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CHAPITRE I CONTEXTE GENERAL

2. O BJECTIFS DE LA PRESENTE ETUDE

2.2. Problématiques de la thèse

La clef de la compréhension et de la prédiction des variations démographiques observées au sein d’un écosystème réside dans l’élucidation des mécanismes sous-jacents, opérant souvent à des échelles différentes de celles auxquelles ces variations sont observées. Dans certains cas, ces observations doivent être considérées comme émergentes de comportements collectifs d’un large ensemble d’unités agissant à plus petite échelle (Levin 1992). Il est donc important de décrire les relations alimentaires régissant les flux énergétiques nécessaires au fonctionnement des organismes à différentes échelles : les individus, les espèces, les groupes fonctionnels27 ou les communautés. Les connaissances actuelles des régimes alimentaires des prédateurs apicaux sont encore trop imprécises pour effectuer des prédictions robustes concernant le fonctionnement des écosystèmes et la mise en place de mesures de gestion pertinentes basées sur une approche intégrée. Compte tenu des incertitudes concernant le rôle des prédateurs de niveau trophique élevé dans leur environnement ainsi que l’importance de ces connaissances dans le contexte local, l’objectif général de cette thèse est d’étudier les

relations alimentaires entre les prédateurs apicaux de différents compartiments écologiques. Au vu des connaissances disponibles et des besoins en connaissances locales,

deux compartiments écologiques ont été privilégiés : épipélagique et démersal28 profond avec comme point focal les espèces ciblées ou en interaction avec la petite pêche artisanale. Une approche intégrative d’analyse à différentes échelles (communauté, espèce, individus) a été adoptée afin de décrire les niches trophiques des prédateurs apicaux, développée au travers de trois problématiques :

1- De quelles sources de matière organique dépendent les espèces étudiées ?

La détermination des sources de matière organique alimentant un compartiment écologique permet de mieux définir la dépendance de celui-ci à divers habitats. Cette dépendance peut cependant être indirecte en raison de la mobilité à la fois des proies et des prédateurs. Sans permettre d’élucider de manière exhaustive la question de l’utilisation de l’habitat, cette approche permettra de compléter des indices issus d’observations directes. Autour de l’atoll de Palmyra, l’espèce de requin la plus abondante se nourrie d’espèces pélagiques et serait donc moins structurante pour le récif qu’une autre espèce moins abondante (McCauley et al. 2006).

27Groupe fonctionnel : rassemblement d’espèces assurant des fonctions similaires au sein de l’écosystème

du fait de leur niche écologique proche.

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Cette observation met en exergue l’importance de la compréhension des liens trophique en plus de la biomasse pour évaluer l’importance d’une espèce dans son écosystème.

Deux sources principales de matière organique seront considérées dans ce travail : la matière organique en suspension issue de l’activité phytoplanctonique et la matière organique sédimentaire constituée majoritairement d’éléments détritiques, mais aussi d’une production primaire (macroalgues ou microalgues) en zone euphotique29. La dépendance relative des prédateurs de niveau trophique élevé de surface à ces deux sources sera considérée comme un indicateur du caractère océanique ou côtier de ces espèces, tandis qu’elle sera considérée comme un indicateur du caractère pélagique ou benthique30 des espèces démersales profondes.

2- Quels types d’interactions définissent les relations alimentaires entre ces espèces ?

La détermination des relations interspécifiques entre prédateurs de niveau trophique élevé est primordiale pour mieux cerner le fonctionnement des écosystèmes. En effet ces relations peuvent, dans certains cas, expliquer les répartitions spatiales de prédateurs de niveau trophique élevé. A Hawaï par exemple, deux espèces de requins à l’alimentation très similaire se retrouvent dans des zones géographiques distinctes, appuyant l’hypothèse d’une exclusion compétitive (Papastamatiou et al. 2006). La compétition entre espèces nécessite deux conditions : qu’elles aient des niches trophiques chevauchantes et que les ressources soient limitantes. De plus, bien qu’ayant peu de prédateurs au stade adulte, les liens de prédation peuvent lier deux espèces prédatrices, notamment par la consommation de juvéniles. Enfin, deux espèces peuvent présenter des alimentations différentes, phénomène appelé ségrégation ou partition trophique. Ces partitions trophiques peuvent résulter d’alimentations totalement indépendantes ou être issues de mécanismes d’évitement de la compétition.

3- Quels sont les facteurs influençant l’écologie trophique des espèces étudiées ?

Le concept de niche trophique étant dynamique, le régime alimentaire d’une espèce n’est pas fixe. L’âge (lié à la taille), le genre, le stade reproducteur (en cours de reproduction, de ponte etc.), le lieu (aspects géographiques à différentes échelles), la profondeur, l’année (liée aux cycles climatiques type El Niño), la saison, l’heure, la distance à la côte (liste non exhaustive), sont autant d’exemples de paramètres pouvant affecter le comportement de recherche alimentaire des prédateurs de niveau trophique élevé. L’identification des paramètres

29Zone euphotique : couche où l’intensité lumineuse est suffisamment forte pour permettre la photosynthèse.

Elle correspond généralement aux 100 premiers mètres en eaux claires.

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influençant les stratégies alimentaires des organismes est donc une étape cruciale pour leur prise en compte dans les stratégies de gestion.

Les chapitres II et III de cette première partie permettront de décrire le contexte géographique de l’île de La Réunion, le cortège d’espèces étudiées, ainsi que les méthodes utilisées.

La seconde partie permettra d’explorer l’écologie trophique des espèces étudiées à travers quatre chapitres correspondant à des manuscrits préparés dans l’objectif d’être publiés dans des revues scientifiques internationales. Le chapitre IV présente les résultats obtenus concernant l’alimentation des requins tigre et bouledogue, étudiée à l’échelle populationnelle, inter- individuelle et intra-individuelle. Ce chapitre a été accepté dans le Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Science et est actuellement en cours d’édition (DOI : 10.1139/cjfas-2016-0105). Le chapitre V regroupe des données obtenues sur l’ensemble des huit espèces épipélagiques étudiées et est en cours de préparation pour une soumission prochainement. Le chapitre VI permet une première description de l’écologie trophique d’espèces qualifiées dans cette étude de profondes, capturées entre 100 m et 600 m de fond le long des pentes de La Réunion. Les données présentées dans ce chapitre sont en révision dans la revue Fisheries Research. Enfin, le chapitre VII présente une comparaison des facteurs influençant les régimes alimentaires des espèces de surface et des espèces profondes autour de La Réunion. Ce manuscrit fait l’objet d’une publication dans le Western Indian Ocean Journal of Marine Science (volume 14 de décembre 2015)31.

La dernière partie constitue une discussion générale développée en trois chapitres. Le chapitre VIII synthétise l’ensemble des résultats présentés dans la deuxième partie. Le chapitre IX permettra d’intégrer les données récoltées au cours de cette étude dans le cadre d’une approche plus générale sur le fonctionnement des écosystèmes marins autour de La Réunion. Dans un premier temps cela consistera à la construction du panorama général de la structure isotopique des écosystèmes marins autour de La Réunion en rassemblant des données issues d’un ensemble d’études, dont celle-ci. Dans un deuxième temps, les données récoltées sur les contenus stomacaux des seize espèces de prédateurs de niveau trophique élevé considérées dans la deuxième partie permettront la construction de deux réseaux dont une première analyse

31 Ce journal ayant connu des retards dans la production pendant quelques temps, l’année de publication

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topologique sera proposée. Enfin, le chapitre X s’attachera à rassembler quelques pistes de perspectives afin d’orienter de futures recherches.

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Chapitre II Evolution des territoires de

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