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Chapitre 3 : une université démocratique : principes fonctionnels 114

1.3.3. Produire un savoir démocratique : du laboratoire à la société 145

Dans le but de réfléchir à la production de savoirs que permettrait l'université idéale de John Dewey, rappelons deux évidences aux yeux de notre auteur qui n'en sont plus pour nous. Premièrement, la production du savoir est véritablement la fonction de l'université qui la distingue des autres institutions du premier et deuxième niveau d'enseignement. L'université est un lieu organisé dans le but de « promouvoir la recherche et l'enseignement scientifiques » et où « des connaissances scientifiques sont transmises » (Dewey 1931b, 59). Deuxièmement, cette même université est également « le lieu logique de l'organisation de la connaissance au service des problèmes publics » (Dewey 1930c, 294). C'est-à-dire que le savoir scientifique produit à l'université est une connaissance pensée comme un moyen de résolution de problèmes publics avant toute chose. Rappeler ces deux évidences pragmatistes n'est pas sans conséquence car elles nous permettent de mesurer la distance qui sépare cette « Idée de l'Université » d'autres conceptions faisant de l'université un lieu où l’on produit le savoir pour le savoir ou bien un lieu d'enseignement mais sans recherche. A l'inverse des tours d'ivoire ou des écoles, l'université idéale de John Dewey est une institution scientifique au service des hommes de son temps.

Comment mener alors une recherche qui concilie la rigueur de la démarche scientifique et son attention aux besoins sociétaux ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord dire que cette recherche se définit par le geste de l'enquête. Produire un savoir est une activité menée sur le mode de l'enquête en vue d'une meilleure compréhension des problèmes127

, des hypothèses et des applications possibles de ces dernières. Ou pour le dire autrement, rechercher, c'est enquêter de façon rigoureuse, systématique et expérimentale. Or, cette recherche est indispensable au projet démocratique : « Mais il

127 Cette importance des problèmes au sein du processus éducatif est par ailleurs soulignée par l’auteur : « La

première fonction fondamentale du travail de laboratoire, par exemple, dans une école secondaire ou un collège dans un nouveau domaine, est de familiariser l'étudiant avec un certain nombre de faits et de problèmes pour lui donner un "sentiment" [feeling] pour eux » (Dewey 1916b, 242).

est impossible d'élaborer des politiques véritablement publiques sans s'appuyer sur les connaissances, et ces connaissances n'existent que lorsqu'il y a des recherches et des dossiers systématiques, complets et bien équipés » (Dewey 1927c, 346).

L'objectif de cette section est donc d'expliciter cette production du savoir qui incombe à l'université en accord avec le projet démocratique de John Dewey. Pour ce faire, plutôt que de reprendre un à un les critères épistémologiques de la normativité démocratique vue précédemment, concentrons notre étude sur les choix socio- épistémiques qui touchent les trois éléments centraux de cette production du savoir que sont (a) le savoir lui-même, (b) le chercheur de ce savoir et (c) la société qui bénéficie de cette production. Notre hypothèse sur ces choix socio-épistémiques est de penser que 1/ le projet démocratique de John Dewey nous donne un cadre conceptuel suffisant pour penser les finalités de cette fonction universitaire de production du savoir, et que 2/ ces finalités sont « traduites » par les choix socio-épistémiques que nous identifions par les « recommandations » que fait John Dewey à la figure du chercheur universitaire sur lui- même, son objet de recherche et les implications sociales de son activité.

Là encore, il semblerait que la recherche scientifique universitaire n'ait pas faite l'objet chez lui d'une étude particulière ou d'un travail distinct de ses recherches. Mais l'on peut néanmoins reconnaître la préoccupation qu’il en a au sein de nombreux écrits thématisant la responsabilité sociale des intellectuels, et plus particulièrement celle des professeurs d'université. C'est donc pour exposer clairement cela que nous étudions ici cette conception pragmatiste de la production du savoir faisant partie du projet deweyen d'une université démocratique.

A. Produire un savoir en action

Quel savoir l'université peut-elle produire ? Face à cette question, nous ne mobiliserons que brièvement les éléments principaux de l'épistémologie pragmatiste, éléments déjà proposés par les travaux de Roberto Frega (2006). En effet, c'est davantage l'articulation de ces savoirs avec les institutions qui nous intéresse ici que les problèmes théoriques que pose la conception pragmatiste du savoir.

C'est pourquoi nous pouvons dire dans un premier temps que, selon le projet démocratique de John Dewey, le savoir recherché à l'université a d'abord pour but

d'améliorer le savoir déjà existant. Le progressisme scientifique de John Dewey est une conséquence de son perfectionnisme mélioratif démocratique. Mais il ne se confond, ni avec un positivisme (car l'amélioration du savoir est toujours relative à celui de la situation actuelle et ne prétend à aucune perfection absolue128), ni avec un « simple ajout plus ou moins massif d'informations à ce qui était connu auparavant » (car le savoir est en perpétuelle « reconstruction de toutes les connaissances acquises » (Dewey 1901, 304)). Produire du savoir est pour l'université le moyen essentiel de contribuer à la construction d'un monde nouveau :

Chercher des idées et s'y accrocher comme moyen de mener des opérations, comme facteur dans les arts pratiques, c'est participer à la création d'un monde dans lequel le printemps de la pensée sera plus clair et toujours plus fluide. (Dewey 1968, 342).

Fidèle ici à Charles Sanders Peirce129, John Dewey prône une production du savoir

au nom des conséquences pratiques de cette production. Pour le savoir scientifique comme pour le savoir commun, il s'agit de déterminer comment ce savoir va nous permettre de mieux agir en clarifiant ses désirs, construisant ses finalités et ses moyens. L'université doit alors, malgré l'étendue du savoir dont elle est dépositaire grâce à sa première fonction de transmission des savoirs, produire un savoir en vue de cette finalité pratique du savoir (Dewey 1938g, 281).

La production du savoir que John Dewey imagine sur le mode de l'enquête se pense toujours comme capacité d'améliorer l'adaptation de l'individu à son environnement : « Il n'y a pas d'enquête qui n'implique pas un changement dans les conditions écologiques » (1938c, 41). Ici encore, le darwinisme de cet auteur lui permet de retirer au savoir toute nature mystérieuse ou supranaturelle pour en faire un « produit » humain. C'est ce qui fait dire à Frederick Copleston que : « Par conséquent, la connaissance est représentée comme étant elle-même un faire ou un agir [doing] plutôt que, comme dans la théorie dite du spectateur, un "voir" » (Copleston 1994, 358). Mais on peut également en déduire que pour John Dewey, il n'y a pas d’« Idée de l'Université » mystérieuse ou de finalité mystique pour l'université qu'il souhaite. Comme toute autre fonction d'une institution, on évaluera ses réalisations à l'aune de cette adaptation méliorative.

128 Contrairement au positivisme d’Auguste Comte où le troisième état « positif », ou scientifique, de l’évolution

de l’humanité permet de formuler des lois invariables, naturelles, universelles, et parfaites (sans aucune exception). Cette position est exprimée explicitement dans le Discours sur l’esprit positif de 1844.

129 « Pour déterminer le sens d'une conception intellectuelle, il faut se demander quelles sont les conséquences

pratiques qui pourraient résulter par nécessité de la vérité de cette conception ; et la somme de ces conséquences constituera le sens entier de cette conception » (Charles Sanders Peirce 1903).

De plus, nous pouvons dire que le savoir pragmatiste n'est pas produit par une logique disciplinaire. Cette remarque importe car il ne s'agit pas ici de réduire la production du savoir universitaire aux seules disciplines des sciences physiques. Cette réduction du savoir à « la connaissance physique » comporte le risque de la laisser « dominer la scène sociale » (Dewey 1944b, 254). Or, selon lui, dans le cas de l'économie scientifique par exemple, cette conception « froide » et « déshumanisée » du monde est largement prédominante, mais il faut se méfier des méthodes des sciences physiques car leurs succès dépendent « des opérations expérimentales avec des sujets pour lesquels des considérations humaines (de valeur) ont été explicitement exclues » (Dewey 1925a, 359; Bazzoli et Dutraive 2013, 149). On ne peut donc pas supposer ici qu’il imagine une université scientiste se limitant à une conception positiviste et matérialiste du savoir130

. Ce ne sont pas ces méthodes scientifiques qu'il faut refuser mais leur absence d'usage conscient et réfléchi. Il s'agit bien de produire scientifiquement un savoir sur des objets divers plutôt que de produire dogmatiquement un savoir portant uniquement sur les objets des sciences dures.

En effet, l'université idéale de John Dewey cherche véritablement à élargir au maximum ses objets d'étude et ses disciplines au sein de ces départements car il s'agit de s'emparer le plus largement d'objets de science qui sont pour l'heure laissés à la tradition ou à la coutume. Ce mouvement d'expansion de la science est pour lui au cœur même de son histoire (Dewey 1968, 359). Mais au sein de son expansion, ne risque-t-on pas de diluer les méthodes scientifiques ? Qu'est-ce qui permet alors de qualifier la production de savoir universitaire de « scientifique » plus que de « religieuse » ou « traditionnelle » ? A cette question, John Dewey nous donne trois critères de la scientificité de la production du savoir qu'il espère pour l'université.

Le premier critère est que cette production se déroule sur le mode de l'enquête. C'est- à-dire que pour tout savoir produit à l'université, il faut appliquer des « scientific methods of investigation » pour que la production soit « la génération subséquente d'un ensemble de faits abstraits dont l'autorité est inhérente à l'utilisation de ces méthodes » (Kaufman-

130 Non seulement John Dewey ne pensera jamais une séparation radicale entre la science et l’art : « Bien que

l’on hésite encore à reconnaître ce fait, en raison de traditions établies avant que le pouvoir de l’art ne soit reconnu à sa juste mesure, la science elle-même n’est qu’un art central qui contribue à l’apparition et à l’utilisation d’autres arts. » (Dewey 1934e, 66) et tentera toujours de penser la plus grande continuité possible entre ces deux domaines (Dewey 1925a, 269), mais on notera en plus son ton moqueur pour critiquer l’approche scientiste dans la Quête de certitude : « Il y a quelque chose de ridicule et de déconcertant à la fois dans la manière dont les hommes s’en laissent conter, allant jusqu’à penser que les manières scientifiques de penser les objets révèlent la réalité intérieure des choses et déclarer fallacieuses toutes les autres manières d’y penser, de les percevoir et d’en jouir. » (Dewey 1929e, 153).

Osborn 1984, 1160). L'intérêt de l'enquête scientifique par rapport aux enquêtes du sens commun (c’est-à-dire celles que l’on réalise au quotidien, sans compétence particulière) réside ici ; « c’est la mise en œuvre contrôlée de la méthode de l’intelligence » (Bazzoli et Dutraive 2013, 133) qui permet une grande rigueur sur les mécanismes d'opérationnalisation de l'enquête là où le sens commun ou la tradition vont être défaillants. La production universitaire de savoirs peut ainsi, par l'enquête scientifique, se distinguer du savoir produit par le bon sens des communautés (Kaufman-Osborn 1984, 1150).Nous reviendrons plus loinsur les conséquences politiques de cette distance malgré leur horizon commun revendiqué par John Dewey (1938c, 66–85), ainsi que sur les risques d’un retour à un certain dualisme entre le savoir populaire et le savoir universitaire.

Le deuxième critère de la scientificité de la production universitaire est celui d'affronter des problèmes si complexes que l'usage des symboles (comme les symboles mathématiques ou les schémas logiques par exemple) pour les résoudre devient une nécessité. Selon lui, « the use of symbols » (Dewey 1937f, 245–46) rallie de cette manière toutes les études scientifiques et quelle que soit la discipline, l'usage de ces symboles nécessite un travail conséquent pour les maîtriser. Et c'est peut-être là que se distingue la qualification à la recherche des autres compétences de la production de savoirs. En tout cas, c'est en ce sens que l'on peut comprendre « la disposition à acquérir des compétences spécialisées en sciences » (Dewey 1916b, 295) c'est-à-dire pour devenir chercheur.

Ainsi, le savoir produit par la recherche universitaire sera, au moins dans sa formulation théorique, symbolique. C'est pourquoi l'université idéale de John Dewey ne peut se contenter d'une production de savoirs manuels ou d'habiletés techniques, mais qu’elle doit affronter les problèmes les plus complexes au moyen de cette recherche d'un savoir abstrait et symbolique que lui permet la science.

Le troisième critère scientifique du savoir universitaire est sa capacité à générer une pratique. En effet, selon Aurélien Gros (2011, 4), la conception pragmatiste du savoir ne se limite pas à une analyse linguistique ou à une réduction historique des conditions économiques d'une époque. Au contraire, le contenu d'un savoir est validé par la pratique qu'il génère, davantage que par son référencement disciplinaire (c’est-à-dire son inscription au sein du champ universitaire au moyen d’ouvrages, de revues ou d’autres productions académiques). C'est d'ailleurs à ce titre que l'on comprend la recommandation (assez pessimiste) que John Dewey fait aux universités, dans The Public and its problems, de produire un savoir facilement communicable auprès des citoyens, dans le but de le rendre

accessible à tous et que ceux-ci puissent prendre des décisions politiques adéquates à partir de ce savoir(Dewey 1927b, 260).

Ce critère permet également de comprendre pourquoi il partage ici pleinement l'avis de Graham Wallace, lorsque ce dernier compare les universités anglaises et américaines (Wallas 1914b), et marque l'importance d'inclure à la production du savoir « classique » des savoirs plus modernes, comme celui de gestion. En effet, c'est en vue d'une meilleure mise en œuvre de l'organisation collective, qu'est faite cette demande de production de savoirs. Par conséquent, là aussi, la finalité pratique de la production scientifique des savoirs universitaires prime.

B. La figure du scientifique pragmatiste

A partir d’une telle conception du savoir, à quoi ressemble l’activité scientifique et ainsi la figure du chercheur dans l'université idéale de John Dewey ? A quelles autres figures s'oppose-t-elle ? Pour répondre à cette question, nous allons en distinguer quatre pour les besoins de notre argumentations : la figure du chercheur, de l'expert, du savant et de l'ingénieur. Plus que des réalités sociologiques ou institutionnelles, ces figures représentent pour John Dewey des constructions idéales mettant en lumière les caractéristiques de ce qu'il considère comme étant ou non un caractère scientifique responsable et en adéquation avec son projet démocratique. Nous étudierons les deux premières figures dans un premier temps (c’est-à-dire le savant et l’expert), pour dégager par la suite les traits caractéristiques de la figure idéale du scientifique pragmatiste, c’est-à-dire celle du chercheur, et la confronter finalement à la quatrième figure, celle de l'ingénieur de Thorstein Veblen. L’objectif de cette section est de montrer que la figure du chercheur universitaire que John Dewey appelle de ses vœux se distingue de celle de l'expert, du savant et de l’ingénieur. En travaillant les qualités et les défauts de ces trois dernières figures, nous montrerons comment la figure du chercheur est construite pour concilier (a) le caractère éthique professionnel de son activité avec (b) une attention envers la demande sociale de sa production et (c) une conviction en l'intelligence collective. Ces trois caractéristiques forment un cadre éthique et politique contraignant pour le chercheur, mais qui lui permet d'intégrer pleinement le projet démocratique de John Dewey.

Le caractère éthique professionnel de son activité est une responsabilité que l'on se donne à soi-même, c'est-à-dire une loyauté, dans le cadre de sa profession (Centeno et Bégin 2015). Faire preuve d'un professionnalisme éthique signifie ici être en mesure de se porter garant de soi-même pour tenir les responsabilités qui incombent à son activité professionnelle. Ce discernement éthique est indispensable à la figure du chercheur pour cet auteur. A l'inverse, la figure de l'expert chez John Dewey est souvent dénuée de ce caractère éthique professionnel et est ainsi fréquemment critiquée pour son absence de discernement éthique dans sa recherche. L'expert est celui qui produit un savoir uniquement en fonction d'une commande sociale, souvent externe à l'université, sans se demander si son geste professionnel est en adéquation avec sa loyauté et envers soi-même. Cette critique, si elle n'est pas propre à John Dewey, est présente dans ses écrits politiques à partir de 1935, où la recherche scientifique, si elle n'est menée que par des experts préoccupés de techniques mais sans responsabilité éthique, vire à la catastrophe. Il illustre même ce point par l'exemple des scientifiques allemands au cours du XXème siècle, qui, selon lui, excellaient techniquement mais négligeaient les sciences humaines (Dewey 1935h, 277; 1935i, 344).

La deuxième dimension du chercheur mentionnée ci-dessus est l'attention qu’il porte à la demande sociale de sa production. Cette attention pour « la valeur de la recherche pour le progrès social » (Dewey 1968, 271) est centrale pour lui car elle est ce qui permet au chercheur de ne pas dissocier ses intérêts personnels des intérêts de la société. Or sans cette attention, la production de savoirs de ce savant est sans intérêt pour la résolution des problèmes publics. A l'inverse, la figure du savant est pour John Dewey à rejeter car, malgré son intérêt personnel pour la recherche et son caractère éthique, celui-ci refuse ou feint d'ignorer les demandes sociales de savoir de son époque. Les savants sont ces universitaires, « les personnes chez qui le simple mobile de la recherche est si fort qu'elles n'ont pas besoin de penser à autre chose » (Dewey 1932e, 45). Et il ne peut pas ne pas les critiquer dans son projet démocratique. Ainsi, sa lucidité éthique se trouve contrebalancée par une cécité politique sur son rôle de producteur de savoirs dans une société démocratique131

.

131 Cette distinction entre la figure du savant et de l'expert nous permet de distinguer les deux lignes de critiques

que fait John Dewey aux universitaires de son époque. Celle-ci nous importe car sans elle, on prend le risque de suivre Jean-Pierre Cometti dans la confusion de ses deux critiques et de penser, in fine, que toute expertise est dans tous les cas un obstacle à la démocratie. Or John Dewey ne peut s'associer à une telle idée : « L'expertise laisse ainsi, de toute façon, le citoyen sur le bord du chemin, à tel point que l'éducation s'est elle-même creusée de cette division et lui a puissamment apporté sa contribution » (Cometti 2016, 177).

C'est pourquoi, entre l'expert et le savant, la figure du chercheur universitaire est celle qui tente de concilier le caractère éthique professionnel et l'attention à la demande sociale au sein de son activité. Cette attention portée conjointement à l'intérêt individuel et à l’intérêt collectif dans la production du savoir est ainsi une caractéristique importante de la normativité pragmatiste (Gislain 2003, 38). C’est pourquoi la figure du chercheur idéal combine les deux qualités du savant et de l'expert sans en adopter les défauts. C'est-à-dire que le chercheur doit, paradoxalement, être désintéressé et habité par un sentiment d'utilité sociale :

Les études plus théoriques n'atteignent leur plus haut niveau de développement que lorsqu'elles trouvent une application dans la vie humaine, contribuant indirectement au moins à la liberté et au bien-être de l'homme, tandis que les études plus pratiques ne peuvent atteindre leur plus haut niveau d'utilité pratique qu'animées par un esprit désintéressé d'investigation. […] Mais dans notre intérêt commun, nous pouvons demander que nous nous unissions pour encourager dans tous les départements de l'université l'intérêt pour la recherche, la discussion libérale et l'amour de la pensée scientifique (Dewey 1923a, 197).

John Dewey va donc plus loin que James qui souvent limite l'intérêt pratique de la recherche à l'élimination des faux débats au regard des conséquences pratiques du savoir (Copleston 1994, 334). Si, selon John Dewey, il ne faut évidemment pas s'arrêter aux divergences des savoirs sans effet pratiques (Dewey 1946b, 158), l'utilité du savoir dépasse ce premier stade. Et c'est au nom de cette compréhension fine de l'utilité sociale que la figure