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Chapitre 6. Les fils

Les sections ci-dessous suivent l’arborescence classant les textiles, entre les fibres et les

éléments construits à partir de deux groupes de fils perpendiculaires (tissus*). La construction

des fils ayant déjà été abordée dans la première partie afin d’en présenter le potentiel informatif,

ce sont les textiles archéologiques construits à l’aide d’un fil ou plusieurs fils issus de la même

direction initiale qui sont présentés ici.

Hormis les fils isolés (voir 7.8), aucun reste correspondant à strictement au taxon fil (voir

supra, 3.2) n’a été découvert place Anatole France : pas de réseau bouclé ou noué (donc pas de

dentelle à l’aiguille, qui est conçue à partir de cette technique), pas de corde (qui, d’un point de

vue strictement technique, est un fil*).

6.1. Les mailles

- Les bonnetiers

Le terme bonneterie est dérivé du mot bonnet, qui désigne un couvre-chef (pas

nécessairement en mailles*). Selon les auteurs, le travail des bonnetiers varie : par exemple,

l’Encyclopédie décrit la transformation de tricots déjà faits par foulage et mise en forme

(DIDEROT, D’ALEMBERT DIR.1752 : BONNETERIE) alors que pour Sabine Boudou-Ourliac il

s’agit de la fabrication et du commerce des vêtements et des textiles à mailles (BOUDOU

-OURLIAC 2009 :175).

Les sources iconographiques montrent que, dès la fin du Moyen Âge, les marins et les

bergers tricotent ; en revanche les premières mentions de métiers du tricot apparaissent à

l’époque Moderne (ALEXANDRE-BIDON,LORCIN 2003 : 209).

Durant le dernier quart du 17

e

siècle, un atelier de charité emploie des orphelins pour

produire des vêtements en tricot à Tours, preuve de la fermeté de l’installation de cette

technique dans les usages à l’époque Moderne.

La première mention des bonnetiers à Tours date du 18

e

siècle, où un conflit oppose les

bonnetiers aux sergiers (LUDT 1998 :54). Les deux corporations sont alors en concurrence sur

le commerce de laines et sur leur préparation.

Jusqu’à la découverte de la place Anatole France, aucun couvre-chef en tricot n’était

connu en France pour le 15

e

ou le 16

e

siècle (TURNAU 1983 :122). Les sources écrites sont

également très discrètes sur cette spécialité au Moyen Âge. Les premiers statuts, au 15

e

et au

16

e

siècle, ne donnent hélas aucune précision technique sur les tricots produits (TURNAU 1991 :

31).

- Normes de production du 17

e

siècle

Dans son mémoire, Julia Chaupin étudie la bonneterie à Rennes au début du 16

e

siècle.

La ville compte alors environ 13000 habitants soit approximativement autant que Tours (entre

10000 et 15000 au 15

e

siècle, voir supra) ; l’influence internationale de sa production textile

est inexistante, leur influence régionale est relativement faible.

Les statuts rennais initiaux du métier de bonnetier sont introuvables mais leur

confirmation de 1613 comporte des détails techniques : le bonnetier doit produire lui-même son

fil ; le remploi de fils de tricots défaits est interdit. Les aiguilles (« broches ») sont faites sur un

modèle établi par les prévôts du métier (équivalent des maîtres jurés) afin que leur diamètre ne

soit pas trop grossier. Après avoir « broché » le vêtement, reste à le fouler*, le lainer*, le tondre*

et le coudre ; toutes ces étapes semblent systématiques. Le grattage* se fait sur tricot sec,

contrairement au drap*. La couture n’intervient qu’en tout dernier lieu afin d’éviter toute

différence car le fil peut ne pas réagir de façon identique au tricot lors du foulage. Pour ce faire,

le tricot doit être très homogène ou mis à sécher sur des formes pour que chaque partie

corresponde aux autres après foulage (CHAUPIN 2001 :63,94-97).

- Les tricots tourangeaux (0,24 %)

Place Anatole France, les textiles en mailles* ont été tricotés. Tous semblent en laine mais

seuls les fils de trois tricots ont pu être observés au microscope. Etant donné le faible nombre

de restes (16) et la difficulté d’extraire un fil d’éléments qui ont feutré (ou ont été grattés et

tondus), aucune analyse de qualité n’a été faite. La fibre n’a été identifiée que pour deux

échantillons mais semble être la même pour tous les fragments : de la laine de mouton, étant

donné sa tendance à feutrer (cependant d’autres poils animaux ont cette propriété, voir 3.3 ;

l’identification est formelle pour des tricots des groupes 12 et 196).

Certains tricots ont beaucoup feutré sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agit d’un

apprêt ou d’un problème d’usure ou de conservation (Fig. 54). Franz Maria Feldhaus

(FELDHAUS 1931) évoque la pratique du foulage des tricots qui permet, tout comme le foulage

des draps, d’imperméabiliser le textile et de lui donner un aspect uni et velouté (voir aussi

supra).

matière traitement /

complexité structure torsion densité

d'ensem

ble

NR NR

Laine jersey

z 4 et 4 11 6 0,09%

6 et 8 12 1 0,02%

s

(fils en double) 2

et 2,5 196 5 0,08%

2 et 4,5 246 1 0,02%

6 et 6 7 2 0,03%

Tableau 12 : groupes techniques concernant les tricots découverts place Anatole France.

Une grande variété de densité et de fils a été observée (ensembles 7, 11, 12, 196 et 246 ;

Tableau 12). Le même type de fil de laine est employé tout au long des tricots examinés (mais

dans l’ensemble les fragments sont de taille réduite et donc peuvent ne présenter le fil que d’une

pelote.

Certains fils sont tordus en z, d’autres en s, certains ont été utilisés simples et d’autres en

double. Les densités vont de 2 à 6 mailles et de 2,5 à 8 rangs / cm. Le sens de torsion ne semble

pas avoir eu d’impact sur la finesse du produit final.

Les onze fragments de jersey découverts à Renne ont un fil retors (Z2s ; CHAUPIN 2001 :

98). La question s’est également posée à Tours mais il a été impossible d’établir que les tricots

du groupe 196 étaient constitués d’un fil retors plutôt qu’à partir d’un fil employé en double (2s

ou Z2s ?) : les fils sont en grande partie masqués par le foulage et aucune retorsion n’a été

observée (Fig. 54).

Le seul point employé est un jersey (voir Fig. 23, à gauche et Fig. 24, à gauche) mais il

existe deux façons d’obtenir cet aspect : en tricotant alternativement, d’un rang sur l’autre, en

mailles endroit et en mailles envers ou bien en tricotant de façon circulaire et en employant

toujours le même point, qu’il soit endroit ou envers (voir infra). Les fragments 000.287,

000.345 et 069.054 sont des tricots circulaires alors que 049.422 présente des mailles de bordure

(équivalent d’une lisière pour un tissu*, voir 7.5). Malheureusement les autres fragments de

tricot sont trop endommagés pour déterminer la façon dont ils ont été faits.

Fig. 54 : tricots des groupes 11 et 196 (049.422 et 038.013).

Fig. 55 : exemples de rang de début (à gauche) et de fin (à droite).

Les mailles, lorsqu’elles sont créées, forment un V (Fig. 55). Le sens de production d’un

tricot peut donc être établi sur cette simple observation. Un certain nombre d’éléments

comportent un rang de début ou de fin qui sont très soignés (leur seul examen ne permettrait

pas systématiquement d’établir qu’il s’agit d’un début ou d’une fin ; Fig. 55). Le bonnet 000.287

a été tricoté de façon tubulaire en partant du sommet ; le rang constituant sa bordure est un rang

de fin (contrairement à ce que préconisent les modèles de conception actuels, par exemple).

069.054 est sans doute un fragment de bonnet et a également été produit du haut vers le bas

(présence d’augmentations et d’un rang de fin).

Les quelques diminutions observées ne présentent pas de schéma de répartition régulier

au sein des pièces.

La moitié des tricots a conservé une forme significative de leur fonction ; elle sera exposée

avec l’étude des autres formes (voir 0).

6.2. Les tresses (0,1 % du corpus)

Les tresses sont conservées sur trop peu de longueur pour qu’il soit possible de déterminer

si elles sont en cours de fabrication ou rejetées après utilisation (Fig. 56). Quatre tresses

circulaires sont en fibres animales, de natures variées bien qu’identiques à l’œil nu (Tableau

13).

matière traitement /

complexité structure torsion densité

d'ensem

ble

NR NR

Indét. tresse plate 3 brins STA 12,5 chevrons /

cm

263 1 0,02 %

Laine tresse

circulaire, 4 brins z diamètre 4 mm, 3

chevrons / cm

222 4 0,06%

plate 3 brins STA 1 chevron / cm 223 1 0,02%

Tableau 13 : groupes techniques concernant les tresses découvertes place Anatole France.

L’examen microscopique a révélé que la première est en soie ; deux autres sont en laine

(ensemble 222 ; deux ensembles distincts auraient dû être crées après l’identification des fibres,

ce qui n’a pu être fait faute de temps ; la nature des fibres de chaque objet a néanmoins été

précisée dans la base de données).

Une tresse très fine a été observée collée au dos du tissu 127.039 ; il est probable que

c’est l’épaisseur de ce drap de laine qui a permis la conservation de cet élément, en cours de

décomposition et dont la largeur initiale n’excédait pas 1 mm. La nature de sa fibre n’a pu être

déterminée (groupe 263).

Une tresse plate est fabriquée dans la même matière que deux cordons (cordes du groupe

198), en poil très épais (peut-être du crin de cheval – la fibre n’a pu être identifiée plus

précisément, ensemble 223). Le diamètre de cette tresse en fait un élément solide ; peut-être

a-t-elle été employée comme lanière ? Un certain nombre d’objets liés aux chevaux a été

découvert dans la fosse F.400 ; peut-il s’agir d’un élément de harnachement par exemple ?

Fig. 56 : détails des tresses 067.001 et 067.004 (groupes 222 et 223).

La diversité des tresses et de leurs matières pousse à en attribuer la production à des

métiers séparés et des usages variés ; tous peuvent avoir été le fruit d’une production

domestique.

L’exposé des structures présentes dans le corpus de la place Anatole France se poursuit

à présent avec les plus nombreuses : les textiles composés de deux groupes de fils entrecroisés

perpendiculairement, c’est-à-dire les tissus.

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