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Le processus de transformation du « moi athlétique »

Le processus de transformation du « moi athlétique » consiste en la réduction d’une part de l'identité associée au sport. Cette transformation identitaire se réalise par une réflexion consciente visant à réduire le « moi athlétique » ou par l’expérience de

différents événements qui a pour effet de mener à cette réduction. Elle semble s’amorcer au cours de la carrière sportive et s'intensifier à l’approche de la retraite sportive. Ce processus de transformation du « moi athlétique » influence la façon dont la retraite sportive est envisagée.

Le « moi athlétique » est une partie importante de l’identité des quatre athlètes rencontrés. Même si l’ampleur « d’être un athlète » varie d’un sportif à l’autre, tous se décrivent en utilisant les termes « athlète » ou « sportif » : « Ce serait un des premiers mots (sportif) que je dirais à quelqu’un (pour me présenter) ». Guillaume, Patrick, Samuel et Antoine s’entraînent depuis une dizaine d’années. L’entraînement universitaire étant exigeant, plusieurs heures par semaine y sont consacrées sans compter l’investissement dans leurs habitudes de vie afin de maximiser leurs performances (nutrition, sommeil, récupération). Plus le « moi athlétique » est important dans l’identité de l’athlète, plus la retraite sportive a une connotation négative. Elle est alors synonyme de perte ou de deuil, suscitant une expérience de vide important dans l’identité de l’athlète. Antoine et Guillaume dédient un nombre d’heures important à ce sport; ils n’ont pas développé d’autres intérêts en dehors du football, celui-ci étant leur seule véritable passion. Guillaume affirme qu’il ne s’est jamais levé un matin en se disant que ça « ne lui tentait pas de jouer au foot aujourd’hui ». Il perçoit donc sa retraite sportive comme une expérience de deuil puisque le football est, en quelque sorte, tout ce qu’il connaît, ce qui le définit comme personne et ce qui le passionne : « (La retraite sportive) implique la mort de mon identité de footballeur ». Il craint de ne pas retrouver

une activité qui le passionnera autant que le football : « J’ai peur de ne pas retrouver (une passion aussi intense) et que ça crée un vide que je ne sois pas capable de remplacer ». Comme il en témoigne, il a une vision imprécise de la façon dont il occupera son temps au terme de sa carrière sportive : « Tout ce temps de lousse que je vais avoir, je ne sais pas ce que je vais en faire ». Il n’a pas encore amorcé le processus de réduction de son « moi athlétique », même s’il se dit convaincu que les autres aspects de sa vie (sa famille, une éventuelle conjointe, son diplôme, et des projets à long terme) faciliteront sa retraite sportive. En même temps, il est difficile pour lui d’imaginer quel autre rôle il pourrait avoir en dehors du football, puisque le sport et lui sont indissociables : « Je suis confortable à l’idée de ne connaître que (le football), car je trip. Pourquoi j’aurais envie de connaître d’autres choses ? Je capote en ce moment. Tous les jours je me lève le sourire fendu ». Quant à Antoine qui a commencé un nouvel emploi au cours de l’année, sa vision de la retraite sportive s’est beaucoup transformée. À la première rencontre, il se percevait presque exclusivement comme un athlète. Avec la prise de conscience de l’approche de la retraite sportive, le processus de réduction du « moi athlétique » s’est intensifié; il continue de se définir comme un athlète, mais la dimension du travail est désormais bien présente, et ce, grâce à ses nouvelles expériences professionnelles et à la place qu’occupe désormais le travail dans sa vie. Il a élargi la perception qu’il a de lui-même pour laisser une place à un nouvel aspect qui le définit. Cette transformation de l’identité d’Antoine ne lui fait pas pour autant entrevoir la retraite sportive comme un événement totalement positif; néanmoins, il est capable d’entrevoir un futur dans lequel le football occupe une place différente et il est confiant

que son nouveau travail l’aidera au moment de sa retraite sportive : « Le fait de travailler beaucoup m’occupera, donc je devrais moins y penser (à ma retraite sportive) ».

Les deux autres athlètes, dont le « moi athlétique » est moins omniprésent par rapport aux autres rôles les définissant, ont déjà une idée de la façon dont ils combleront le vide laissé par la fin de la carrière sportive. Samuel et Patrick ont une représentation assez positive de leur retraite sportive. Pour ces derniers, la retraite sera l’occasion de s’engager dans d’autres activités, ce qu’ils n’ont jamais eu le temps de faire jusqu’à maintenant : « La journée que le foot va finir, ma vie va commencer. Je vais avoir du temps. C’est sûr que je vais aller à la chasse ». Le football est même parfois perçu comme un élément de leur vie qui les empêche de mener d’autres activités. Ces joueurs ont amorcé le processus de transformation du « moi athlétique » durant leur carrière sportive en participant à des loisirs parallèlement à leur carrière de joueur de football. Samuel s’est impliqué dans une association étudiante, il entraîne une équipe de football récréative depuis quelques années et il participe à un concours universitaire en droit dans la perspective de sa future profession. Patrick, quant à lui, s’est intéressé à la nutrition et il dit aimer également la nature, dont la chasse.