FIGUREI.37 – Observation MEB de l’interface entre la phase MgB2 et le nickel de la matrice
avec un détecteur d’électrons rétrodiffusés.
I.3 Problématiques liées aux câbles supraconducteurs
Nous avons posé les bases de la supraconductivité et décrit les objets de l’étude. Dans cette partie, nous allons aborder les problématiques liées à la mécanique dans les câbles supraconducteurs.
I.3.1 Dégradations des performances électriques des câbles
Déjà abordé dans la partie traitant de la supraconductivité, le domaine supracon-ducteur et plus particulièrement le courant maximal pouvant circuler dans un brin (Ic) évolue avec la déformation mécanique. Cette dépendance est bien connue pour le Nb3Sn et des Scaling law sont disponibles pour les différents brins.
Toutefois, des campagnes d’essais réalisés sur CICC dans le cadre d’ITER ont mon-tré que les performances des câbles étaient nettement dégradées par rapport aux per-formances nominales des brins [Ciazynski, 2007]. L’application de chargements cy-cliques (thermiques ou électromagnétiques) ont également entraîné une dégradation irréversible des performances [Bruzzone et al.,2008], [Bruzzone et al.,2009], [Breschi
et al.,2012].
Ces dégradations sont expliquées par les sollicitations auxquelles sont soumis les brins dans les CICC et le design des câbles [Ciazynski et al.,2008]. Les brins sont soumis à plusieurs chargements dans les câbles : un chargement thermique entre la tempéra-ture de traitement thermique de 650◦C et le refroidissement à 4 K et un chargement électromagnétique générant une force de Lorentz dans le conducteur. Cette force peut mettre en mouvement certains brins au sein du câble à cause de la présence de vide nécessaire à la circulation de l’hélium [Mitchell,2005c]. Ces sollicitations mènent à de la flexion ainsi qu’à des efforts de contacts entre les brins [Nijhuis et Ilyin,2006],[
Mit-chell et al.,2013]. Des phénomènes cycliques peuvent également apparaître et peuvent mener à l’endommagement des brins supraconducteurs [Jewell et al.,2003], [Sanabria
et al.,2012]. Ce sont les deux principaux chargements s’appliquant aux câbles supra-conducteurs.
Des efforts ont donc été menés afin de comprendre les phénomènes en jeu dans la mécanique des câbles. Il s’agit également de prédire le comportement électrique des câbles. Cela passe par la modélisation numérique. Pour pouvoir prédire le comporte-ment électrique d’un câble, il est nécessaire de connaître les déformations locales au sein d’un brin.
I.3.2 Modèle électromécanique couplé de câbles supraconducteurs
Plusieurs approches ont été développées pour prédire les propriétés électriques à l’échelle du câble à partir des propriétés à l’échelle des brins.Approches analytiques
Basés sur les modèles analytiques de flexion de poutre, le modèle TEMLOP
(Trans-verse Electro-Magnetic Load Optimisation) permet d’estimer les déformations induites
par les efforts magnétiques transverses [Nijhuis et Ilyin,2006].Zhai et Bird[2008] ont enrichi le modèle TEMLOP de l’Université de Twente et développé le FEMCAM au
Na-tional High Field Laboratory de la Florida State University. Leur modèle permet de
dé-terminer les courants circulant dans chaque brin en fonction des déformations subies. Qin et al.[2011] ont ensuite développé le CORD, avec une définition hélicoïdale de la trajectoire des brins et basé sur les modèles analytiques deCostello [1997] pour les câbles.
Approches géométriques
Schild et al.[2000] ont proposé une approche purement géométrique pour prédire les trajectoires initiales des brins dans un CICC en déplaçant les brins par un procédé heuristique jusqu’à la géométrie finale sans interpénétrations entre les brins à partir d’un arrangement arbitraire initial. Cette approche a été utilisée pour la prédiction des zones de contact entre les brins parVan Lanen et Nijhuis[2010].
Approches par simulation par éléments finis-codes commerciaux
Nemov et al.[2010] ont proposé une approche pour simuler le comportement mé-canique de câble en utilisant des codes de calcul commerciaux (ABAQUS/Explicit, LS-DYNA et MSC.Marc). Différents éléments et contacts sont utilisés pour modéliser les brins (éléments finis volumiques ou éléments de poutres enveloppées de coques pour la prise en charge du contact). Le comportement des brins est défini comme isotrope
I.3. PROBLÉMATIQUES LIÉES AUX CÂBLES SUPRACONDUCTEURS
et implémenté dans le modèle éléments finis sous la forme de données de contrainte-déformation. Le principe est de partir d’une configuration de départ avec une descrip-tion des brins par des combinaisons d’hélices et de compacter le câble pour obtenir la configuration initiale. Les modèles obtenus sont ensuite soumis à de la traction.
Les petits assemblages (triplets et 3x3) présentent des résultats satisfaisants mais les conditions aux limites ne permettent pas d’obtenir une configuration initiale sa-tisfaisante pour les assemblages de plus de trois niveaux. Il est également reporté des difficultés à modéliser le contact dans les trois codes employés.
Toutefois, ce type d’approche reste intéressant lorsque l’on considère des câbles avec un faible nombre de brins et certaines conditions (périodicité spatiale). Une mo-délisation de ce type est notamment utilisée pour modéliser les câbles de type Ruther-ford (figureI.38) [Arbelaez et al.,2010], [Manil et al.,2012]. La géométrie des surfaces de contacts entre brins est accessible et l’étude de phénomènes tels que la décohé-sion survenant lors de la fabrication ou l’utilisation des câbles de type Rutherford est possible par un modèle par éléments finis.
FIGUREI.38 – Modélisation par éléments finis d’une portion d’un câble Rutherford réalisé sous
ANSYS et LS-DYNA [Manil et al.,2012].
Approches par éléments finis-code dédié : Multifil
Une autre approche pour la simulation par éléments finis des câbles est propo-sée par le code Multifil. Initialement développé pour la modélisation de la mécanique interne des câbles métalliques, Multifil a été étendu à la simulation des milieux enche-vêtrés généralisés et des matériaux textiles [Durville,2005], [Durville,2010], [Durville, 2012].
Au cours de sa thèse, H. Bajas a simulé plusieurs configurations de câbles dans les-quels chaque brin possède un comportement global homogène. Le câble est initiale-ment modélisé dans son ensemble par des fonctions hélicoïdales correspondants aux différentes étapes de câblage et plusieurs opérations (déformations et compactions) sont réalisées pour obtenir la configuration géométrique du câble. La simulation uti-lise un modèle de poutre à cinématique enrichie pour décrire la cinématique du fil et
le contact est modélisé par de la friction. La simulation des chargements de compres-sion axiale résultant du retrait thermique (figureI.39b) et de l’application des forces de Lorentz (figureI.39c) a permis de mettre en avant une importante hétérogénéité des déformations à l’échelle du brin.
Le modèle cinématique de poutre à 9 degrés de liberté est moins onéreux qu’une approche par éléments volumiques qui nécessite une discrétisation relativement fine dans le volume. Une telle approche permet de simuler des câbles composés de plu-sieurs centaines de brins.
(a) Simulation du câble et déformations axiales après application du chargement thermique.
(b) Carte de déformations axiales après
application du chargement thermique.
(c) Carte de déformations axiales après
ap-plication des forces de Lorentz.
FIGUREI.39 – Modélisation et résultats de simulation d’un pétale (sous-câble) CICC réalisée
parBajas[2011].
La thèse deBajas[2011] a montré l’intérêt de ce type d’approche pour la simulation des CICC et la détermination des déformations induites dans les câbles (figureI.39). À partir des déformations prédites, une simulation du comportement électrique est réa-lisée en utilisant le modèle CARMEN développé au CEA Cadarache [Torre et al.,2011], [Torre et al., 2013] et [Torre et al., 2014]. Le code CARMEN (pour Coupled Algorithm
for Resistive Modeling of Electrical Networks [Zani et al.,2009]) est basé sur un modèle de réseau électrique et permet de prédire le comportement électrique des câbles en prenant en compte les redistributions de courants entre brins supraconducteurs.