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On ne saurait juger du profil des villes à partir d'un regard qui s'attacherait exclusivement aux quartiers centraux. Pas plus que l'accumulation de monuments classés ou d'architectures considérées comme notables, le fait qu'y résident les institutions du pouvoir et les métiers réputés nobles, ou encore que la rente foncière y soit au plus haut, ne sauraient suffire à justifier qu'on examine ces quartiers à la loupe cependant que des œillères dispenseraient d'observer la reste des espaces urbains. Sauf à cultiver un préjugé qui est au fond un préjugé de classe335, il n'y a aucune raison non plus de considérer qu'il y aurait là un modèle de la ville par excellence, ou que l'allure de la capitale doive s'imposer au reste du monde. À vrai dire, les modes d'occupation du sol qui conviennent aux différents genres de villes ne sont pas identiques, même s'ils obéissent à certaines règles générales, et il en va de même pour les différents quartiers. Une approche un peu objective des territoires urbains commencera donc par un cadrage des formes de l'habitat, qui représente le plus gros de la substance bâtie et recouvre nombre de fonctions associées, comme les boutiques ou les petits ateliers. Cela débouchera sur un essai de typologie quantitative. On adoptera ainsi une démarche aussi essentielle que peu courue car, en architecture, la désignation d'un type repose généralement sur la récurrence d'un arrangement fonctionnel, d'un genre de maîtrise d'ouvrage et d'un parti formel en adéquation avec un système constructif, sans que soit précisée la part que l'item ainsi identifié occupe effectivement dans le paysage bâti. Dans ces conditions, un type peut correspondre à une réalité peu courante, et les travaux qu'on lui dédie ont l'inconvénient de focaliser l'attention sur des aspects secondaires du cadre de vie, voire sur des éléments anecdotiques. Au contraire, des procédures fondées sur des évaluations quantitatives mettront d'abord en évidence les genres d'immeuble qui constituent la masse de l'habitat. On montrera que la substance bâtie des villes françaises a très largement reposé sur un type constructif qui, comme les maisons pauvres des campagnes, a pratiquement échappé aux investigations des études savantes.

335 Ajoutons que ce genre d'à priori est d'une grande commodité pour les lettrés, car les immeubles chargés d'histoire sont généralement mieux documentés que les autres, surtout quand il s'agit d'édifices à vocation communautaire, ou dédiés à l'usage de gens d'importance. Le fait qu'on ait à leur propos matière à argumenter pro et contra, à multiplier les distinguo, etc., bref à développer les volutes sans fin de la rhétorique médiévale, leur confère, ipso facto, une certaine dignité en tant qu'objet intellectuel. Pour reprendre un aphorisme de Frédéric Nietzsche, "toutes les choses qui durent longtemps s'imbibent progressivement si bien de raison qu'il devient incroyable qu'elles aient pu tirer leur origine de la déraison" (Aurore, I.1, réédition Gallimard, collection

"Idées", n°322, Paris, 1974, p. 25).

Allure générale.

Les recensements représentent la seule source qui permette de se faire une idée d'ensemble de la dynamique formelle des villes françaises, et la période qui nous intéresse est, à cet égard, une des plus favorables. En effet, les statistiques décrivant les immeubles apparaissent dans le dernier quart du 19ème siècle, et elles disparaîtront des publications dans le dernier quart du 20ème siècle336. Toutefois, outre qu'elle ne livre que des indications sommaires sur la typologie des constructions, telles que la hauteur ou la contenance des constructions, il faut bien reconnaître que cette source est loin d'être parfaite. Tout d'abord, comme on l'a déjà rappelé plus haut, les recensements qui ont fait l'objet d'une exploitation systématique à cet égard sont peu nombreux. Ensuite, la notion d'immeuble devient relativement incertaine lorsqu'on est en présence de milieux denses avec des développements sur cour, et elle a donc pu donné lieu à des interprétations variables dans l'espace et dans le temps. Enfin, les tableaux de synthèse qui ont été publiés sont structurés selon des classes de communes qui ne sont pas nécessairement celles qu'on aurait souhaitées, et qui ont en tout état de cause pour effet d'éclater entre plusieurs rubriques la réalité de la plupart des agglomérations, sans qu'on puisse effectuer les rattachements qui s'imposeraient. En dépit de leurs limites, les indications qui en ressortent n'en sont pas moins expressives, comme on le verra dans les tableaux qui suivent. Les résultats de l'enquête de 1939-1942, heureusement établis à l'échelle des agglomérations, viendront donner plus de corps à une vue des typologies bâties qui, sinon, resterait excessivement abstraite.

Les indications qui ont fait le plus tôt l'objet d'exploitations systématiques concernent la hauteur des constructions, qui est saisie à travers le nombre d'étages habités, y compris les niveaux sous toiture. Dans un pays en voie d'urbanisation, on attendrait que les hauteurs moyennes augmentent progressivement, avec une poussée des immeubles de quatre niveaux et plus. Or, ce trait qu'on peut parfaitement identifier dans le Paris de 1900, même dans les arrondissements périphériques, ne se retrouve nullement à l'échelle du territoire national.

Répartition des immeubles d'habitation selon le nombre d'étages Nombre

d'immeubles (en millions)

Rez-de-chaussée

seul

Un étage Deux étages Trois étages Quatre étages et

plus

1881 7,61 53 % 32 % 11 % 3 % 1 %

1911 8,17 48 % 40 % 9 % 2 % 1 %

Source : INSEE, Études et Conjoncture, n°10-11, octobre-novembre 1957, "Évolution des conditions de logement en France depuis cent ans", p. 1023.

Nota : En raison des "lacunes des bordereaux de maison", cette indication n'a pas été publiée en 1901.

336 L'immeuble reste incontournable pour qualifier certains aspects du logement – les équipements communs des collectifs ou les raccordements aux réseaux, par exemple – mais il ne subsiste plus que comme intermédiaire de calcul. Le principal motif avancé pour justifier qu'on renonce à le décrire en soi correspond à la difficulté que rencontrent les agents de terrain lorsqu'il s'agit de l'identifier, et aux flottements qui s'ensuivent. La construction moderne n'a fait qu'aggraver le problème. Comment considérer une barre ? Comme un édifice unique, ou bien comme un assemblage d'immeubles correspondant chacun , à une cage d'escalier, attitude qu'on adopterait spontanément si l'objet se trouvait à l'alignement sur rue, avec des adresses différenciées ? Pour l'anecdote, on peut ajouter que le format des feuilles d'immeuble conduisait à arrêter le décompte des logements au nombre de cent, et à placer les logements suivants dans des entités successives, ce qui revenait à tronçonner une tour de grande hauteur en plusieurs « immeubles », etc.

Bien que la population urbaine se soit accrue de quelque 4,5 millions d'habitants entre 1881 et 1911, soit une augmentation de plus d'un tiers, on ne discerne pas de dynamique particulière dans les immeubles hauts ou relativement hauts. Bien au contraire, la présence des constructions de trois niveaux et plus se trouve atténuée, et les édifices de cinq niveaux et plus demeurent marginaux. La contrepartie tient dans une nouvelle progression de l'imposant groupe des maisons à rez-de-chaussée ou dotée d'un unique étage, qui passe de 85 % à 88 % du parc. Le seul aspect qui révèle une élévation des hauteurs correspond à une substitution au sein de cet ensemble largement dominant, les maisons à un étage gagnant du terrain face à celles de plain-pied. Relèvement progressif de la maison de base, maintien d'une étroite marge de constructions hautes, effacement relatif des immeubles intermédiaires : le mouvement en cours se traduit par une stabilité de la hauteur moyenne pondérée, qui reste sensiblement de 1,65 niveau pour l'ensemble du parc337.

Ces résultats ne sauraient s'expliquer par une urbanisation dont le siège principal, sinon exclusif, se situeraient dans les petites villes. Dans la période considérée, le département de la Seine absorbe à lui seul plus du tiers de la croissance des populations urbaines, et on atteindrait la moitié si on tenait compte de la progression des communes de plus de 100 000 habitants, notamment Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille, Nantes, Nice et Nancy, qui connaissent des accroissements allant de 40 000 à 190 000 habitants. C'est d'ailleurs à la dynamique parisienne et à celle de quelques agglomérations majeures que l'on doit le strict maintien du poids relatif des constructions les plus hautes338. Il reste que le principal changement observé concerne la progression des maisons à un étage, au détriment des habitations de plain-pied. Dans la mesure où ces dernières sont typiques des fermes et des villages dans la plupart des régions de l'hexagone, il faut bien voir là, en creux, la trace majeure de l'urbanisation. L'évidence incontestable qui s'en dégage est que le mouvement vers la ville qui se fait à la Belle Époque prend forme à travers la multiplication des maisons à étage, un genre plus urbain mais qui reste d'une volumétrie plus que modérée. Dans les décennies qui suivent, les données sur la contenance des immeubles en fonction de la taille des communes permettent d'affiner la vue qu'on a sur cette tendance.

337 Les auteurs de l'étude de l'INSEE d'où nous avons extrait les effectifs d'immeubles selon les hauteurs commettent une erreur d'interprétation révélatrice en commentant les statistiques de l'impôt sur les portes et fenêtres. Constatant que les immeubles comportant six ouvertures et plus voient leur nombre augmenter considérablement entre 1830 et 1891, ils estiment que cela "[met] en évidence le nombre croissant de bâtiments importants en France" (op. cité, p 1022). Or, à trois percements par façade principale (une porte, deux fenêtres), une maison de plain-pied atteint couramment les six ouvertures fatidiques, et elle pourra en avoir douze dès qu'elle est dotée d'un étage. Un critère de "six ouvertures et plus" est indicatif du nombre de pièces (...ou de logements) de la maison, mais non de son "importance" en termes de hauteur. En fait le seul point sur lequel un tableau répartissant les immeubles selon qu'ils ont de une à "six ouvertures et plus" est véritablement probant concerne la régression des bâtisses à une ou deux ouvertures. Rapide pour celles qui ont une seule ouverture, qui deviennent marginales, le recul est toutefois très mesuré pour celles qui ont deux ouvertures, et le cumul de ces deux catégories de maisons misérables représente encore plus du cinquième des immeubles d'habitation en 1891.

338 La proportion arithmétique exacte des immeubles de quatre étages et plus est de 1,15% en 1881 comme en 1911. En 1881, ces immeubles se concentrent pour 40% dans le département de la Seine, dont environ les neuf dixièmes à Paris intra muros.

Contenance des immeubles d'habitation selon les classes de communes (Immeubles d'habitation "ordinaires ou mixtes", excluant les hôtels et les garnis)

a) en 1901 (87 départements) Classe de communes Logements

(en millions) Immeubles

(en millions) Nombre de logements par

immeuble

Moins de 2 000 habitants 5,300 4,846 1,09

De 2 000 à 50 000 habitants 3,423 2,288 1,50

De 50 000 à 100 000 habitants 0,423 0,168 2,52

Plus de 100 000 hab. (sauf Paris) 0,785 0,242 3,24

Paris 1,009 0,077 13,10

France entière 10,940 7,620 1,44

b) en 1946 (90 départements) Classe de communes Logements

(en millions)

Immeubles (en millions)

Nombre de logements par

immeuble

Moins de 2 000 habitants 5,652 5,024 1,13

De 2 000 à 50 000 habitants 3,982 2,410 1,65

De 50 000 à 100 000 habitants 0,723 0,276 2,62

Plus de 100 000 hab. (sauf Paris) 1,285 0,438 2,93

Paris 1,030 0,071 14,50

France entière 12,672 8,220 1,54

Source : INSEE, Études et Conjoncture, n°10-11, octobre-novembre 1957, "Évolution des conditions de logement en France depuis cent ans", p. 1038-1039.

Nota : Les peuplements des immeubles ordinaires ou mixtes selon la taille des communes ne sont pas connus de façon homogène dans le temps. Les résultats publiés qui sont les plus proches de l'exhaustivité concernent le recensement de 1946 et portent sur 38,6 millions de personnes, pour une population métropolitaine de 40,5 millions d'habitants. Les communes de plus de 50 000 habitants (y compris Paris), qui sont alors dotées de 24 % des logements ordinaires, se voient attribuer seulement 21 % de la population (ibidem, p. 1150).

Le premier aspect saillant correspond à la perduration d'effets de structure concernant la répartition de l'habitat. Certes, une poussée est visible dans l'ensemble des communes urbaines et, si Paris semble faire exception, ce n'est qu'une apparence. En fait, la croissance de l'agglomération capitale se poursuit à un rythme soutenu qui n'est réellement contrarié que par le second conflit mondial, mais elle s'opère désormais dans le reste du département de la Seine, voire dans la Seine-et-Oise339, comme le montre l'évolution de la population recensée qu’on donne dans le tableau suivant.

339 Voir par exemple Argenteuil, qui compte plus de 50 000 habitants en 1954.

Évolution de la population de la Seine et de la Seine-et-Oise (en millions d'habitants)

Paris Reste de la Seine (1)

Sous-total Seine

Seine-et-Oise (2)

Total Variation annuelle

1891 2,43 0,78 3,21 0,55 3,76

-1911 2,89 1,41 4,30 0,67 4,97 + 1,6 %

1926 2,87 2,02 4,89 0,88 5,77 + 0,9 %

1936 2,83 2,48 5,31 1,07 6,38 + 1,1 %

1946 2,73 2,40 5,13 1,07 6,20 - 0,3 %

1954 2,85 2,73 5,58 1,28 6,86 + 1,3 %

(1) Actuels départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

(2) Actuels départements de l'Essonne, des Yvelines et du Val-d'Oise.

Ce n'est pas seulement à Paris que l'illusion d'optique résultant du découpage communal empêche de prendre la mesure des réalités. Avec des effets moins caricaturaux, elle affecte également les autres grandes villes, dont la croissance déborde maintenant des communes centres340, et il faut donc considérer que la ligne concernant les communes de plus de 100 000 habitants minore sensiblement la dynamique des agglomérations correspondantes.

Un autre effet d'optique qui brouille la perception des phénomènes tient au fait que les effectifs des diverses classes de communes ne sont pas constants : dans une structure en croissance, les classes supérieures sont constamment abondées par des sujets venus des classes inférieures341. La combinaison des deux effets de brouillage a sans doute joué en faveur des communes de 50 000 à 100 000 habitants, dont elle explique le caractère apparemment remarquable. Il s'agit en effet d'un groupe de villes dont l'extension peut encore s'opérer en grande part ou en totalité sur le territoire de la commune centre, et, compte tenu du nombre de villes moyennes en croissance, on y a sans doute compté un nombre d'entrées supérieur à celui des sorties. Tout considéré, on se gardera donc de commenter les écarts apparents entre les dynamiques respectives des différentes classes de communes. La seule indication certaine que donne cette vue déformée des villes réside dans la tendance à la formation d'agglomérations plus consistantes, et ce n'est pas une surprise.

340 Dans les délimitations retenues par les enquêteurs de 1939-1942 les agglomérations de Toulon (125 742 habitants en 1946) ou de Poitiers (48 546 habitants en 1946) tiennent encore sur le territoire communal, et celle de Marseille (649 515 habitants en 1946) ne s'étend que sur quatre communes. Mais il en va tout autrement dans nombre de cas :

- Rouen (20 communes, 233 973 habitants en 1946), - Lille (15 communes, 352 142 habitants en 1946), - Lyon (12 communes, 642 712 habitants en 1946),

- Nancy et Orléans (9 communes pour des populations respectives de 153 443 et 94 267 habitants en 1946), - etc.

La limitation à la commune centre minore sensiblement la dynamique de la quasi totalité des agglomérations de plus de 100 000 habitants. À un moindre degré, le même effet touche les agglomérations plus modestes, qui couvrent généralement deux à cinq communes.

341 Entre 1901 et 1946, les communes de plus de 100 000 habitants (hors Paris) voient leur nombre passer de 15 à 21, en intégrant (de justesse) Clermont-Ferrand, Rennes, Limoges, Grenoble, Dijon et Le Mans. L'effectif de ces grosses communes progresse beaucoup plus lentement que durant le précédent demi-siècle où, de 1851 à 1951, il avait augmenté de 4 à 15.

Pour autant, on ne peut éviter de remarquer la persistance de l'habitat rural, qui représente encore près de 45 % des logements français en 1946342. Ce monde des campagnes et des bourgades est loin de s'étioler, et continue même à progresser, à un rythme il est vrai très modéré. Plus encore, on doit souligner que le millier de communes de 2 000 à 50 000 habitants voit son patrimoine de logements s'accroître de 15 % entre 1901 et 1946, ce qui représente une progression du même ordre que celle de l'ensemble du parc. Ces petites et moyennes communes urbaines correspondent pour l'essentiel à des villes autonomes, et non à des communes inscrites dans la périphérie de grosses agglomérations. Constituant une des bases traditionnelles de l'armature urbaine française – faut-il rappeler qu'une sous-préfecture, soit une ville troisième rang dans la hiérarchie administrative, pouvait n'avoir que 3 000 ou 4 000 habitants en 1900 ?343 –, elles continuent d'abriter le plus gros de l'habitat urbain : 61 % en 1901, 57 % en 1946. Avec le maintien d'un fort habitat rural et la poursuite du règne des petites villes dans le domaine urbain, le paysage qui se dévoile à l'issue du second conflit mondial est encore loin d'évoquer l'évolution, d'ailleurs elle-même mesurée, qui verra la moitié de la population se regrouper dans les unités urbaines de plus de 50 000 habitants à la fin du siècle. Sans doute, les besoins liés à cette nouveauté durable qu'étaient la "batailles de matériel"344 de la Grande Guerre ont-ils donné un coup d'accélérateur au développement de l'emploi dans les agglomérations industrielles demeurées au sud du front, et notamment dans la banlieue parisienne, devenue un véritable arsenal345, mais cela ne paraît guère avoir affecté un processus d'urbanisation dont la diffusion sous forme de petites unités fait écho, et contrepoids, à la concentration qui s'opère dans la capitale depuis l'Ancien Régime.

L'impression qui se dégage des équilibres globaux est confirmée par une seconde série de faits saillants, qui concernent les caractères des immeubles d'habitation. À cet égard, il est banal de constater que l'habitat rural coïncide à peu près exactement avec la maison individuelle. Il est en revanche plus saisissant de voir la catégorie de base de l'urbanité française – au double sens de son poids physique et de la taille des unités dont elle est constituée – afficher un paysage bâti qui n'est pas très différent, et qui se modifie fort peu en un demi-siècle. Un parc

342 Donnée d'autant plus significative que la statistique porte sur les "immeubles occupés"

343 Tel était le cas de Florac (Lozère, 2 064 habitants en 1990) ou de Briey (Meurthe-et-Moselle, 4 519 habitants en 1990), qui ont conservé leur dignité en dépit de la modestie de leur apanage, ou encore celui de Saint-Calais (Sarthe, 4 063 habitants en 1990), qui s'est vu rétrogradée au rang de chef-lieu de canton.

344 Expression empruntée au texte fameux d'Ernst Jünger, Orages d'acier.

345 La pudeur nationale veut qu'on ne dise rien des effets du second conflit mondial, alors qu'il est impossible d'ignorer que les usines de Toulouse ont livré des avions jusqu'à la fin du printemps 1944, et qu'il en est allé de même pour bien d'autres fournisseurs des armées. Revenant au premier conflit mondial, réputé plus présentable, on peut noter que Henri Sellier consacre plusieurs pages à discuter les transformations qui en ont résulté dans l'agglomération parisienne. En 1915, écrit-il, "le rétablissement des industries, par l'organisation des fabrications de guerre, transformait le département de la Seine en un formidable arsenal". Même si le cas de Citroën est bien connu, la majeure partie des productions nouvelles s'est installée là où il y avait de l'espace, c'est-à-dire en-dehors des murs de Paris. Il en est résulté que "certaines communes, complètement rurales avant la guerre, se sont couvertes d'usines". Dans les communes les plus touchées, "les anciens logements ont atteint un degré de surpeuplement inouï; on a mis en location des baraquements immondes [et] le nombre des garnis [s'est]

développé dans des conditions effrayantes". Henri Sellier s'abstient de décrire précisément le mouvement de l'emploi. Se concentrant sur son objet, il cherche à évaluer les conséquences sur le peuplement de l'agglomération. En l'absence de recensement, il se livre à diverses conjectures à partir des statistiques disponibles (cartes d'alimentation, etc.), et conclut à juste titre que la croissance de la population concerne exclusivement les banlieues. Il ajoute que, compte tenu des 250 000 hommes "tombés à l'ennemi" et de divers mouvements de population, l'accroissement global de l'agglomération est resté relativement modéré, et qu'on ne saurait y voir la cause principale de la crise du logement, qui préexistait, même s'il est "hors de tout conteste […]

que la guerre ait aggravé la pénurie de logements disponibles", en raison de la paralysie de la construction. (La Crise du logement et l'intervention publique en matière d'habitation populaire dans l'agglomération parisienne, Droit, Paris, 1921, p. 124-128; citations extraites des p. 124 et 128; sur l'inversion des déplacements pendulaires

que la guerre ait aggravé la pénurie de logements disponibles", en raison de la paralysie de la construction. (La Crise du logement et l'intervention publique en matière d'habitation populaire dans l'agglomération parisienne, Droit, Paris, 1921, p. 124-128; citations extraites des p. 124 et 128; sur l'inversion des déplacements pendulaires