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Les productions végétales marchandes

Dans le document LE GABON PEUT-IL SE NOURRIR ? (Page 106-116)

CHAPITRE 2 : Les secteurs vivriers et l’Etat

1- Les productions végétales marchandes

1- Les productions végétales marchandes

Il s’agit de l’exploitation de cultures vivrières locales dont certaines comme le manioc et surtout les bananes plantains sont aujourd’hui plus valorisées. A celles-ci, il faut ajouter les cultures maraichères dont le développement est intimement lié à l’exode rural et à l’immigration internationale. Les unes et les autres ont fortement bénéficié de la croissance urbaine.

11 - La mutation commerciale des cultures locales

On peut distinguer deux grandes catégories de plantes alimentaires:

- celles, à l'état sauvage, qui font l'objet de cueillette et de commerce. Il s’agit en particulier des fruits tels que les amandes (Ndokh) ; corossol (Ebom) ; figues (Tom, ôfuar) ; safou sauvage (Siè) ; cérises (Ônong) ; etc. ;

- celles qui sont cultivées par les paysans, à savoir les légumes : oignon (Anywan) ; corchorus olitorius (Kelem kelem) ; feuilles de manioc (Mendza’a) ; piments (Ôndôdô) les aubergines (Zong) ; etc.) et qui sont aujourd’hui entrées dans le circuit de commercialisation et de consommation courante. C’est elles qui retiennent ici notre attention.

Les tubercules, les racines et les feuilles comestibles jouent un rôle primordial dans l’alimentation de la population gabonaise. Toutefois le manioc et les bananes dominent nettement. C'est ce que traduisent les adages suivants: "Le manioc est l'aîné de tous les aliments" et "Si tu ne plantes pas le bananier, tu mourras de faim".

On peut ajouter à ces deux produits de base, l'igname et surtout l'arachide consommée dans une forte proportion, car elle entre dans la préparation de presque tous les repas quotidiens. Mitzic située au Sud du Woleu Ntem et la Ngounié en sont les plus grands producteurs.

Si la forêt dense constitue un milieu écologique très favorable à la culture des tubercules, il n'en est pas de même des céréales qui y poussent difficilement.

Par conséquent, leur production y est très limitée. Ainsi on peut voir quelques pieds de maїs dans les champs d’arachide où ils jouent souvent le rôle de plantes de délimitation, et également dans les champs d’igname et de courge. Par contre, fonio, sorgho, mil et autres céréales sont quasiment absents de ce milieu forestier. On constate cependant que cette zone de forêt dense bénéficie d’une riche diversification variétale de toutes les cultures qui y sont pratiquées.

Le manioc, l'igname, 1’arachide, même la banane plantain et la canne à sucre comptent chacun plus d'une dizaine de variétés. Celles-ci sont identifiées par des caractéristiques qui leur sont propres: dure ou tendre pour les ignames;

amère ou douce pour les maniocs; les couleurs rouge, jaune et blanche pour les arachides; la taille des régimes et la grosseur des doigts pour les bananes, etc.

En même temps que les racines, les feuilles de certaines plantes comme 1e manioc et le taro sont très appréciées et consommées sous forme de légumes. Il existe également une gamme de plantes légumineuses cultivées dans le milieu par les paysans gabonais. Toutefois un fait remarquable mérite d'être souligné.

C’est le peu d’intérêt que portent les paysans à la culture des arbres fruitiers. Ce désintéressement quasi manifeste peut s’expliquer par l'environnement. En effet, la forêt procure aux habitants de la région, un nombre impressionnant et une gamme très variée de fruits sauvages qui font l'objet de la cueillette. Quelques pieds d’arbres fruitiers tels que le citronnier, l’oranger, le manguier sont plantés

derrière les cases, mais ne guère l’objet de culture. Et pourtant, leurs fruits sont régulièrement commercialisés sur les marchés locaux où ils sont très prisés.

Selon la saison, le kilogramme de ces variétés locales d’agrume est vendu entre 1500 et 2000 Fcfa.

111 - La primauté de la culture du manioc

Le manioc (manihot esculenta) est la nourriture de base de l’alimentation au Gabon. Il a été introduit de la RD Congo et répandu dans le pays au cours des années 1920, après la grande famine38. Ce produit se consomme en tubercu1e bouillie ou sous forme de bâton de manioc. La baguette de manioc se prépare selon un procédé traditionnel. Les tubercules de manioc sont déterrés et trempés dans l'eau pendant trois ou quatre jours, ce qui les ramollit. Ils sont alors détrempés, débarrassés de leur peau, pilés dans un mortier et mis en pâte. Celle-ci est emballée dans les feuilles d’une plante qui pousse au bord de l’eau. Les paquets de manioc sont enfin cuits à l'eau bouillante, et prêts à être consommés.

Mais la forme de consommation du manioc dépend de la qualité du produit. On distingue généralement deux grandes espèces de manioc, voir tableau n° 14:

- l'espèce douce est consommée en tubercule. Elle se reconnaît à la couleur rouge de ses feuilles et de la peau des tubercules39 ;

- l'espèce amère, contenant de l’acide cyanhydrique40 (HCN) est transformée en baguettes, et se caractérise par la teinte verte de ses feui11es, et la couleur blanchâtre de la peau des tubercules.

38 Après la famine, peu ressentie, de la 1ère guerre mondiale au cours de laquelle la population masculine et une partie des femmes furent associées à l’effort de guerre par les colonisateurs, survint celle des années 1921-1924,relativement généralisée, et particulièrement axée sur les régions de Mitzic, Lalara et Essone. Selon SAUTTER, 1966, quelle année ?cette seconde crise très meurtrière, a fait de nombreuses victimes. Le quart de la population de la subdivision de Afan a été décimé de même que le tiers de celle de Essone, soit respectivement 800 et 2000 habitants. Au même moment, on déplorait dans le district de Mitzic 1800 décès sur les 7200 habitants qu’il comptait.

39 Des paysannes pensent que la qualité du manioc dépend de la durée de stockage du matériel végétal avant sa mise en terre ; autrement dit le temps qui s’écoule entre le prélèvement des tiges de manioc et le moment du bouturage. La durée optimale est de deux semaines. En dehors de cette marge le produit devient amer. Sans aboutir à la même conclusion, ces pratiques se retrouvent également dans certains milieux paysans de l’Afrique de l’Ouest. Ce constat empirique n’est pas scientifiquement prouvé.

40 La toxine cyangénique provoque l’inflammation des glandes thyroїdiennes et peut être mortelle.

L’importance de l’utilisation de ce produit est telle que l’on peut dénombrer aujourd’hui au Gabon une demi-douzaine de formes (peu élaborées cependant) de consommation du manioc41. Toutefois, le manioc demeure le produit le plus cultivé et le féculent le plus consommé dans le pays. A propos de la ration alimentaire, le MAEDR, 2005, note : “ la part des féculents s’élève à 1178g au total, soit 72% du poids consommé. Dans ce total, le manioc représente à lui seul le tiers du poids total de l’alimentation journalière(…). Le manioc est aliment

Tableau n° 16 : Variétés de manioc chez les peuples Fang et Punu du Gabon

Cycle vég. : Cycle végétatif _ * Variétés très hâtives, anciennes et en voie de disparition ; les produits ne sont plus consommés au-delà de 12 mois

Source : GALLEY, 1980, enquêtes 2007/2008

41 Si certaines formes de consommation du manioc comme le pourquoi majuscules ? Gari viennent d’être introduites au Gabon à la faveur de l’immigration ouest africaine, celles-ci sont nombreuses, variées et très élaborées (Tapioca, Atcheke, Yeke-Yeke…), en Afrique Occidentale.

VARIETES FANG Cycle vég. (mois) PUNU Cycle vég. (mois)

Variétés

Par ailleurs, le tubercule frais contient 61% d’eau, 33,6% de matières de matières amylacées, de matières azotées (1,2%), de matières grasses (0,4%) et minérales (1,2%) ; tandis que les feuilles de manioc, largement utilisées comme légumes, apportent 26% de protéines sur la base du poids sec. Leur richesse en calcium, en vitamine A & B et en acides aminés permet d’équilibrer un régime alimentaire essentiellement à base de féculent.

Toutes les utilisations du manioc dans l’alimentation aussi bien de l’homme que de l’élevage porte à croire que les campagnes gabonaises entrent aujourd’hui dans une véritable “révolution du manioc”. On peut alors aisément comprendre que l’importance de l’utilisation de cette denrée par l’ensemble des populations gabonaises accroît la demande de la consommation, surtout dans les centres urbains, et fait progressivement d’elle un produit de rapport, au même titre que la banane qui, elle, est d’ores et déjà confirmée dans cette nouvelle vocation. Mais les quantités produites au niveau national sont en deçà des besoins de consommation, et sont complétées par des importations (cf. tableaux 16-17 et figure 20).

112 - Les îlots de développement des cultures bananières

Rappelons très brièvement que le bananier plantain (Musas Sp), de la famille des musacées, est une plante herbacée (originaire d’Asie) dont la tige se présente en rhizome ou en bulbe. Il pousse dans les régions tropicales soumises à des températures situées entre 25 et 30° C ; une pluviométrie mensuelle de 120 à 150 mm lui est indispensable, mais il ne tolère pas plus de deux mois de sécheresse. Du point de vue pédologie, il lui faut des sols meubles, profonds, bien aérés ; en outre riches en azote, potasse et phosphore. Mais c'est surtout l'aptitude de ce végétal à se multiplier et à produire même dans des jachères vieilles de deux à trois ans, qui représente son atout principal et fait du bananier une plante bien adaptée aux moyens de production rudimentaires dont disposent les paysans, ainsi qu’à la faiblesse de la main-d'œuvre agricole du pays. Celle-ci constitue l’ossature de l’entreprise agricole dans les campagnes gabonaises.

CHALEARD, 1996, fait d’ailleurs remarquer à propos de l’économie marchande

en Afrique tropicale que : "… l’agriculture en économie de plantation est essentiellement manuelle. L’élément du travail réside dans la mobilisation de la main d’œuvre". En effet, sans recevoir de soins particuliers – nettoyage, tuteurage, préfleurage (ablation des parties mâles des régimes) –, le bananier produit des fruits même après l'abandon des plantations. Et une fois mise en place, la bananeraie, selon les zones cultivées (forêt, jachère) et la nature des sols, ne nécessitera au plus qu'un seul désherbage ; voir photos 12, 13 et 14.

Dans les cas extrêmes, un second nettoyage sommaire et partiel peut s'avérer nécessaire. Une année plus tard, commencent les récoltes qui, compte tenu des propriétés végétatives du bananier s'étalent sur plusieurs années. DELVINGT, 1994, traduit cette réalité en ces termes : « … pour le plantain, il faut cultiver une jachère de longue durée car le niveau de fertilité du sol est satisfaisant, le travail d’entretien du plantain atteint son minimum et la fertilité son maximum».

Les caractéristiques biologiques de cette plante permettent à chaque pied de développer une touffe de plus d'une demi-douzaine de rejets, capable de porter deux à trois régimes par saison. Ce phénomène explique pourquoi au cours de nos enquêtes nous avons enregistré des superficies cultivées, –nous devrions dire récoltées– parfois invraisemblables42 (20 tonnes/ha pour le manioc et 50 tonnes/ha pour la banane plantain dans la province de l’Ogooué-Lolo ; 60 tonnes contre 45 tonnes dans la Ngounié). C’est d’ailleurs pourquoi RAEMAEKERS, 2001, note que « …le bananier plantain est considéré comme la ressource vivrière la moins chère que l’on puisse produire » en Afrique tropicale.

Si les superficies totales des plantes industrielles peuvent être assez facilement calculées et sont relativement disponibles, il n’en est pas de même pour le secteur de production vivrière. Ici, le contexte générale de l’entreprise (paysans analphabètes, absence de tout souci de comptage et/ou d’archivage, mobilité des hommes, etc.), et les conditions techniques de mise en œuvre de cette activité ne favorisent pas la tenue de comptabilité très fiable (cf. tableaux 19-20-21). Dès lors, on peut espérer que les services publics suppléent à ces

42 Etant donné que les vieilles plantations de 2 à 3 ans continuent de produire de la banane plantain (et sans entretien), les paysans les considèrent comme des exploitations en cours, ce qui rend délicate la comptabilité des superficies annuelles cultivées par planteur.

difficultés grâce à la diligence des services techniques du département en charge de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage et du développement rural dans son ensemble. Mais il n’en est rien. Parlant de la part de l’agriculture dans la formation du PIB, POURTIER, 1989, fait remarquer : « En réalité, sans même parler de la valeur de la production, on est très mal renseigné sur son volume. Les services statistiques du ministère de l’agriculture sont pour ainsi dire inexistants, ou se contentent de vagues estimations».

Photo 14 : Bananeraie, champ de cases dans un hameau, Asséwé

Photo 15 : Bananeraie, champ de forêt

Photo16 : Le bananier plantain, une nouvelle culture de rapport dans le Fernan vaz

Photos 14, 15 et 16 : GALLEY, Asséwé, Fernan-Vaz, mai 2006

De nombreuses variétés de cette plantes sont ainsi développées sur l’ensemble du territoire gabonais, comme elle l’est dans toute l’Afrique centrale, et partout ailleurs dans le monde tropical.

Tableau n° 17: Variétés de banane plantain chez les peuples fang et punu

* Type corn", régime à une seule main avec des doigts longs ; peu cultivé dans par les

Plus que toute autre denrée agricole traditionnelle dans le pays, la banane plantain a cessé, depuis longtemps, d’être une denrée exclusivement autoconsommée pour devenir un produit de rapport procurant aux planteurs d’importants revenus en numéraires. Cette culture marchande (cf. photos 14, 15, 16, ci-dessus) avait créé un fort courant d’immigration dans le Fernan Vaz (basse vallée de l’Ogooué), dans les années 1980/1990, lors de l’opération zonale intégrée (Ozi) initiée par l’Etat gabonais avec le financement du Fonds européen de développement, dans le cadre du 6ème FED. Ce projet avait permis l’instauration d’un important courant d’affaires entre la capitale économique du Gabon, Port Gentil et l’ensemble des campagnes de la basse vallée du fleuve Ogooué.

Hormis cette frange atlantique d’activité agricole qui, avec la fin de l’intervention active du FED, a perdu de son rayonnement en termes d’approvisionnement des villes en denrées vivrières, il faut souligner aujourd’hui avec force le trafic important de banane plantain en provenance du sud et des frontières nord du pays, en direction de la capitale gabonaise.

En effet, malgré la déprise agricole, certaines contrées du sud telles que la Douigny (dans la province de la Nyanga), de Ngumi/Mikuka, Mockongolo / Ngando, Myélégué / Mutsingui, dans l’arrière pays de Mouila, (la province de la Ngounié), développent et entretiennent les îlots de cultures vivrières relativement appréciables. Sur les 10 000 tonnes fournies par la Ngounié à la capitale gabonaise, environ 8000 tonnes proviennent des ces trois contrées, (cf.

carte n° 8).

La proximité ainsi que la perméabilité de la frontière sud, l’identité des peuples de part et d’autre de celle-ci, facilitent l’écoulement au Gabon des produits vivriers congolais (que l’on ne peut estimer à 25000 tonnes pour les bananes et autant pour le taro) ; par ailleurs, la main d’œuvre fournie par les réfugié congolais, du fait de la guerre, favorise la production agricole et crée une situation de relative abondance. Aussi, un flux commercial de la banane plantain s’est-il établi entre les campagnes du sud et Libreville. A ce sujet NKOGO, 2008, nous indique que 60 % des bananes plantains vendues au marché de ravitaillement du B2 (Centre-Nord de Libreville) proviennent du Sud.

Carte n° 8 :

Il existe également une filière nord de la banane43. Elle relie le sud Cameroun à la capitale gabonaise en passant par le Woleu Ntem, la première

43 Cette filière sera étudiée dans le 43, chap. 2, de la seconde partie du présent travail.

Douya Onoye

Îlots de cultures vivrières et marchandes dans la Ngounié

région agricole du pays, en termes de production de vivres par planteur (cf. carte n° 9). Toutefois l’engagement des paysans de cette région dans les plantations de cacao et d’hévéa notamment ne permet à suffisance de tirer profit des nouvelles possibilités de gains financiers qu’offre la banane plantain, dans une zone fortement démunie de ses forces productives les plus valides, mais aussi, où l’on peut facilement et à peu de frais, se ravitailler en denrées alimentaires dans les contrées voisines du sud Cameroun, et particulièrement au "Marché Mondial"

frontalier.

Tout compte fait, il est difficile de se faire une idée exacte des surfaces cultivées en agriculture vivrière traditionnelle. Nos différentes enquêtes agricoles dans les campagnes nous ont permis cependant de nous faire une idée approximative des résultats moyens des activités agricoles dans le pays44.

Tableau n°18: Production et rendements de denrées vivrières

B. pl. : Bananier plantain Man. : Manioc Cult. : cultures

* Les données du Woleu-Ntem et de Ndougou sont respectivement de 1980 et 1985 Sources : GALLEY, 1980, 1986, 1988, enquêtes 2001-2008

44 Les premières récoltes des principales cultures ont lieu entre 8 et 12 mois après la mise en terre. Sans faire l’objet d’entretien particulier, les champs de manioc, de taro et des bananes continuent à produire encore pendant 3 à 5 ans, même si les rendements deviennent très faibles.

La notion du rendement est en réalité la dernière des préoccupations du paysan dans ce type d’activité, mais toute son attention est retenue par les quantités produites. Aussi, le calcul du rendement d’un champ dans le sens agronomique du terme, devient-il difficile. Le paysan a tendance à déclarer la superficie totale plantée au cours des 5 dernières années, bien que celle-ci ne soit réellement productive qu’au tiers.

C’est donc uniquement cette part en production que nous prenons en compte dans nos investigations tant pour les superficies moyennes par planteur que pour les rendements à l’hectare. Les quantités totales produites par planteur, elles, tiennent compte des surfaces plantées durant la période de référence considérée par les paysans.

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