES DANS LA POPULATION FRANÇAISE.

Sexes Nombre Hommes 799 → Mineurs74 222 Âge inconnu 0 Sous-total Hommes 1030 Femmes 162 →Mineures 45 Âge inconnu 18 Sous-total Femmes 225

Âge et sexe incon-

nus 2

Total 1257

Les registres d’immatriculation nous donnent à voir une population au sein de laquelle l’élément masculin domine puisqu’il représente 81,94% des Français immatriculés, contre 17,89% de femmes ; mais également une population majoritairement composée d’adultes avec 76,45% de personnes majeures (961 individus) contre 21,24% de mineurs.

65 Chez les 799 hommes majeurs, la moyenne d’âge est de 356ans, le plus vieil homme immatri- culé étant âge de 85ans. Seuls 66 hommes majeurs sont sans emploi, ou n’en ont pas déclaré, soit 8, 3% ; à l’inverse, 91,7% des hommes sont actifs.

Chez les 162 femmes majeures, la moyenne d’âge est plus élevée : elle atteint les 38 ans et demi, la plus vieille immatriculée ayant 74 ans. Les taux de non-emploi chez les femmes at- teint les 38,3% dans la mesure où 62 d’entre elles n’ont déclaré aucune profession, ou se sont déclarées sans profession, ce qui place à 61,7% le taux de femmes actives dans les colonies françaises de Cuba.

Du côté des mineurs, 11 jeunes hommes (deux de 20 ans, six de 18 ans, un de 19 ans, un de 17 ans et un de 16ans) sont employés ainsi que 4 jeunes femmes (trois de 20 ans et une de 16ans). En ce qui concerne leur âge, la moyenne d’âge chez les filles est d’environ 12 ans contre 15 et demi chez les garçons. De façon plus globale, l’âge moyen des mineurs apparte- nant aux colonies françaises est d’environ 15 ans et celui des adultes tourne autour des 36 ans et demi.

Tous ces chiffres nous permettent de tirer de nombre de conclusions au sujet de nos migrants. Tout d’abord, comme il a déjà été dit, on remarque très clairement que l’élément masculin prédomine quelle que soit la catégorie d’âge : chez les adultes comme chez les jeunes, on compte presque cinq fois plus d’hommes que de membres dudit sexe faible. En se basant sur l’âge moyen des migrants, on constate que, de façon générale, la population française de Cuba est jeune (32 ans en moyenne pour les 1257 migrants enregistrés). Mais le détail de ces moyennes apporte quelques nuances à notre propos et nous autorise à dire que la gent fémi- nine, en plus d’être sous représentée, est nettement plus âgée que les hommes dans le camp des adultes. À l’inverse, les jeunes filles, encore moins nombreuses que leurs aînées, sont beaucoup plus jeunes que leurs acolytes masculins. Les inégalités hommes/femmes se pour- suivent dans les taux d’emploi et de non-emploi qui voient, là encore, se manifester la pré- pondérance masculine. Laissons momentanément de côté la guerre de sexes, et penchons- nous sur ce que nous disent les moyennes d’âge de nos migrants : si dans la catégorie des ma- jeurs, ces moyennes font de la population française un ensemble jeune, l’âge moyen des mi- neurs (15 ans) témoigne d’une relative vieillesse de ces jeunes. En effet, lorsque l’on sait que l’âge des jeunes migrants va de 0 à 20 ans, cette moyenne élevée, plus proche des 20 ans dé- montre l’absence d’un nombre important d’enfants en bas âge. L’exact inverse est valable

66 pour le groupe des majeurs : sachant que les migrants appartenant à ce groupe ont entre 21 et 85 ans, une moyenne d’âge de 36 ans et demi est une preuve formelle de la jeunesse de ce groupe. Avec des enfants âgés d’une part, et des adultes jeunes de l’autre, il apparaît claire- ment que les Français de Cuba n’occupent que très peu les extrémités de l’éventail des âges. Il nous semble difficile d’expliquer totalement ce profil si tranché de la population française de Cuba que nous offrent les registres. Néanmoins quelques éléments d’explication peuvent être fournis. Il convient avant tout de rappeler que, d’une certaine façon, les registres d’immatriculation consulaires ne nous permettent d’observer les communautés françaises que par « le petit bout de la lorgnette » c'est-à-dire ici qu’ils nous empêchent, non pas de voir les choses essentielles, mais qu’ils occultent une assez large part de la population. Ainsi l’absence significative des femmes peut être imputée au manque d’exhaustivité des registres. Pascal Riviale75, dans le cadre de son travail consacré à la population française au Pérou, a utilisé les mêmes registres d’immatriculation et a, lui aussi, fait l’expérience des limites de ces registres.

« Il convient de souligner une autre cause de lacune dans ces registres d’immatriculation. Générale- ment seuls les hommes adultes viennent s’inscrire au consulat, soit des hommes seuls, soit des chefs de famille. Les femmes n’apparaissent que rarement, de même que les enfants. »

Le contenu des registres, déterminé par les pratiques que l’on peut qualifier de phallocra- tiques, exclut de fait les femmes et tendent à passer sous silence leurs éventuels rôles dans les processus migratoires et dans la vie des colonies. Le fort taux de non-emploi des femmes affi- ché en est la preuve : en accord avec François Battagliola76, on peut affirmer que le nombre important de femmes enregistrées et considérées comme « sans emploi » s’explique par le fait que le travail féminin était peu ou pas reconnu. Ainsi, les femmes, de même que les enfants, étaient souvent classés sous la profession du chef de famille, en particulier lorsqu’elles exer- çaient le même métier que leur mari. Cette pratique était courante dans les familles d’agriculteurs, où l’aide apportée par la femme ne comptait pas comme un métier. Il était

75 Riviale, Pascal, « Reconstituer l’histoire de l’émigration française au Pérou au XIXème siècle : les sources en

question. », article présenté lors d’une journée d’études intitulée Les Français et l’Amérique Latine : le XIXème siècle, organisée par l’EHESS à Paris le 3 juin 2005, 18 p. Article disponible en ligne sur http://www.ehess.fr/cena/colloques/2005/francais/riviale.pdf. Consulté le 21/11/2008.

67 donc impossible de déterminer si « la part qu’elles prennent à l’exploitation est notable ou insignifiante ». De plus, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les domestiques et les mères ou foyer était classées dans la même catégorie, celle de la domesticité, bien que les domestiques soient rémunérés. Même lorsque les femmes travaillent, il reste difficile de les catégoriser : les femmes ont souvent, à cette époque, plusieurs activités, loin de la traditionnelle notion de profession, propre au travail masculin. Les activités des femmes, loin de se réduire à celles du foyer, s’ajoutent aux métiers qu’elles exercent, participant, selon l’auteur à la séparation entre le foyer et le travail, et sont devenues, par extension, génératrices de différences entre homme et femmes. L’absence relative des femmes dans les registres consulaires n’a d’égale que celle des enfants et des personnes âgées dont le petit nombre a déjà été remarqué. On peut supposer que, dans le cas des enfants, considérés souvent, au même titre que les femmes, comme quan- tité négligeable, les chefs de famille n’aient pas jugé utile de les enregistrer systématique- ment. L’immatriculation étant parfois payante77, l’inscription aux registres de toute une fa- mille pouvait s’avérer assez onéreuse, en particulier pour les petites bourses d’où certaine- ment l’absence dans ces registres des membres moins importants de la famille. Dans le cas des personnes âgées, d’autres raisons peuvent motiver leur absence. On peut supposer, en ce qui concerne les migrants de longue date, peut-être devenus plus cubains que français, la question de l’inscription ne se pose plus avec la même intensité que pour le jeune aventurier fraîchement débarqué et encore tout imprégné de la France.

2. Classes d’âges

Une étude par classe d’âge de la population enregistrée auprès des autorités consulaires fran- çaises, et donnant les grandes caractéristiques de ces classes d’âge, nous permettra de con- naître dans les détails la structure de cette population française. Neuf groupes d’une décennie chacun ont été constitués allant de 0 à 90 ans (les Français immatriculés étant âgés de 0 à 85 ans), des groupes auxquels s’ajoutent celui des migrants dont on ne connaît pas l’âge (âge non

77 L’immatriculation dans les registres consulaires coûtait entre 5 Francs et 6,25 Francs soit 18 €uros et 22,5

€uros (conversion basée sur la valeur du franc en 1909 : 1 franc = 3,60 euros d’après l’indicateur de l’Insee - http://www.insee.fr/fr/themes/indicateur.asp?id=29&type=1&page=achatfranc.htm ).

68 reporté et/ou absence de date de naissance). Ces classes d’âge, réunissant la totalité des 1257 personnes immatriculées dont 1228 dont l’âge est connu, ont été regroupées dans le tableau récapitulatif ci-dessous. Ce tableau présente en premier lieu le nombre de personnes apparte- nant à chaque classe d’âge, puis la répartition par sexes de ces personnes. Viennent ensuite le pays de naissance et la ville de résidence de la majorité des Français compris dans chaque tranche d’âge. Enfin nous avons procédé à une catégorisation des individus relevant de chaque tranche d’âge en fonction de leur statut matrimonial, renseigné grâce au champ « État civil » de la base de données « Registres d’immatriculation ». La grille de lecture des colonies françaises de Cuba que représente ce tableau récapitulatif s’achève par une colonne et une ligne de totaux, dont la première n’est qu’une réplique du nombre de migrants par classe d’âge, mais dont la seconde (la ligne des totaux) permet de retracer brièvement l’essentiel des grands traits de la population française.

69 Figure 13 : RÉPARTITION DES MIGRANTS PAR TRANCHES D’ÂGE ET CARACTÉRISTIQUES DE

CES ÂGES.78

La distribution des Français immatriculés par tranches d’âge vient confirmer nos propos au sujet de leur répartition sur l’éventail des âges : les deux catégories les moins représentées

78 Les couleurs chaudes (rouge, orange) signalent les chiffres les plus importants et les couleurs froides (verts)

les chiffres les plus bas.

79 *Répartition des migrants en fonction de leur sexe : H = Homme, F = Femme. 80

** Statut matrimonial des migrants : M = Marié(e), C = Célibataire, V = Veuf(ve), D = Divorcé(e), I = Incon- nu. Nombre d'immatriculés H* 79 F* Principal pays de naissance Principale ville de rési- dence M**80 C** V** D** I** TOTAUX 0-10

ans 56 40 16 Cuba La Havane 0 56 0 0 0 56

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