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La sensibilité ou la résistance aux molécules antifongiques ne prédit pas de l’évolution clinique individuelle d’une fusariose. Cependant, une association existe entre les Concentrations Minimales Inhibitrices (CMI) élevées et une faible réponse au traitement antifongique. De ce fait, le profil de sensibilité aux antifongiques des espèces du genre

Fusarium doit être évalué pour aider au choix de la meilleure stratégie thérapeutique. De plus,

le profil de résistance étant spécifique d’une espèce donnée, il peut être appréhendé par une identification d’espèce rigoureuse, notamment par des techniques moléculaires [Alastruey-Izquierdo et al., 2008](141).

Fusarium spp. est résistant in vitro à la plupart des molécules antifongiques disponibles en

thérapeutique humaine. Dans ce genre, le complexe d’espèces Fusarium solani est considéré comme le plus résistant [Alastruey-Izquierdo et al., 2008](141).

Une synthèse des différentes valeurs de CMI du complexe d’espèces Fusarium solani vis-à-vis des principaux antifongiques est proposée à partir de données de la littérature depuis 2000 et contenant plus de 10 isolats (tableau 3).

Tableau 3 : Synthèse des différentes études de sensibilité aux antifongiques pour le complexe d'espèces Fusarium solani

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CMI (µg/mL)

Amphotericine B Natamycine Caspofungine Anidulafungine Micafungine Terbinafine 5 Fluorocytosine Références n FSSC GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 Alastruey et al. 2008 (141) 22 1,33 0,5 - 8 / 29,96 16 - 32 / Azor et al. 2007 (151) 27 / 1 - 8 / / 32 - 256 / / 32 - 32 / / 32 - 32 / Cordoba et al. 2008 (152) 15 / 1 - 16 / / > 64 / Cuenca et al. 2006(153) 18 / / 4 Debourgogne et al. 2012 (154) 49 1,2 0,125 - 2 2 Espinel et al. 2008 (155) 13 / 0,5 - 4 4 Iqbal et al. 2008 (156) 57 / 0,5 - > 8 / / 4 - 16 / O’Donnell et al. 2008 (6) 19 / 0,5 - 16 / / 2 - 8 / / 16 - > 16 / / 16 - > 16 / / > 16 / / 0,5 - 2 / / > 64 / Paphitou et al. 2002 (157) 18 14,8 2 - 16 / Tortorano et al. 2008 (136) 19 1,25 0,25 - 2 / Xie et al. 2008 (40) 34 / / 2 / / 4 / / 64

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CMI (µg/mL)

Miconazole Kétoconazole Fluconazole Itraconazole Voriconazole Posaconazole Ravuconazole Références n FSSC GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 GM range MIC 90 Alastruey et al. 2008 (141) 22 16 16 - 16 / 14 4 - 16 / 16 16 - 16 / 16 16 - 16 / Azor et al. 2007 (151) 27 / 32 - 32 / / 128 - 128 / / 32 - 32 / / 4 - 32 / / 32 - 32 / / 32 - 32 / Cordoba et al. 2008 (152) 15 / > 16 / / 4 - 16 / Cuenca et al. 2006(153) 18 / / > 8 / / > 8 / / > 8 Debourgogne et al. 2012 (154) 49 4,6 1 - 16 8 Espinel et al. 2008 (155) 13 / 2 - 16 16 / 1 - 16 16 Iqbal et al. 2008 (156) 57 / > 8 / / 8 - > 8 / / 2 - > 16 / O’Donnell et al. 2008 (6) 19 / 4 - > 8 / / 1 - > 8 / / 1 - > 8 / Paphitou et al. 2002 (157) 18 128 > 64 / 5,8 1 - 8 / 25,3 4 - > 16 / 30,7 16 - > 16 / Tortorano et al. 2008 (136) 19 > 16 > 16 / 9,21 1 - > 16 / 15,21 1 - > 16 / Xie et al. 2008 (40) 34 / / 16 / / 16 / / 64 / / 32

78 Ces différentes données de CMI montrent que Fusarium solani est une espèce multirésistante. Seule l’amphotéricine B présente des valeurs modérées et peut donc être considérée in vitro comme la molécule la plus active [Azor et al., 2007](151).

Peu de données existent au niveau des mécanismes de résistance mis en œuvre par le champignon contre les molécules antifongiques, à l’exception des échinocandines. Dans ce cas, la résistance intrinsèque repose sur une modification de la cible par mutation F639Y de la protéine FKS1 (sous-unité catalytique de la bêta glucane synthase, cible des échinocandines) [Katiyar et al., 2009](158).

En infectiologie, dans les conditions où les molécules disponibles sont peu efficaces in vitro sur le pathogène, les associations de principes actifs peuvent s’avérer intéressantes lorsqu’il existe des synergies entre eux. Pour le complexe d’espèces Fusarium solani, trois associations ont été testées : amphotéricine B + voriconazole ; terbinafine + itraconazole ; terbinafine + voriconazole. Seule cette dernière est intéressante puisque qu’elle est synergique pour la totalité des 15 isolats testés [Cordoba et al., 2008](152).

Une nouvelle molécule, E1210, est en cours d’investigation : cet antifongique d’une nouvelle classe présente un mécanisme d’action reposant sur l’inhibition de la synthèse des glycosylphosphatidylinositol, mannoprotéines constitutives de la paroi des champignons. Dans les études préliminaires du spectre d’action, un seul isolat présente une CMI supérieure à 32 alors que pour les 6 autres, les CMI sont inférieures à 0,25 [Miyazaki et al., 2011](159). Cette molécule semble donc intéressante in vitro mais également in vivo puisqu’elle est associée à une meilleure survie dans un modèle murin de fusariose disséminée, sans toxicité [Hata et al., 2011](160). Les résultats des études cliniques sont donc vivement attendus pour cette nouvelle classe d’antifongiques.

La particularité de Fusarium solani est d’être un complexe d’espèces phylogénétiques. Il est donc important d’étudier le profil de sensibilité aux antifongiques des différents clades ou sous-espèces de ce groupe. Aucune différence en termes de CMI n’a été observée au sein de ce complexe, contrairement au complexe d’espèces Fusarium oxysporum qui présente des différences de sensibilité pour la terbinafine [Azor et al., 2007](151) [O’Donnell et al., 2008](6) [Azor et al., 2009](161).

79 D’un point de vue pratique, Fusarium solani est un complexe d’espèces multirésistant in

vitro. Il convient donc de déterminer s’il existe une corrélation entre les CMI obtenues et le

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Stratégie thérapeutique

ONYCHOMYCOSES

Les onychomycoses, quel que soit l’agent fongique en cause, sont relativement difficiles à traiter puisque un échec au traitement est retrouvé dans 25 à 40 % des cas. Les causes potentielles de cette mauvaise réponse sont le défaut de compliance des patients d’autant plus que les traitements sont longs, l’absence de pénétration de l’antifongique dans l’ongle, la mauvaise biodisponibilité du médicament, les interactions médicamenteuses et la résistance des micro-organismes [Bueno et al., 2010](162). Dans le cas particulier des onychomycoses à

Fusarium sp. chaque hypothèse est à considérer mais principalement celle de la résistance en

raison de la faible sensibilité in vitro de ce champignon aux antifongiques disponibles sur le marché. Ainsi, des données spécifiques d’une série de 26 onychomycoses à Fusarium montrent un taux de réponse au traitement de 40 % par voie topique et 30 % en systémique (par terbinafine ou itraconazole). Dans cette étude, la meilleure stratégie serait donc le vernis de ciclopirox à 8 % ou la terbinafine par voie topique après avulsion de l’ongle [Tosti et al., 2000](61). Selon des données suisses, une onychomycose ne répondant pas à un traitement bien conduit par terbinafine ou azolés par voie systémique est généralement due à des moisissures et plus spécifiquement au genre Fusarium. Il est donc recommandé dans ces circonstances de traiter par amphotéricine B par voie topique associée à l’avulsion de l’ongle infecté [Baudraz-Rosselet et al., 2010](163). Dans ce contexte d’onychomycoses réfractaires au traitement conventionnel, 8 patients ont été traités avec succès par une solution d’amphotéricine B à 2 mg/mL administrée quotidiennement au niveau de l’ongle infecté et des tissus environnants [Lurati et al., 2011](164). Cependant, ces études se basent sur des populations de patients limitées, des stratégies standardisées de prise en charge sont donc aujourd’hui nécessaires pour les onychomycoses à moisissures et plus particulièrement à

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KERATITES

Les kératites à Fusarium sp. sont des infections oculaires sévères nécessitant une prise en charge rapide au risque de complications telles que la perte d’un œil. Cependant, comme pour les onychomycoses, il n’existe pas de recommandations en termes de prise en charge de ces infections. Historiquement, l’amphotéricine B et la natamycine sont les produits de référence, de première ligne, pour le traitement topique des kératites à Fusarium sp. [Touvron et al., 2009](165) [Dong et al., 2012](166). L’utilisation de cette classe d’antifongiques semble motivée par la relative sensibilité in vitro de ce genre fongique. Cependant, le succès thérapeutique ne peut être prédit par la sensibilité aux antifongiques et d’autres facteurs interviennent tels que les facteurs d’hôte, la pénétration de la molécule ou niveau oculaire et la concentration en principe actif [Taylan et al., 2012](167). Les antifongiques de la classe des azolés et notamment, le voriconazole ont été utilisés avec succès dans ce type de pathologie ophtalmologique, soit en première intention ou en traitement de sauvetage avec respectivement 63 et 69 % de succès [Troke et al., 2012](168). Une étude d’efficacité in vivo sur modèle animal révèle une évolution clinique comparable pour les trois molécules testées (itraconazole, voriconazole, amphotéricine B) avec cependant, une activité microbiologique plus importante pour l’amphotéricine B que pour les azolés [Yavas et al., 2008](169). A côté du choix de la molécule la plus adaptée, le choix de la voie d’administration et de la formulation sont très importants car ils déterminent la pharmacodynamique et la pharmacocinétique d’un traitement et par conséquent son succès. En effet, le voriconazole et l’amphotéricine B peuvent être administrés à la fois par voie parentérale et en topique, augmentant ainsi leur concentration au niveau du site de l’infection [Polizzi et al., 2004](170) [Touvron et al., 2009](165). L’administration par voie intrastromale du voriconazole est également intéressante avec une action directement in situ sans considération de la biodisponibilité de la molécule [Taylan et al., 2012](167). Dans les traitements par amphotéricine B, l’utilisation de nanoparticules pourrait être intéressante permettant ainsi une libération continue et prolongée du produit [Das et al., 2010](171). D’autres molécules, non utilisées habituellement comme antifongiques, ont montré leur efficacité dans des cas sporadiques tels que le polyhexaméthylène biguanide (utilisé dans les infections à

82 acanthamibes) [Behrens-Baumann et al., 2012](172) ou le cétrimide (désinfectant) [Mahmoud

et al., 2007](173). Dans certaines circonstances, la pathologie fongique va progresser malgré

la présence d’un traitement médicamenteux, nécessitant alors une prise en charge chirurgicale, telle qu’une kératectomie superficielle, une kératoplastie ou une transplantation de membrane amniotique dans les cas les plus sévères [Lin et al., 2005](174).

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