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La fabrication d’une pâte à papier de fibres vierges consiste à séparer les fibres de bois (action de défibrage du bois) en les dégradant le moins possible, ainsi qu’à favoriser l’obtention de propriétés mécaniques, chimiques ou optiques spécifiques en vue de leur utilisation finale

dans le papier. On distingue deux grandes familles de pâtes de fibres vierges qui différent selon leur technique d’obtention : les pâtes mécaniques et les pâtes chimiques (voir Fig. 2.7). Le recyclage des vieux papiers et cartons usagés fournit une troisième source de fibres impor-tantes : les pâtes de fibres recyclées. Celles-ci constituent environ 58% de la matière première fibreuse utilisée actuellement en France [9].

Pâtes mécaniques

Les pâtes mécaniques sont traditionnellement obtenues à partir de rondins ou de copeaux de bois de résineux à fibres longues broyés ou râpés en présence d’eau. Les rondins sont pressés dans de puissants engins mécaniques appelés défibreurs contre d’énormes meules abrasives (pâtes mécaniques de défibreur) tandis que les copeaux de bois sont désintégrés par des appareils à disques équipés de lames tranchantes (pâtes mécaniques de raffineur). Cette pâte est appelée thermomécanique lorsque le défibrage s’effectue à haute température

(> 100◦C) et sous pression. L’eau combinée à la chaleur dégagée par les frottements

con-tribue à ramollir les lignines présentes en grande quantité dans la lamelle moyenne, Fig. 2.4, et ainsi à faciliter la séparation des fibres les unes par rapport aux autres. Cette étape est suivie d’un lavage de la pâte. Ce procédé présente un rendement massique très important, de l’ordre de 90 à 95 %, car quasiment toute la matière est transformée en pâte, y compris les lignines. Les fibres de pâtes mécaniques classiques sont des matériaux qui ne peuvent pas être utilisés seuls pour former des feuilles. Elles doivent être mélangées à des fibres de pâtes chimiques. Leur proportion peut néanmoins être très élevées et atteindre 80 % dans ces mélanges. En ce qui concerne les pâtes thermomécaniques, la cohésion des fibres entre elles dans le papier est meilleure et la proportion de ce type de pâtes dans un mélange peut atteindre jusqu’à 90 %. Dans tous les cas, ces pâtes sont recueillies sous forme de suspension fibreuse très diluée dans l’eau. En général, ces pâtes sont préparées à proximité des machines à papier vers lesquelles elles sont directement acheminées. Ces pâtes comportent des fibres plutôt courtes et partiellement déstructurées. Elles contiennent des agrégats ainsi que des impuretés. Les papiers formés grâce à ces pâtes résistent mal au vieillissement : ils jaunis-sent et deviennent cassants à cause de la photosensibilité des groupements phénoliques des lignines persistants. Cette pâte aux faibles propriétés mécaniques est principalement util-isée dans la fabrication de journaux, de magazines, d’intérieurs de cartons, c’est-à-dire des papiers dont l’usage est limité dans le temps.

Pâtes chimiques

Les procédés chimiques de défibrage du bois ont pour propriétés de séparer les fibres de bois de feuillus ou de résineux tout en éliminant quasiment totalement leur contenu en lig-nine. Les pâtes chimiques sont ainsi constituées par la cellulose et par une certaine portion d’hémicelluloses. Deux principaux procédés sont utilisés pour obtenir ces pâtes : le premier

lavées et éventuellement blanchies. Si ces pâtes sont produites près d’une machine à papier, elles sont envoyées directement sous forme de suspension aqueuse vers cette installation. Sinon elles sont transformées par un presse-pâte en plaques sèches épaisses de quelques millimètres avant d’être acheminées vers les usines de production de papier.

Le rendement massique de ces procédés n’est compris que entre 40 % et 55%. Mais les pâtes qu’ils fournissent sont d’excellente qualité. Les fibres sont longues et ont de très bonnes propriétés mécaniques. Leur blanchiment est facile et leur degré de blancheur est élevé et stable. Notons qu’il existe des procédés dits mi-chimiques qui combinent des traitements chimiques et mécaniques dont le rendement massique est meilleur (de 55 % à 90%). Les pro-priétés mécaniques et optiques ainsi que l’aptitude au blanchiment de ces pâtes sont toute-fois médiocres.

Globalement, le procédé chimique kraft présente l’avantage de délivrer des pâtes d’excellente qualité et a une très bonne efficacité concernant la consommation d’énergie et le recyclage de produits chimiques. De plus il semble que le rendement de ce procédé puisse encore être amélioré et son impact environnemental diminué [5].

Pâtes recyclées

Les fibres à la base des pâtes recyclées proviennent des résidus issus des circuits industriels (rognures d’imprimerie, emballages), des vieux papiers (journaux invendus) et des embal-lages usagés. Le procédé consiste à remettre les fibres des vieux papiers en suspension par mouillage et brassage dans un pulpeur puis à éliminer les corps étrangers : agrafes ou matières plastiques éventuellement présentes. Des procédés élaborés de désencrage permettent d’ar-racher de la surface des fibres les particules d’encres qui se retrouvent en suspension. Leur récupération s’effectue grâce aux bulles des mousses de savon de désencrage qui les fixent. Les bulles et les particules sont récupérées en surface des lits de bulles. Ces pâtes sont prin-cipalement destinées à la fabrication des papiers et cartons d’emballage, mais peuvent égale-ment entrer dans la composition de papiers impression-écriture.

Blanchiment des pâtes

Les pâtes obtenues sont plus ou moins teintées, ce qui induit une étape de blanchiment pra-tiquées pour des raisons esthétiques mais aussi afin d’améliorer par exemple les propriétés

Figure 2.7: Fibres non raffinées de pâte chimique issues (a) d’épicéa et (b) de bouleau. (c) Fibres de pâte thermomécanique issues d’épicéa (noter la présence de particules de tailles éparses) [10].

Figure 2.8: (a) Fibres raffinées de pâte chimique. (b) Fibres de pâte mécanique : noter la similarité de l’aspect de la paroi de ces fibres avec celles de pâte chimique ayant été raffinées. Les fibres ont été lyophilisées pour davantage révéler les microfibrilles. Lors d’un séchage classique, les microfibrilles tendent en effet à se recoller à la surface de la fibre [10].

mécaniques des fibres à l’état sec ou humide ainsi que leur capacité à former des liaisons. Les

agents de blanchiment sont des oxydants du type chlore et oxygène qui sont fournisin situ

par divers dérivés. Les pâtes mécaniques peuvent ainsi être simplement traitées au peroxyde d’hydrogène (l’eau oxygénée) qui décolore les lignines. Mais les procédés de blanchiment simples posent des problèmes de stabilité du degré de blancheur, d’où le jaunissement rapide du papier. Un traitement de blanchiment des pâtes donnant des degrés de blancheur élevés et stables comporte plusieurs séquences. Les pâtes chimiques kraft peuvent être soumises par exemple à un traitement au dichlore suivi d’un traitement au dioxyde de chlore puis à l’hypochlorite de sodium. Ces traitements éliminent les lignines résiduelles, rendant la pâte plus résistante mécaniquement et blanche plus longtemps.

Raffinage des pâtes

Cette opération consiste à agir mécaniquement en milieu aqueux sur les fibres de pâtes chim-iques. Au cours du traitement, les fibres en suspension passent à travers un entrefer étroit

Figure 2.9: Vue en coupe de la section d’une fibre de pâte chimique ayant subi un raffinage important [10].

formé par des disques cannelés en rotation. Ce procédé engendre d’une part un phénomène de fibrillation externe des fibres : des microfibrilles ou des agrégats de microfibrilles se dé-tachent de leur paroi secondaire, ce qui augmente leur surface spécifique. Les photographies de fibres raffinées de la Fig. 2.8 mettent en évidence ce phénomène. Le raffinage crée d’autre part des phénomènes de fibrillation interne des fibres qui correspondent à une délamina-tion de leur paroi comme indiqué sur la Fig. 2.9. Ces modificadélamina-tions augmentent la capacité de gonflement et d’absorption d’eau, la flexibilité et la «conformabilité» (capacité d’une fibre à épouser la forme d’une de ses voisines) des fibres humides. Les procédés d’obtention des pâtes mécaniques induisent des phénomènes assez semblables sur les fibres : voir Fig. 2.8(b). Les modifications des propriétés microstructurales, physiques et mécaniques des fibres en-gendrées par le raffinage ont pour effet d’améliorer leur enchevêtrement ultérieur. La densité des réseaux fibreux est accrue, le nombre de zones de contact est multiplié et les surfaces des contacts (et de liaisons) sont augmentées. Un effet néfaste d’un raffinage trop poussé est qu’il tend à couper les fibres. Le raffinage produit aussi l’arrachage de bouts de fibres ou de frag-ments de fibres.

Les fines

Les pâtes contiennent une quantité non négligeable de particules fines. Dans les pâtes chim-iques, les fines peuvent représenter jusqu’à 15 % en masse de la pâte alors que cette propor-tion peut atteindre jusqu’à 50 % dans les pâtes mécaniques. Il s’agit de bouts de fibres ou de

fragments de paroi pour les plus longues (200µm), d’agrégats de microfibrilles et de portions

de microfibrilles pour les plus petites (> 1µm), arrachés lors des opérations de fabrication

des pâtes mécaniques ou lors des opérations de raffinage des pâtes chimiques. Les cellules de parenchyme du bois rentrent également dans cette catégorie. Les fines des pâtes chim-iques sont en général plus riches en hémicelluloses que les fibres dont elles sont issues : les

Figure 2.10: Principe de la fabrication industrielle du papier.

zones riches en hémicelluloses sont plus faibles mécaniquement et se détachent facilement de la paroi. Les fibres des pâtes mécaniques sont plutôt riches en lignine car elles provien-nent principalement de la lamelle moyenne et de la paroi primaire des fibres de bois.

Les fines sont des particules qui ont une grande surface spécifique. Celles riches en hémicel-luloses provenant des pâtes chimiques ont ainsi plus tendance à gonfler que les fines riches en lignine des pâtes mécaniques. Les fines auraient tendance à améliorer la qualité des li-aisons entre fibres dans les papiers.

Les pâtes sont choisies en fonction des propriétés recherchées pour la feuille de papier. Par exemple, un papier à base de pâte chimique a une résistance mécanique en traction deux à trois fois supérieure à une feuille formée (majoritairement) de pâte mécanique. En revanche, l’opacité des papiers à base de pâte mécanique est meilleure que l’opacité de ceux à base de pâtes chimiques. Très souvent des mélanges de pâtes sont utilisés pour fabriquer par exem-ple des papiers impression-écriture ou des cartons plats.