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Processus contrôlant l’orogénèse andine

la Cordillère de Patagonie

II.1. Géodynamique et segmentation morphostructurale des Andes

II.1.4. Processus contrôlant l’orogénèse andine

La déformation de la plaque supérieure au-dessus d’une zone de subduction résulte de plusieurs facteurs :

1) Intuitivement, le couplage à l’interface des deux plaques est un paramètre important. En effet la transmission des contraintes de la plaque plongeante vers la plaque supérieure est dépendante de la pression fluide à l’interface des deux plaques (Lamb et Davies, 2003). De ce fait, la contrainte cisaillante à l’interface des deux plaques dépendra de la présence ou non de sédiments à la fosse. Plus la quantité de sédiments est importante plus la contrainte cisaillante est faible. Lamb et Davies (2003) ont suggéré que l’évolution de l’orogénèse andine était contrôlée par les processus de sédimentation et d’érosion, dépendant eux-mêmes du climat. Un climat humide favorisera l’érosion du relief, dont les produits de l’érosion se déposeront dans les bassins sédimentaires de part et d’autre de la chaîne. Ainsi, l’accumulation de sédiments dans la fosse induira une lubrification à l’interface des plaques provoquant une diminution de la friction et par conséquent une diminution du raccourcissement de la plaque supérieure (Lamb et Davies, 2003). De ce fait, nous voyons que la tectonique peut-être contrôlée par le climat mais l’inverse est également possible. En effet, la création d’une barrière orogénique induira des perturbations majeures au niveau du climat le long d’un orogène. L’exemple des Andes étant l’un des exemples les plus

remarquables vu sa disposition nord-sud créant une asymétrie majeure dans les précipitations (Montgomery et al., 2001 ; Strecker et al., 2007).

2) La vitesse absolue des plaques et notamment celle de la plaque chevauchante est également un des paramètres important contrôlant la tectogénèse. Il a été montré qu’une bonne corrélation existe entre la vitesse absolue de la plaque supérieure (référentiel lié aux points chauds) et sa déformation (Silver et al., 1998 ; Heuret et Lallemand, 2005). Dans le cas d’un mouvement absolu vers l’océan, la plaque chevauchante enregistrera un raccourcissement tandis que si le mouvement absolu de la plaque supérieure est dans la direction opposée, cette dernière se caractérisera par un régime extensif (Figure. II.12). En ce qui concerne la vitesse absolue de la plaque Amérique du Sud en direction de l’ouest, celle ci a très peu varié depuis le Crétacé supérieur (2 à 3 cm/an, Silver et al., 1998). Ce concept est appliqué dans 75% des cas selon Heuret et Lallemand, (2005). Ils interprètent ces résultats comme la conséquence de l’ancrage des slabs dans le manteau inférieur, s’opposant au déplacement des zones de subduction. Ce concept est uniquement applicable dans le cas de subduction relativement ancienne où le slab atteint le manteau inférieur. Dans le cas de la subduction d’une lithosphère océanique jeune ce modèle n’est plus valable.

Figure II.12 : Diagramme illustrant la déformation arrière-arc en fonction du

mouvement absolu de la plaque supérieure (Vup(n)). La zone bleue correspond au domaine où

la déformation arrière-arc est cohérente avec le mouvement absolu de la plaque chevauchante. Les zones rouges correspondent aux convergences qui ne vérifient pas cette

relation. Nous remarquons que lorsque la plaque supérieure avance, la déformation est de

type compressif (d’après Heuret et Lallemand, 2005)

La déformation de la plaque supérieure est également fonction du retrait de la fosse (Schellart, 2008). Plus une fosse se retire rapidement plus l’extension enregistrée par la plaque supérieure est importante. Dans le cas d’un retrait lent voir nul, la plaque supérieure enregistre un raccourcissement, cas observé lors de l’avancée de la plaque chevauchante vers l’océan. Dans le cas des Andes la vitesse absolue de la plaque Amérique du Sud en direction de l’ouest, est de l’ordre de 2 à 3 cm/an (Silver et al., 1998). Différents pics de vitesse de convergence de la plaque en subduction ont été enregistrés. Un premier pic à 100 Ma est relié à l’ouverture du segment équatorial de l’océan Atlantique, un second pic au cours de l’Eocène (55 Ma) et un dernier pic à 25 Ma lié à la rupture de la plaque Farallon (Pardo-Casas et Molnar, 1987 ; Londsale, 2005). La vitesse de convergence a varié entre 10 et 15 cm/an pendant les pics de convergence pour diminuer à 7 cm/an au cours du Paléocène et de l’Oligocène. Le dernier pic à 25 Ma est bien corrélé avec la dernière phase de déformation majeure enregistrée sur la plaque supérieure (e.g. Allmendinger et al., 1997 ; Sempere et al., 1990 ; Charrier et al., 2002). Ce concept est valable dans le cas d’une subduction d’une plaque relativement mature. En effet dans l’exemple d’une subduction de lithosphère jeune et chaude induisant une diminution du pendage du slab et une diminution du taux de convergence (Cross and Pilger, 1982 ; Larter and Barker, 1991 ; Cloos, 1993), le retrait de la fosse pourra être plus ou moins élevé provoquant ainsi un régime extensif au niveau de la plaque supérieure.

3) La présence d’anomalies topographiques (volcans sous-marins, rides asismiques, plateaux océaniques) en subduction joue un rôle majeur sur l’évolution de la plaque supérieure. Ces anomalies modifient de manière plus ou moins localisée le couplage à l’interface des deux plaques et de ce fait le régime de contraintes de la plaque supérieure. Dans le cas des Andes, plusieurs rides asismiques sont en subduction, du nord au sud : la ride Carnegie (2°N), la ride de Nazca (15°S), la ride d’Iquique (22°S) et la ride Juan Fernandez (33°S) (Figure. II.13). Nous avons pu voir précédemment que leur subduction coïncide avec une horizontalisation du slab générant une migration de la déformation vers l’avant-pays, un arrêt du volcanisme et un soulèvement de l’avant-arc.

Figure II.13 : Illustration des interactions rides asismiques/fosse le long de la marge andine entre 10°N et 40°S de latitude. La localisation et la longueur prédite de ride subduite sont représentées en gris pour chaque anomalie subduite. Les triangles rouges correspondent au volcanisme d’arc andésitique actif (Gutscher et al., 2000). On a également représenté 4 profils illustrant les variations du style de subduction en relation avec des anomalies de la plaque plongeante (A : Equateur, B : Pérou, C : Bolivie, D : Chili). Nous remarquons que dans les cas de subduction de rides asismiques (profils B et D), la subduction s’horizontalise et la plaque supérieure enregistre une déformation compressive au niveau de l’avant-pays. Les flèches rouges indiquent le maximum de raccourcissement au niveau de la plaque supérieure (d’après Espurt et al., 2008).

4) La rhéologie de la plaque supérieure intervient également dans le style et dans la localisation de la déformation. En effet, l’épaisseur et la composition de la lithosphère chevauchante et son héritage structural gouvernent sa capacité à se déformer (e.g. Burov et Diament, 1996).

Il est évident que la subduction d’une dorsale active, accompagnée par le développement d’une fenêtre asthénosphérique induit des modifications majeures dans les conditions imposées par le matériel situé sous la plaque supérieure. Nous avons pu voir à travers le Chapitre I que l’ensemble des exemples de chaînes de subduction circum-Pacifique ayant interagi avec une subduction ’chaude’ a connu des perturbations géologiques majeures comme l’arrêt du volcanisme d’arc, la surrection momentanée de l’avant-arc, des transitions d’un régime compressif à un régime extensif de plus ou moins grande amplitude et un magmatisme arrière-arc important.

De ce fait, les Andes de Patagonie Centrale constitue un objet unique afin d’étudier l’évolution d’une chaîne de subduction lors de l’interaction actuelle d’une dorsale active avec un continent.

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