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II. Généralités

1. Les déchets nucléaires

1.3. Procédés de décontamination

Un procédé de décontamination est toujours nécessaire lors du traitement des radioéléments. En effet, il faut diminuer au maximum la radioactivité du matériau pour différencier les éléments possiblement recyclables tout en minimisant les déchets secondaires. C’est ainsi que les objets solides sont aujourd’hui généralement décontaminés par des gels et

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les effluents par voies chimiques (coprécipitation, échange d’ion ou adsorption), électrochimiques, membranaires ou par évaporation même si une majorité de procédés se tournent vers les traitements chimiques.

1.3.1. Coprécipitation et décantation

C’est le procédé le plus répandu pour le traitement des effluents nucléaires. Le sulfate

de baryum permet ainsi de sorber le strontium 23 et les hexacyanoferrates de retenir le césium

24. Cette méthode permet de récupérer un soluté qui resterait normalement dissous dans une

solution et de le faire précipiter avec un matériau tout en liant les particules au lieu de les

disperser 25. Les particules sont ensuite récupérées par décantation et les boues sont placées

dans une matrice de bitume ou cimentaire. Deux phénomènes se déroulent en même temps lors de ce procédé. La précipitation provoque la formation d’une phase solide et l’élément à récupérer s’incorpore dans le matériau.

Deux types de réacteurs existent pour cela : un procédé continu (volume d’effluent important) où l’effluent passe à travers une série de cuves de réacteurs en agitation où les réactifs sont ajoutés successivement ; et un procédé de semi-batch (réacteurs semi-fermés) où

les réactifs sont ajoutés successivement à un volume donné d’effluent 26. Les études ont montré

que le procédé le plus performant correspond à l’utilisation de réacteurs semi-fermés (Figure II.2) 27.

Figure II.2 :Schéma d’un réacteur et décanteur semi-fermé

Le réacteur est constitué de deux compartiments : une zone de précipitation avec la partie basse sous agitation et où il est possible d’introduire les réactifs et l’effluent ; et un

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décanteur au-dessus pour réaliser la séparation solide-liquide 26. Le désavantage de ce procédé

reste tout de même la quantité de boues produites.

1.3.2. Échange d’ions - Sorption 1.3.2.1. Phénomène de sorption

Le phénomène de sorption correspond à l’adsorption ou l’absorption d’une substance par une autre avec la création d’une interaction. Il existe ainsi des interactions physiques, chimiques ou encore électrostatiques :

· La sorption physique est un phénomène physique réversible entre les espèces adsorbées et la surface du matériau. L’interaction résultante est faible et de type Van der Waals.

La chaleur d’adsorption est généralement inférieure à 50 kJ mol-1.

· La sorption chimique est, elle, caractérisée par une chaleur d’adsorption (entre 100 et

500 kJ mol-1) et des interactions plus fortes.

· Les interactions électrostatiques impliquent la formation d’interactions de Coulomb entre un ion adsorbé et un groupe fonctionnel chargé.

La double couche ionique (Figure II.3) permet de décrire la variation du potentiel électrique aux abords de la surface. Les cations solvatés migrent et s’adsorbent sur la surface par des forces électrostatiques. La couche de Stern est définie comme une couche compacte d’ions immobiles fortement adsorbés sur la surface. Il est important de noter qu’il n’existe pas de charges libres à l’intérieur de cette couche. Au-delà, la couche diffuse est caractérisée par la présence d’ions

mobiles sous l’influence des forces électrostatiques et de la diffusion 28.

Les ions en solution possèdent une couche d’hydratation qu’ils conservent ou non lors de la sorption. Lors d’une adsorption spécifique, la formation de la liaison entre l’ion et la surface surpasse l’énergie de solvatation entre l’ion qui quitte la surface et le solvant. Les ions perdent partiellement cette couche en interagissant avec la surface. À l’inverse, si les interactions solvant-ion sont plus fortes que les interactions ion-surface, les ions gardent leur couche d’hydratation. L’adsorption est alors non-spécifique. Les adsorptions spécifiques et non spécifiques sont respectivement gouvernées par des interactions chimiques et par des forces électrostatiques.

30 Figure II.3:Modèle simplifié de la double couche ionique

1.3.2.2. L’échange d’ions

L’échange d’ions, notamment par les colonnes échangeuses d’ions, permet une décontamination importante tout en limitant la production de déchets secondaires. Cet échange

est basé sur l’inter-échange d’ions provenant de deux phases différentes 29. Pour utiliser ce

procédé, l’effluent doit respecter certains critères, comme une faible concentration de solides en suspension, une teneur en sel limitée et les radionucléides doivent être sous la forme ionique désirée 30. De plus, l’échange d’ion peut être sélectif ou indifférent selon différents critères comme la taille, la charge de l’ion et du site d’adsorption. En effet, il est nécessaire d’étudier auparavant l’affinité des ions en fonction des sites d’adsorption. Quand cette affinité est importante, l’énergie d’interaction augmente.

L’échange d’ions est un processus sélectif, réversible et stœchiométrique entre un ion mobile de l’échangeur et celui d’une phase liquide. Chaque contre-ion relargué est remplacé par l’équivalent d’une autre espèce ionique possédant le même signe et une valence permettant

l’électroneutralité 31. Il existe ainsi des échangeurs cationiques et des échangeurs anioniques.

Le principe est simple : un effluent traverse une colonne de part et d’autre (avec possibilité de régénération de l’échangeur d’ions lors de la saturation de la colonne) et, en sortie, la concentration de radioéléments est mesurée en fonction du temps par la courbe de Percée. C’est une méthode semi-continue due aux étapes indispensables de régénération, remplissage

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l’échangeur, puis, en continuant à faire circuler l’effluent, l’échangeur se sature et la courbe présentera un plateau de concentration décrivant la limite de l’échangeur.

1.3.2.3. Résines échangeuses d’ions

Les résines échangeuses d’ions ont été et sont toujours très utilisées pour la

décontamination des effluents 32. Ces matériaux sont généralement de forme sphérique et

présentent une granulométrie monodispersée. Ils sont aussi insolubles dans l’eau, possèdent une grande surface spécifique et sont constitués d’un squelette généralement à base de styrène et dont les chaînes de polymères sont réticulées par des groupements qui possèdent des sites chargés permettant l’échange d’ions. Les groupements les plus communs sont COOH

faiblement ionisé en COO-, SO3H qui s’ionise fortement en SO3-, NH2 qui attire faiblement les

protons pour former NH3+, les amines tertiaires et secondaires, et NR3+ (R correspondant à un

groupement organique) 31.

Les avantages définis, les résines échangeuses d’ions présentent aussi quelques inconvénients. Ces matériaux peuvent se dégrader thermiquement, chimiquement et mécaniquement. Cet effet peut être dû aux radiations (dégâts sur le squelette et sur les groupes

fonctionnels) 33,34, mais aussi aux forces de friction, aux différents débits de solution, aux

gonflements ou pressions osmotiques et à la température. Le matériau étant composé d’une large partie organique, la température influe grandement sur la structure. La dégradation chimique peut apparaître lors d’une oxydation influant sur la réticulation du polymère. Le risque d’explosion thermique existe également quand de l’acide nitrique ou d’autres oxydants forts

sont présents en solution 35.

Pour pallier à ces problèmes, les études se portent maintenant sur l’utilisation de matériaux inorganiques.

1.3.2.4. Autres matériaux inorganiques

De nombreux matériaux inorganiques sont à l’étude pour une utilisation dans des procédés de décontamination. Ces matériaux présentent des propriétés pouvant remédier aux inconvénients des résines échangeuses d’ions. Un des paramètres à prendre en compte est le

coût des matériaux comparativement aux zéolithes et aux argiles qui sont peu coûteuses 36. Par

exemple, une argile comme la séricite coûte environ 5$/kg alors que les résines échangeuses

d’ions coûtent entre 30 et 50$/kg 37. Outre l’investissement financier, ces matériaux possèdent

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(CEC), ainsi qu’une cinétique d’adsorption rapide offrant des performances intéressantes pour

l’adsorption d’ions dans ces matériaux 38. De plus, il est possible de les fonctionnaliser,

c’est-à-dire de fixer des groupements sélectifs en surface qui permettent d’interagir plus fortement

avec le radionucléide désiré et donc d’augmenter les performances du solide 36. Les échangeurs

inorganiques présentent généralement une bonne stabilité lors d’expositions aux radiations mais aussi à l’encontre des modifications de leurs propriétés chimiques, thermiques et mécaniques

39. Le pH du milieu peut également avoir une incidence sur l’adsorption 35 et, certains matériaux

ne sont pas stables à pH basiques ou acides. Les études permettent ainsi de choisir un matériau préférentiel en fonction du milieu à décontaminer.

Ces matériaux sont donc très intéressants pour décontaminer les effluents nucléaires mais le principal inconvénient (identique à celui des résines organiques) reste la compétition possible avec d’autres cations présents dans le milieu. Par exemple, le sodium et le potassium

sont des compétiteurs importants pour l’adsorption de césium ou de strontium 36.

La partie suivante permettra d’avoir un aperçu des matériaux inorganiques étudiés ou utilisés pour la décontamination nucléaire par rétention des radionucléides tels que le césium ou le strontium.

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